Dans une chronique parue dans Les Échos sous le titre « La conjecture de Moscou » voici ce qu’écrivait, le 2 janvier 2014, Favilla :
« Le taux de fécondité, 1,4 enfant par femme, est comparable aux taux les plus faibles d’Europe occidentale. Mais la mortalité est, elle, comparable à celles des pays pauvres et cela est dû à la conjonction de tous les maux russes : inefficacité bureaucratique du système de santé, corruption, alcoolisme, mauvaises conditions de vie et de travail. La résultante de ces deux courbes est que la population russe comptait 146 millions de personnes en 2000, qu’elle est tombée à 140 aujourd’hui et que, sur cette pente, elle irait vers 130 en 2030 et 115 en 2050. »
Comme toujours, les médias dominants présentent généralement la démographie russe sous un jour noir. Or le taux de fécondité russe, certes faible, est supérieur à celui de l’Union européenne, en particulier de l’Allemagne, pays pourtant présenté comme un modèle. Ce nouvel article des Échos (quotidien de l’oligarque Bernard Arnaud) s’est attiré une rigoureuse mise au point du blogueur français de Moscou, Alexandre Latsa.
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Les chiffres de la démographie russe présentés dans cet article sont inexacts car anciens mais il est vrai que la démographie russe évolue à une vitesse météorique.
Le taux de fécondité en Russie n’est pas de 1,4 enfant/femme : il s’agit des chiffres de 2007 comme on peut le voir ici.
Ce taux était de 1,195 en 2000, 1,406 en 2007, 1,7 en 2012 et devrait s’approcher des 1,75 en 2013. Voir ici.
Ce taux est, en l’espèce, supérieur à celui de l’UE (1,57 enfant/femme en 2013) dont les mauvais élèves sont dans des situations bien plus critiques que la Russie. Nombre de pays ont en effet des taux situés entre 1,2 ou 1,35 enfant par femme, comme la Roumanie (1,25), la Hongrie (1,23), la Pologne (1,3) ou l’Allemagne (1,36).
La Russie est passée de 1.266.000 naissances en 2000 à sans doute autour de 1.880.000 cette année 2013. Voir ici.
Enfin, n’oublions pas que la Russie a en outre un solde migratoire positif (+250.000/an en moyenne depuis 10 ans), contrairement à certains pays de l’UE qui se dépeuplent, comme la Lettonie qui a, par exemple, perdu 20% de ses habitants en quelques années.
Voir : fr.ria.ru/tribune/20110713/190124327.html
Et aussi : Année 1997 à 2010
En outre, la population russe n’est pas de 140 millions d’habitants (!) comme il est indiqué dans l’article, mais de 143,6 millions au 1er novembre 2013 et elle s’établira vraisemblablement à 144 millions au 1er janvier 2015, bien loin de tous les pronostics démographiques de la CIA, de l’institut Robert Schuman ou de l’ONU, comme on peut le constater ici.
Il semble donc quasi certain que les prochaines années voient une triple tendance :
- Baisse du nombre des naissances car nous entrons dans la période où la classe d’âge en âge de procréer sera moins nombreuse, étant celle du creux des naissances de la période 1995-2005.
- Baisse forte du nombre des décès pour des raisons évidentes de transition de génération mais aussi et surtout grâce à l’amélioration évidente des infrastructures de santé.
De 2.225.332 décès en 2000 à sans doute autour de 1.850.000 décès cette année 2013, la baisse est déjà bien entamée. - Les deux tendances précitées devraient entraîner un vieillissement de la population, mais si la croissance est maintenue, l’immigration devrait continuer sur le même rythme et permettre une légère augmentation de population durant la prochaine décennie
Ces évolutions rendent de moins en moins improbables les ambitions du pouvoir russe d’une population de 146 millions d’habitants en 2020 et de 150 millions en 2030, et non de 130 millions comme il est indiqué dans l’article.
Le lecteur des Échos intéressé par le sujet pourra se reporter à une note que j’ai publiée il y a 2 ans pour l’IRIS et qui a été reprise par Problèmes économiques, revue bimensuelle éditée sous la marque La Documentation française par la Direction de l’information légale et administrative (DILA). La note est consultable ici.
Il faut savoir enfin que le programme d’aide au retour en Fédération de Russie des Russes résidant à l’étranger lancé en 2007 fonctionne relativement bien puisque 25.000 personnes en ont bénéficié en 2012, 30.000 en 2013 et le chiffre devrait être de 50.000 en 2014, portant le total des rapatriés volontaires en Russie à 205.000 sur 8 ans (voir ici).
Ces quelques éléments seront utiles, je l’espère, pour mieux cerner ce sujet complexe et en pleine mutation mais qui visiblement ne laisse pas présager à la Fédération de Russie un avenir tellement sombre comme on nous l’annonce malheureusement encore trop souvent.
Alexandre Latsa
03/01/2014
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