Que cela plaise ou non, l’élection présidentielle américaine du 6 novembre est importante pour nous. Vassalisées par l’oncle Sam, la France et l’Europe sont arrimées à l’Occident américain. Et entre Donald Trump, le milliardaire indépendant, pourfendeur du politiquement correct, et Kamala Harris, la marionnette wokiste de l’État profond, il n’y a pas photo. L’enjeu ? Rien de moins que le premier amendement américain, protecteur de la liberté d’expression dans tout l’univers occidental. Hélas ! le match n’est pas fait. Malgré les foules immenses qui le soutiennent et le ralliement de Robert Kennedy Junior et surtout d’Elon Musk, l’élection de Trump n’est pas acquise. L’incertitude plane sur l’élection américaine, une situation peu compréhensible alors même qu’au lendemain de l’attentat contre l’ancien président, ce dernier apparaissait comme archifavori. Indépendamment de probables irrégularités électorales, Hubert Calmettes, expert en marketing politique et auteur du Guide marketing du dissident, pointe ici des failles dans sa stratégie électorale.
Polémia
Une campagne remplie d’invectives
Les noms d’oiseaux pleuvent dans la campagne américaine et pas seulement celui de l’aigle à tête blanche, majestueux emblème des États-Unis. Plus on s’achemine vers la fin de ce pathétique épisode, plus le duel Kamala/Donald ressemble à un échange d’invectives en dessous de la ceinture, propulsant une fois de plus la politique et ses acteurs au fond du caniveau.
Nous ne ferons ici, en quelques lignes, ni la promotion ni l’analyse de tel ou tel programme ou de telle ou telle position. L’examen critique portera simplement sur la campagne de Trump, qui présente, à n’en pas douter, et quelle que soit l’issue du scrutin, quelques problèmes sur le plan stratégique, sémantique, tactique, ce qui au pays des inventeurs du marketing politique ne peut nous laisser indifférents.
Marketing et communication politique
Dans l’entourage de Donald, deux hommes de l’ombre, Christopher LaCivita et Steven Cheung, respectivement directeur de campagne et directeur de la communication. Le premier, républicain pur beurre, est un trumpiste, trumpomorphe, appelé parfois « le bouledogue ». Le second était déjà chargé de la communication de la campagne de 2016… et c’est peut-être bien là le problème.
Une campagne se cisèle en fonction d’un contexte : le marketing politique n’est pas seulement de la communication politique !
Nos deux compères murmurent à l’évidence au creux de l’oreille survivante de l’ancien président : Donald, fais donc du Trump, ce qui t’a fait gagner hier, te fera gagner demain.
L’erreur réside peut-être dans le fait que la situation politique et géopolitique a changé. Que Kamala n’est pas Hillary et que le Trump de 2024 n’est plus le Trump de 2016 ! Face à une vice-présidente Harris insignifiante, et même totalement transparente sous Biden, wokiste (« everybody should be woke »), immigrationniste, gauchiste, la seule carte d’un ancien président serait de capitaliser sur son expérience et son statut. Trump en tant que challenger a eu raison de jouer la carte d’une campagne « disruptive » en 2016, politiquement incorrecte et anti-establishment. Celle-ci pourrait être contre-productive en 2024 car l’électeur républicain standard format « Make America Great Again » lui est de toute façon acquis, et ce sont bien les modérés qui feront cette fois-ci l’élection. L’équipe de campagne démocrate ne s’y est pas trompée : aux cris d’orfraie des partisans d’Hillary qui s’exclamait : « Scandalous », au premier tir de Trump en 2016, ont succédé d’autres mots, tels cet adjectif weird instillé à l’envi par les médias démocrates pour qualifier l’ancien président d’extravagant, bizarre, imprévisible, avec une note de commisération et des sourires en coin chez Kamala, Biden ou Obama ressorti en grande pompe en pompier superstar.
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Amateurisme ?
Les éléments de langage de Donald Trump demeurent à 80 % dans le registre des « trumpinades » et à 20 % sur l’argumentation politique de fond en lien avec son expérience et sa dimension naturellement présidentiable : une erreur qui ne sera peut-être pas mortelle mais qui lui a ôté toute sérénité jusqu’au scrutin.
Sur le plan de la maîtrise tactique et logistique, il y aurait également beaucoup à dire : un relatif amateurisme transparaissant, à titre d’exemple, dans la non-maîtrise du débat télévisé Donald/Kamala (alors même que, depuis toujours, ce type d’exercice est, aux États-Unis, contractuellement verrouillé en amont au picomètre) ; un choix de média contestable : ABC (réputé démocrate) ; un choix de journalistes eux-mêmes visiblement très orientés ; un séquençage questions-réponses verrouillé sur le timing mais pas du tout sur les contenus (questions de fond pour Kamala, questions polémiques pour Donald), un fact checking en direct (innovation de la chaîne) à géométrie variable (quatre fois plus pour Donald) donnant la curieuse impression que l’ancien président ne racontait que des bêtises.
Au-delà de la complexité électorale américaine et de l’opacité de certains dispositifs de vote ramenant « la plus grande démocratie » au niveau d’une république bananière, si Donald Trump devait être battu, il pourrait devoir cet échec à une campagne mal maîtrisée où l’on aurait simplement oublié que, durant ses quatre années à la tête du pays, et quoique l’on pense de ses très discutables positions géopolitiques, pas une seule guerre ne s’est profilée dans le monde sous son règne et pas un seul Américain n’a eu matière à critiquer ce curieux milliardaire à crête orange sur un terrain économique marqué par le retour d’une prospérité « made in US ».
Hubert Calmettes
29/10/2024