Alors que se tient ce samedi le Forum de la Dissidence consacré à la « chasse aux dépenses nuisibles », nous avons reçu de notre contributeur Georges Le Breton une étude de cas documentée sur la catastrophique gestion de la « crise Covid » par le tandem Emmanuel Macron/Bruno Le Maire et de leur responsabilité dans l’état actuel des finances du pays. Démonstration.
Polémia
Facteurs majeurs d’augmentation de la dette publique sur le dernier demi-siècle
La situation extrêmement dégradée des finances publiques françaises a des causes structurelles et conjoncturelles.
Sur le plan structurel, les cinquante dernières années sont marquées par une extension continue du champ de la protection sociale, en général par un gouvernement de gauche (20 ans au pouvoir), et sans aucune remise en cause sérieuse par un gouvernement de droite (23 ans au pouvoir).
Il y a eu pas ailleurs une augmentation permanente du nombre de fonctionnaires. Les Chevaliers du Fiel ont connu un grand succès avec « la brigade des feuilles » constituée d’agents municipaux qui ne travaillent quasiment pas.
Mais il y a également une dimension conjoncturelle : le cycle économique et en particulier les récessions ont toujours été accompagnées par une politique budgétaire accommodante laissant largement déraper les déficits.
Cela a été le cas dès les années 1970, mais également dans les années 1990 et lors des 2 dernières fortes récessions en 2009 (crise Lehman et subprimes) et 2020 (crise Covid).
En outre, la disparition du franc a permis à la France d’échapper via la zone euro aux régulières crises de changes et de balance de paiement qui ramenaient les gouvernements à la raison face à la lourde sanction politique de toute dévaluation du franc.
Le graphique ci-dessus présente le taux de croissance, le solde public et la dette brute de 1978 à 2023. Sont indiqués en violet 3 années avec des très forts déficits : 1993, 2009 et 2020.
À chaque fois, le fait de laisser filer les déficits permet de service à satiété le discours politique visant à « protéger les Français ».
Le graphique ci-dessus présente l’augmentation annuelle de la dette publique en milliards d’euros courants.
Ainsi, près de 10% (9 %) du déficit total de la France fin 2023 est constitué sur la seule année 2020, l’autre année de très grande hausse de la dette est 2009 (crise Lehman).
Modalités de gestion de la pandémie covid-19 de 2020 à 2022
La juriste et politiste Eugénie Mérieau décrit dans son dernier ouvrage Géopolitique de l’état d’exception une utilisation croissante de l’état d’urgence par les organisations internationales. C’est notamment le cas de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a déclenché l’urgence mondial Covid le 30 janvier 2020. De nombreux États (mais pas tous) lui ont emboité le pas, particulièrement dans le monde occidental et bien sûr en France.
La France a pris l’option d’un confinement très sévère à partir de mars 2020 : deux états d’urgence sanitaires, trois confinements, la fermeture des commerces non essentiels, les auto-attestations…
Le graphique ci-dessus représente les différentes séquences entre 2020 et 2022. Tout cela a généré un arrêt brutal et profond de la vie économique, avec en particulier de nombreuses entreprises et nombreux commerçants n’ayant plus aucun chiffre d’affaires.
Les modalités de gestion ont induit une énorme récession économique, compensée par une totale ouverture des vannes des finances publiques : fonds de solidarité, chômage partiel, les revenus perdus des activités arrêtées du fait de la gestions de la Covid ont été compensés par la prodigalité publique.
Tout cela est résumés dans la formule quoi qu’il en coûte répétée à satiété mais lancée pour la première fois le 12 mars 2020 par Emmanuel Macron qu’il est utile de relire :
« Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies. Quoi qu’il en coûte. Tout sera mis en œuvre pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises, quoi qu’il en coûte. L’ensemble des gouvernements européens doit prendre les décisions de soutien de l’activité, puis de relance. Quoi qu’il en coûte. »
Le FMI est les agences de notation ont bien noté le caractère particulièrement généreux du dispositif français, marqué par une boucle « j’arrête l’économie, puis je compense ».
Il y a eu en outre un accompagnement par l’Union européenne via un plan de relance européen financé avec de la dette mutualisée.
Le cas de la Suède et des pays d’Asie du sud-est
La Suède s’est fortement démarquée du reste du monde occidental. Plutôt que d’arrêter l’économie par des confinements stricts, les autorités se sont bien davantage appuyées sur des recommandations et des ajustements volontaires pour que la population réduise volontairement les interactions sociales du fait d’un bon niveau de conscience dans les autorités et une bonne discipline collective. D’où le mot suédois « LAGOM » : pas d’interdits, pas d’excès.
Les pays d’Asie du sud-est (hors Chine, non étudiée) ont également refusé l’arrêt quasi-total de la vie économique et sociale et ont pris en revanche des mesures ciblées très puissantes :
- Incitation à un comportement volontaire d’évitement des comportements à risque (exemple des chorales au Japon) ;
- encadrement strict des entrées sur le territoire par des mesures de quarantaine de 15 jours pour chaque entrant ;
- traçage des populations à risque par le bornage téléphonique et le suivi des transactions bancaires.
Les résultats sanitaires
Si l’on mesure le succès par le nombre de morts Covid par unité de population, on constate un même niveau pour la France et la Suède (alors que le coût public français est sans commune mesure), et des niveaux beaucoup plus faibles partout en Asie.
La gestion de la Covid a généré une énorme récession en France (-7.4% du PIB) un niveau quatre fois supérieur à la récession en Suède.
La récession a induit un énorme déficit de la France, déficit trois fois supérieur à celui de la Suède et par ailleurs 2 points de PIB supérieur à celui de la zone euro.
La dette publique en proportion du PIB a bondi de 16 points de PIB en France en 2020, contre 3 points en Suède. La Suède a fin 2023 une dette publique plus de trois fois inférieure à celle de la France.
Les conséquences de moyen terme
Les conséquences de moyen terme sont délétères : basculement des derniers indépendants dans la dépendance à l’État avec les compensations du fond de solidarité, désensibilisation de la population à l’enjeu comme l’atteste le poids des candidats « raisonnables » aux élections de 2017 et 2022.
Donc la gestion Macron/Le Maire de la Covid pèse énormément dans la présente situation catastrophique des comptes publics français.
La construction du budget 2025, la dégradation de spread avec les autre pays de la zone euro met en lumière le caractère insoutenable des finances publiques françaises.
Propos finaux
« Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes. »
Jacques-Bénigne Bossuet
« On ne meurt pas de dette, on meurt de ne plus pouvoir en faire. »
Louis-Ferdinand Céline
Celle de Louis-Ferdinand Céline est moins connue que celle de Bossuet, mais particulièrement bien adaptée à la situation actuelle des budgets français.
Georges Le Breton
Georges Le Breton est haut fonctionnaire, spécialiste des politiques publiques, contributeur à Polémia et Boulevard Voltaire.