Après le tremblement de terre politique qu’a constitué l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, Jean-Yves Le Gallou revient sur les enseignements de ce scrutin européen.
Polémia
1. Trois tendances marquent les élections européennes sur l’ensemble du continent : la régression de la gauche (et des écologistes), le maintien du grande centre mou (le Parti populaire européen), la nette progression des partis identitaires.
2. En dehors de la France, on notera la forte progression de l’AfD en Allemagne et du FPÖ en Autriche. La radicalité prêtée à l’AfD ne semble pas lui avoir porté préjudice car c’est là où elle est le plus radicale – l’Est du pays – qu’elle est la plus puissante malgré la concurrence d’un parti de gauche anti immigration.
3. Ceci étant, les forces identitaires auront du mal à bloquer la dérive immigrationniste de l’Union européenne. La distorsion entre les choix des élites et ceux des peuples n’est pas en passe d’être résorbée.
4. En France, le rejet de Macron et la montée de l’insécurité se sont traduits par une forte progression du vote national et identitaire 23,3 % en 2019 (Bardella) à 37 % en 2024 (Bardella et Marion). La progression de Bardella est spectaculaire et le maintien de Marion au-dessus des 5 % malgré la puissance du « vote utile » est remarquable.
https://twitter.com/AlertesInfos/status/1799912557739675668
5. À Crépol, Bardella a doublé son score, passant de 23 % à 46 % et le total Bardella/Marion atteint 49,5 %. À Bellabre, bourg de l’Indre menacé par un foyer de clandestins, le même phénomène de prise de conscience électorale s’est produit. Comme à Callac en Bretagne.
https://twitter.com/raphael_ayma/status/1800053303159525874
6. Plus encore qu’un coup de poker, la dissolution décidée par Emmanuel Macron est un passeport pour le chaos.
En 1997 Patrick Devedjian avait ainsi commenté la dissolution décidée par le président de la République : « Il y avait une fuite de gaz dans l’appartement, Chirac a craqué une allumette pour y voir clair. »
7. Le vote de rejet du président lors des Européennes va se traduire aux législatives par un rejet de l’extrême centre macroniste qui ne sauvera ses sièges que dans le réduit des centres villes. Mais la mobilisation des esclavagistes de la France ubérisée sera insuffisante pour sauver la Macronie.
Jamais l‘Ile-de-France n‘a aussi bien porté son nom. pic.twitter.com/Jhz75xlj98
— Mathias Ulmann (@MathiasUlmann) June 10, 2024
8. Avec un potentiel de 38 %, le RN peut parfaitement emporter la majorité, voire la majorité absolue (en 1993, avec 44 % des voix, l’alliance RPR/UDF avait emporté 80 % des sièges).
Le cartel des gauche – s’il se reconstitue – peut paradoxalement avantager le RN en multipliant les duels RN/gauche, configuration la plus favorable pour le RN.
9. D’autant que le lassant « front républicain » pourra difficilement se mettre en place sauf à réaliser une improbable alliance, de Rima Hassan à Meyer Habib.
10. Au soir du 7 juillet, Macron-Néron se retrouvera au mieux sans majorité, au pire avec une majorité RN. Comme Mac Mahon en 1877, il lui faudra « se soumettre ou se démettre ». Se soumettre puis se démettre ?
11. Pour le RN, les difficultés commenceront. Cohabiter ou non ? Comment faire face à une situation budgétaire désastreuse après avoir fait des promesses électorales généreuses ? Quels ralliements obtenir d’une partie de la classe dirigeante au service d’une victoire qui pourra paraitre précaire ? Les dirigeants du RN peuvent se dire : « Enfin les difficultés commencent ! »
12. Coté LR, la tentation est grande de jouer le coup d’après. David Lisnard est en embuscade et se prépare à se poser en garant du temple budgétaire, prêt à pourfendre l’État social.
13. Mais la France, homme malade de l’Europe, dans une Europe, homme malade du monde, peut-elle encore longtemps tergiverser ?
Jean-Yves Le Gallou
10/06/2024
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