Un discours émouvant, presque pathétique, prononcé par Robert Ménard, maire de Béziers à la cérémonie du 11 novembre. Un discours patriotique et dissident, loin des allocutions de circonstance extraites des petits manuels à usage des maires, et qui réchauffe les cœurs.
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Sous-Préfet,
Monsieur le Député,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs les présidents d’association,
Mesdames et Messieurs,
11 novembre 2015 ! 11 novembre 1915 !
Nous voici à nouveau au rendez-vous du centenaire de la Grande Guerre, nous voici à nouveau devant le souvenir de ceux qui ne sont plus. Ils étaient nos arrière-grands-parents, nos grands-parents, et, pour certains des plus âgés d’entre nous, nos parents. Ce qu’ils ont vécu, nous ne pouvons pas le comprendre car nul, oui, nul ne peut partager quatre années de guerre, quatre années de boue, quatre années de mort.
Et si nous ne pouvons le comprendre, comment pourrions-nous réellement en apprendre, en retenir quelque chose ? Et si l’on ne peut aborder cette histoire avec notre esprit, que nous reste-t-il, sinon le cœur, sinon l’âme, sinon les tripes ?
L’immense masse de ceux qui combattirent, tous ces sacrifiés, tués, amputés, gazés, défigurés, acceptèrent leur destin cruel parce que c’était pour la France. Prétendre autre chose, c’est insulter leur mémoire.
Ne retenir de la Grande Guerre que les mutins ou les déserteurs en dit long sur la perversité de ceux qui font ce choix, de ceux qui ne savent célébrer que les défaillances et se moquent de l’héroïsme. Mais il est vrai que depuis la fable de La Fontaine, nous savons que les moucherons peuvent vaincre les lions…
Transformer 14-18 en un prêche pacifiste, bêlant, émasculé, c’est arracher aux morts face à l’ennemi tout ce qui leur reste : la gloire de leur sacrifice.
Dans le Journal de Béziers qui vient de paraître, nous posons cette question : Que peut bien signifier la Grande Guerre pour les jeunes générations ? Sans doute pas grand-chose…
Mais nous aurions pu poser une autre question : si ceux de 14 revenaient, reconnaîtraient-ils leur patrie ? Il ne s’agit pas, vous l’avez compris, de parler de l’évolution des techniques. Mais, je l’ai dit, de l’âme. De l’âme d’un peuple. Ceux de 14 se reconnaîtraient-ils dans les Français que nous sommes ?
Ceux qui sont morts pour sauver la France de la victoire allemande, que diraient-ils en voyant certaines rues de nos communes où le Français doit baisser la tête ?
Comment auraient-il pu imaginer, ces soldats, que l’État français donnerait des ordres à sa police pour qu’elle n’entre plus dans certains quartiers de certaines villes ? Comment nous jugeraient-ils, nous les hommes de 2015, qui acceptons tout cela pour continuer à avoir le bonheur de regarder la télévision et de remplir des caddies ?
Alors à quoi bon la célébration officielle d’une guerre d’un autre siècle, quand un État fait vivre ses citoyens dans le renoncement, dans la lâcheté, dans le reniement ?
À quoi bon des monuments aux morts, des autels à la patrie, quand on en vient à salir le souvenir de nos ancêtres en choisissant d’instruire nos écoliers dans la sympathie pour les déserteurs et l’indifférence pour les héros, pour nos héros ?
À Béziers, nous refusons cette hypocrisie. À Béziers, nous disons que la Grande Guerre est le grand sacrifice de la France. Plus d’un million de jeunes hommes sont morts. Nous disons que ce sacrifice de sang qui a atteint, qui a meurtri la France dans sa chair, dans sa démographie, nous disons que ce sacrifice a sanctifié à jamais la patrie française.
Nous disons que tant qu’il y aura des Français, tant qu’il y aura des descendants de ceux de 14, il y aura, non pas un devoir moral – cette formule ne veut rien dire – mais un droit à dire, un droit à crier :
Vive la France !
Vive la France telle qu’elle fut, telle qu’elle doit être et telle qu’elle redeviendra !
Robert Ménard
Source : Choisir Béziers