Par Julie Thomas ♦ Dans un portrait en deux parties, Julie Thomas revient sur l’histoire de Donald Trump, ce président des États-Unis qui continue à agiter le paysage politico-médiatique et à porter une vision d’une Amérique puissante. Voici la première partie de ce portrait.
Polémia
Donald Trump, ce n’est pas seulement une campagne présidentielle inattendue suivie d’un mandat placé sous le signe de l’hostilité. Donald Trump, c’est aussi l’homme qui a conquis par ses réalisations immobilières les quartiers les plus chics du monde entier, en commençant par Manhattan. C’est au cœur de ce dernier qu’en lettres d’or son nom brille au-dessus de l’entrée monumentale du gratte-ciel qui porte son nom de 202 mètres de haut dans la Cinquième Avenue. C’est encore son nom qui couronne la tour plaquée or de Las Vegas ainsi que toutes les autres, bâties ou rachetées. De l’Écosse à Palm Beach, de Los Angeles à Dubaï, Trump collectionne les résidences, les hôtels et les parcours de golf emblématiques. Le multimilliardaire incarne une marque de luxe qu’il n’hésite pas à inscrire sur tous ses produits, du plus grandiose au plus anodin.
Un enfant de New-York
Pour comprendre ce personnage qui a gravi tous les échelons du rêve américain, remontons son arbre généalogique puis arrêtons-nous sur sa jeunesse et son parcours.
Les premières pierres du destin de la famille Trump sont posées par son grand-père, Friedrich Trump, arrivé d’Allemagne en 1885 à l’âge de 16 ans. Débutant comme coiffeur à Manhattan, Friedrich part rapidement vers l’ouest tenter sa chance à l’instar de dizaines de milliers de prospecteurs d’or. Il parcourt de vastes étendues, de l’Oregon au Yukon, bravant la mort à sa manière, dans ces rudes expéditions, construisant, exploitant et revendant des hôtels-restaurants au gré des arrivées et des départs des chercheurs d’or en quête de nouveaux eldorados. Devenu un homme riche, et citoyen américain, Friedrich repart en Allemagne en 1901 chercher l’épouse idéale qu’il reconnaîtra dans la radieuse Elizabeth Christ. Quatre ans plus tard, la famille Trump décide de retourner à New York et c’est à ce moment-là que naît Fred, le père de Donald Trump. En 1907, à la naissance de leur troisième enfant, Friedrich et sa femme déménagent dans un quartier du Queens, Woodhaven, où Friedrich a commencé à développer des affaires dans l’immobilier tout en gérant le Medaillon Hotel de la Sixième Avenue.
La construction : une passion familiale
Friedrich meurt en 1918 de la grippe espagnole – ou officieusement d’un excès d’alcools en tout genre – et Elizabeth est alors forcée de trouver un emploi en tant que couturière tandis que Fred, qui est le premier garçon de la fratrie, devient l’homme de la maison à l’âge de 13 ans. Il enchaîne les petits boulots la journée, et renoue avec les études secondaires le soir. Mais très vite, marchant dans les pas de son père, il s’initie aux métiers de la construction et devient progressivement un professionnel dans tous les domaines. À l’âge de 16 ans, alors que les voitures commencent à faire leur apparition dans les ménages de la classe moyenne, il construit sa première structure, un garage préfabriqué pour un voisin, qu’il reproduit ensuite pour de nombreux autres clients à 50 dollars pièce. Ambitieux, et à peine son baccalauréat en poche, il crée avec l’aide de sa mère l’entreprise Elizabeth Trump & Son. Grâce à un prêt de 800 dollars que lui accorde celle-ci, il bâtit sa première maison en 1923 à Woodhaven, qu’il revend 7 000 dollars. Construisant au départ de modestes maisons en brique, il s’oriente rapidement vers un marché plus prometteur et érige de plus vastes demeures de style colonial, Tudor et Victorien. La Grande Dépression n’étant pas venue à bout des Trump, Fred réussit à remonter la pente et en 1934 il vend 78 maisons puis 2 500 autres au cours des douze années suivantes. Le promoteur immobilier à succès s’impose comme l’un des plus grands constructeurs du Queens et de Brooklyn. À ce jour, ses bâtiments sont considérés parmi les meilleurs logements à prix raisonnable pour vivre à New York. La réussite de Fred Trump lui permet également de donner à son jeune frère l’éducation qui lui manquait : John Trump étudie au très prestigieux MIT. et devient l’un des plus grands spécialistes du nucléaire.
Entre deux réalisations, Fred a tout de même le temps de se marier, en 1936, à Mary Anne McLeod, jeune immigrée venue d’Écosse. Et dix ans plus tard, en 1946, naît Donald John Trump, quatrième d’une fratrie de cinq enfants qui ne manquera de rien. La famille Trump est alors l’une des plus aisées du comté de Queens. Fred Trump travaille chaque jour que Dieu fait, et il emmène ses fils sur ses chantiers aussi souvent que possible. À l’adolescence, après les cours, Donald suit son père et l’observe traiter avec les entrepreneurs, visiter les bâtiments ou bien négocier un nouveau site. Fred lui montre qu’il est incollable sur le prix de chaque matériau, et que, à la virgule près, il négocie avec acharnement chaque contrat, chaque acquisition, ne lâchant jamais le morceau et ne laissant pas la moindre chance à l’autre de le rouler. C’est une leçon que Trump n’oubliera jamais.
Cette figure paternelle taillée dans le granit, qui répète à ses enfants : « Soyez des tueurs », demeurera pour Donald Trump le modèle par excellence : « On nous a appris à connaître la valeur d’un dollar et à apprécier l’importance d’un travail acharné », écrit-il en 1987 dans son livre The Art of the Deal.
Un tempérament de leader
Issu d’une telle famille de bâtisseurs sur deux générations, Donald Trump sera le seul de ses frères et sœurs à faire prospérer ce précieux héritage. Enfant, il se démarque déjà par son fort caractère. Il exaspère les uns, il est adoré des autres. Il tient tête non seulement à ses camarades mais également à ses professeurs, frôlant parfois l’expulsion. Ce tempérament de leader lui vaut d’être envoyé en pensionnat à 13 ans à la New York Military Academy où la discipline et l’ordre règnent en maîtres. C’est en raison de ce caractère bien trempé qu’un jour son père lui lance : « Tu es un roi. » De tous ses enfants, Donald est le seul qui ose affronter le patriarche, rendant coup pour coup, tandis que Fred Jr et Robert font tout pour éviter son courroux. En particulier, Fred Jr, contrairement à son benjamin Donald, supporte mal la pression. D’un naturel affable, il suit son père à contrecœur sur les chantiers. Il n’a pas l’épaisseur et la carrure pour se mesurer à un entrepreneur chevronné et négocier avec un fournisseur brutal. Il faut se rendre à l’évidence, celui qui est naturellement destiné à reprendre les affaires du père, Fred Jr, l’aîné, n’a ni les qualités ni la passion pour l’emploi. À l’inverse, le jeune Donald, impétueux et fonceur, a hérité de ce tempérament. Il rêve de suivre le sentier des bâtisseurs et d’apporter une pierre de taille à la saga familiale…
À suivre.
Julie Thomas
07/11/2021