Qui a vu Die Staatsaffäre (L’amour au sommet, titre français), lundi 2 septembre 2014 sur Sat1 ? Notre contributeur Frédéric Malaval dont les écrits, habituellement, relèvent plus du sérieux que du divertissement se livre ici à une critique amusante d’un téléfilm comique allemand qui, lui, tient de la facétie. Le lecteur non germanophone trouvera en fin d’article, sur le site d’Europe 1, un commentaire en français.
Polémia
Ce film allemand raconte l’histoire d’un homme et d’une femme qui se retrouvent dans la cinquantaine après une brève liaison pendant la chute du Mur de Berlin, arrêtée sur un quiproquo. Tiens ! Polémia chercherait-il à concurrencer la presse people et quitter le monde de la réinfosphère pour entrer dans celui du divertissement ?
Précisons que ce film a comme personnages principaux un Français et une Allemande. Rien de significatif, là encore.
Bon alors, lâchons le cœur de l’intrigue : lui est président de la Ve République française ; elle, chancelière de la Bundesrepublik Deutschland. Voilà l’intérêt de ce film qui, dans le registre bluette, fournit quelques clichés sur la façon dont nos cousins germains nous voient et envisagent nos relations.
Ce film commence avec l’élection surprise d’un président français que personne n’attendait. Il est beau. Sa richesse est due à ses succès industriels.
La chancelière de l’Allemagne a, elle aussi, une plastique à la hauteur de son homologue français. Dans un style Claudia Schiffer en moins anguleux, sa blondeur façon Schwarzkopf ne laisse aucun doute sur sa germanité. Au début, elle feint la surprise face à ce nouveau président, mais très vite on comprend qu’elle a reconnu son trop bref amour de jeunesse. Une scène nous relate les conditions de leur rencontre. Leur amour se déclare alors que le Mur disparaît. Ils sont sur une terrasse dominant Berlin. Mais un quiproquo empêche l’idylle de se développer. Elle fera donc de la politique en y sacrifiant sa vie de femme. Visiblement, elle est plus proche d’Elizabeth 1re d’Angleterre que de Catherine II de Russie. Arbeit, Arbeit… Un regard de dépit sur une mère et son enfant montre, au début du film, que son succès politique ne compense pas son échec comme femme. Cette scène très brève confirme que l’Allemagne est toujours le pays du KKK : Kinder, Küche, Kirche.
Puis c’est la rencontre au cours d’un sommet européen. Tous les protagonistes sont installés dont l’Italien se trompant sur le nom de sa compagne. Cette dernière réagit à l’italienne. Notre play-boy national aux yeux bleus arrive dans un cabriolet puissant qu’il conduit sportivement. Dans la place passager est assise une top model africaine genre Iman : Madame David Bowie à la ville. Lui est typiquement issu d’un poster du IIIe Reich, enfin, de ceux mettant en scène l’archétype aryen. Célibataire, la présence d’un mannequin noire à ses côtés souligne qu’il a dû consommer des pelletées de femmes de toutes les couleurs, mais toujours dans la catégorie top model. La caricature du Français nég… afrophile, séducteur et léger s’impose à nos cousins, ach, Französisch pas zérieux…
En revanche, il est assez réconfortant que ce président soit vu comme un richissime industriel. Sans doute que les réalisateurs ne connaissent pas exactement la situation de l’industrie française ou alors veulent faire croire à la famille Schultz que la France est un partenaire digne de confiance. Là est un des points positifs de ce film : nous serions encore compétitifs économiquement et pourrions faire fortune dans l’industrie. Il faudrait toutefois signaler à nos voisins que la France ne produit pas beaucoup, voire aucune voiture sportive susceptible de concurrencer les marques allemandes ou italiennes. En outre, depuis la Ve République, les présidents ont été successivement : fonctionnaire, fonctionnaire, fonctionnaire, avocat, fonctionnaire, avocat, fonctionnaire. Pas d’industriels. Ne nous plaignons pas toutefois des clichés que ce film diffuse à nos cousins.
Après son arrivée tonitruante, la comédie commence. Bien sûr, ils se reconnaissent et se souviennent. La passion, la raison d’État, des allers-retours se succèdent, le tout ponctué de scènes dans la plus pure tradition humoristique germanique. Il ne manque que la tarte à la crème. Mamy Schultz a dû se fendre la poire à s’en faire péter le sonotone. Un journaliste allemand, assez critique, a résumé ces scènes en décrivant un président français à mi-chemin entre Alain Delon et Louis de Funès.
Ils comprennent enfin – surtout la chancelière – pourquoi ils ne se sont pas revus. On sent alors chez elle un grand moment de déprime. Un petit papier écrit par lui, non vu par elle, et chacun retourna dans son monde. Mince, elle aurait pu vivre le KKK au lieu de devenir chancelière…
Puis c’est la fin. Out l’Africaine. L’Allemande remet le Français papillonnant dans le droit chemin. Dans la dernière scène, ils sont dans un canapé sur la fameuse terrasse de leurs amours contrariées : elle, blottie dans ses bras ; lui, très mâle protecteur, contemplant amoureusement la capitale de l’Europe : Berlin.
« Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. » C’est évident. Cependant, malgré sa dimension fictionnelle, Die Staatsaffäre est un film à voir car il livre quelques stéréotypes savoureux et cultive l’ambiguïté sur les personnages de cette Komödie.
Frédéric Malaval
05/09/2014