En pleine période Charlie, l’information est passée à peu près inaperçue. Pourtant, elle vaut son pesant de croissants : des politiciens ont négocié leur siège contre des mosquées. Mais si ! Et qui annonce cette énormité ? Un délateur nazillon d’ultra droite? Pas du tout ! Un sycophante anti-arabe – ou islamophobe, si vous préférez ? Pas davantage ! Un farouche opposant politique à la majorité actuelle ? Encore raté ! Alors une telle nouvelle ne peut provenir que du Front National ? Toujours pas de chance. Ou de cathos rassis ? Vous donnez votre langue au chat ? Eh bien celui qui a vendu la mèche (1), c’est Razzy Hammadi.
Par Yannic Chauvin, essayiste, pour Polémia.
Né d’un père algérien et d’une mère tunisienne, engagé à 19 ans au Parti socialiste, Razzy, ex-président des Jeunes socialistes, grimpe les échelons pour devenir, en 2012, député PS de Seine-Saint-Denis. Donc, pas le genre à bouffer du mufti.
Mais pas la langue dans sa poche. Interrogé sur les banlieues :
« Est-ce qu’il y a eu des lâchetés ? » lui demande-t-on.
« Oui, il y a eu des lâchetés… Le fait de flatter le communautarisme pour des objectifs électoraux… »
Le journaliste demande des précisions : « C’est-à-dire, concrètement ? »
« Concrètement, c’est tenter des accords électoraux en fonction des communautés… C’est, par exemple, que, sur des questions religieuses, on négocie la mosquée contre des voix. Ça s’est passé à gauche et à droite ».
Et voilà ! Comme ça, on sait. Lâcher une telle bombe sans mettre le conditionnel, c’est être sûr de soi et de son information. Le seul commentaire que cette attitude appelle est en forme d’hommage à ce député pour sa franchise et, disons-le, son courage.
« Il faut être vigilant » conclut Razzy. Il a raison. Là où des mosquées sont en projet – 350 aux dernières nouvelles – il n’est pas interdit de se poser la question de l’implication des élus dans un domaine qui, loi de 1905 oblige, devrait rester confiné au financement privée. On ne saurait être dupes, non plus, de l’argument éculé selon lequel l’aide publique est légitime pour une association culturelle, au prétexte que la mosquée abritera une bibliothèque.
Yannik Chauvin
11/02/ 2015