André Posokhow, consultant, essayiste.
Un livre de passion et de chagrin.
♦ Malika Sorel-Sutter vient de faire paraître un ouvrage d’une densité exceptionnelle dédié à la France : Décomposition française/ Comment en est-on arrivé là ?.
Il est symptomatique de constater que nombre des protestations qui s’élèvent à très haute voix contre l’immigration-invasion et ses conséquences sur l’identité française, les principes républicains, le statut de la femme et la décadence de l’école proviennent de femmes qui ont mis tant d’espoir dans notre pays : Jeannette Boughrab, Lydia Guirous, Malika Sorel-Sutter.
Au travers de la dénonciation véhémente de « l’opération liquidation » de la nation française que nous subissons, elle manifeste une grande passion pour la France, une peine profonde pour ce que celle-ci est devenue et une connaissance certaine de la problématique de l’immigration-invasion et de la complicité de la caste politique à l’égard de celle-ci.
Un attachement profond pour la France
Les raisons de cet attachement sont particulièrement émouvantes. Petite fille élevée dans le sud de la France dans un environnement français, elle a suivi ses parents en Algérie. Elle y a vécu à l’heure française dans le souvenir des senteurs de Provence. L’Histoire de France résonnait en elle. Son diplôme d’ingénieur en poche, elle a quitté l’Algérie pour rejoindre la France qui s’était mise à hanter son cœur. Le choc du retour a été « un grand espoir déçu » qui explique son engagement, ses livres et son appartenance au Haut Conseil de l’Intégration, dissous, et c’est révélateur, par Hollande.
Les épisodes et les dates charnières
Aux yeux de M. Sorel-Sutter la véritable date charnière est l’année 2005 qui a connu 20 jours d’émeutes urbaines. Celles-ci ont constitué une coupure au sein des illusions nationales sur l’espoir d’une intégration culturelle massive des immigrés et de leurs descendants.
C’est également en 2005, grande étape de la marche vers le communautarisme, qu’a été créé le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) aux premiers états généraux duquel la fine fleur de l’oligarchie avait assisté et donné sa caution.
Les constats
Sorel-Sutter procède longuement, de façon très documentée et avec quelle fureur incisive, à plusieurs constats que nous ne pouvons que résumer ici.
- La laïcité, une digue qui cède
La laïcité qui établit une séparation entre le spirituel et le temporel et les hiérarchise devrait constituer un rempart inexpugnable contre la progression de l’islam et de l’islamisation de la France. Pourtant elle a été et est toujours bafouée par la classe politique qui n’a de cesse de proclamer les « valeurs de la République » pour le plus grand malheur de celle-ci.
La langue française, véhicule de la culture française et de la vision occidentale du monde, cède le pas devant les enseignements des langues et cultures d’origine (ELCO).
Les familles n’ont pas été protégées contre la prééminence du Coran sur les lois de la République, avec des conséquences désastreuses pour le statut des femmes et l’extension du voile sous toutes ses formes.
L’Etat a encouragé cette fuite du religieux face à la laïcité. Bloqué en 1905 contre les catholiques, il a créé le Conseil français du culte musulman et ses représentants se sentent obligés chaque année de ployer le genou devant le CRIF.
- Une identité nationale qui explose face à la diversité ethnique
Tout commence par les mots. L’oligarchie est passée du concept d’assimilation à celui d’inclusion en passant par ceux d’intégration et d’insertion. Ainsi a pu être consacrée l’idée de « diversité » présente dans la Charte de la diversité instituée par Jean-Pierre Raffarin en 2004 mais que Sarkozy a échoué à inscrire dans le préambule de la Constitution.
Cela ne l’a pas empêché de créer un Commissariat à la diversité ni ses ministres de pousser de manière insidieuse la discrimination positive et une politique des quotas. On assiste à l’émergence d’une préférence étrangère qui se transforme sur le terrain en une discrimination négative, fruit d’une politique d’inégalité imposée par les gouvernants au détriment des Français.
Deux mouvements se conjuguent : l’un consiste à glorifier ce qui n’est pas français et l’autre à dénigrer ou mépriser ce qui l’est. La bien-pensance mène également une politique de culpabilisation sur le fondement d’une Histoire de France tronquée et falsifiée afin de faire disparaître la fierté d’être français. Comment dans ces conditions les jeunes immigrés ne se tourneraient-ils pas vers leurs origines contre la France ?
- La nationalité a été dissociée de l’identité
Selon les « élites », l’assimilation des enfants de l’immigration serait un fait acquis en application du droit du sol, puisqu’ils sont nés en France.
Sorel-Sutter affirme pour sa part qu’il s’agit d’une idée fausse et que l’assimilation n’est jamais globale mais résulte d’un choix individuel. Au cours d’un entretien entre A. Sinclair et le roi du Maroc Hassan II, celui-ci a bien expliqué à la journaliste que les immigrés marocains ne seront jamais intégrés à 100% et qu’ils feront de mauvais Français, ce qui condamne la double nationalité.
Désormais, en France, la citoyenneté a été dissociée de l’identité et les conditions du maintien de la cohésion nationale ne sont plus réunies.
- L’effondrement des piliers du système républicain de l’assimilation
Les acteurs du Système s’accordent à affirmer que c’est à l’école qu’incombe le devoir de former les citoyens français mais dans le même temps ils font tout pour rendre sa mission impossible. En raison de l’importance des flux migratoires, les familles ont perdu toute liberté d’agir et demeurent enchaînées à leur groupe culturel d’origine. Or sans l’appui des familles le rôle de l’école dans le processus d’assimilation est voué à l’échec.
Il en va de même de l’Université qui connaît les mêmes phénomènes de communautarisme et d’islamisation, le point d’orgue étant l’IUT de Saint-Denis dont le courageux directeur a fait l’objet de menaces de mort.
- La lâcheté et la complicité des politiques et des pouvoirs publics
C’est le comportement d’un Etat résigné et démissionnaire, incapable de faire respecter les lois françaises qui a conduit à l’invasion migratoire. La lâcheté de l’Etat dans l’affaire de la crèche Baby-loup l’a bien montré.
Sorel-Sutter dénonce la complicité des pouvoirs publics :
-c’est la politique du fait accompli par laquelle on laisse enfreindre les lois et puis on place les Français devant l’obligation d’accepter ce qui est ;
-c’est la politique des accommodements qui guide en particulier la modification et la rédaction des programmes d’enseignement ;
-c’est la pratique répétée de la repentance publique de préférence à l’étranger ;
-la loi SRU « qui prive les Français de leur droit de vivre dans ces territoires où ce sont leurs normes qui fondent les règles du jeu constitue l’un des meilleurs symboles d’une forfaiture qui ne dit pas son nom » ;
-enfin, n’oublions pas les cinq volets du monstrueux et terrifiant rapport de refondation, en fait l’abandon, de l’intégration dont M. Sorel-Sutter résume son approche primaire en une équation : « extra-européen=bien ; européen=mal ».
Les responsables
Sorel-Sutter désigne les responsables de la transformation du projet politique de la France qui vise la mise en minorité progressive du peuple autochtone dans son propre pays :
-les organisations internationales font tourner le même logiciel depuis des décennies dans leurs rapports et leurs recommandations ;
-l’Union européenne a joué dans les années 1980 un rôle majeur de réflexion et de recommandation. La Cour européenne des droits de l’homme détient le pouvoir de sanctionner les Etats qui n’appliqueraient pas les engagements qu’ils ont souscrits ;
-mais, comme le souligne M. Sorel-Sutter, la véritable responsabilité revient aux Etats européens qui ont décidé en 2004 de tourner le dos au modèle d’assimilation qui passe par l’intégration culturelle ;
-la classe dirigeante a précipité la France dans le multiculturalisme par opportunisme. C’est ce que dénonce M. Sorel-Sutter en évoquant les thèses de Terra nova, l’action immigrationniste du Conseil d’Etat d’où provient T. Tuot, auteur d’un rapport transgressif sur l’intégration, et l’énarchie qui empêche tout renouvellement des élites de l’appareil d’Etat.
Enfin, M. Sorel-Sutter se montre particulièrement sévère sur la responsabilité de l’Eglise dont l’ingérence continue et orientée des évêques dans le débat sur l’accueil des migrants contribue à créer le malheur des Français et des migrants eux-mêmes. Les déclarations du pape sont particulièrement irresponsables et, une fois de plus, la hiérarchie de l’Eglise se retrouve du côté des puissants.
Une gauche sectaire responsable et coupable
Sans esquiver les fautes d’une droite veule et suiveuse, M. Sorel-Sutter consacre un chapitre cinglant sur les responsabilités de la gauche française. Elle dénonce le sectarisme qui lui est consubstantiel. Avant d’être français ou républicains ses membres sont de gauche. C’est une communauté de pensée, de comportement et d’intérêt qui n’a aucun goût pour la vérité et qui chasse en groupe fermé.
L’auteur accuse l’hégémonie culturelle de la gauche qui se manifeste depuis trois décennies notamment dans les médias et lui permet de manipuler l’opinion publique. C’est ce qui lui a permis, après l’échec patent du projet socialiste en 1983, d’imposer les idéologies de substitution de l’Europe et surtout de l’antiracisme qui donnait un supplément moral à la politique libérale que suivait désormais le pouvoir socialiste.
Cette idéologie de l’antiracisme a servi à imposer l’esprit de repentance, à décourager les Français de défendre leur culture et leur société. Elle a constitué une aubaine pour les descendants d’immigrés qui n’avaient pas envie de s’intégrer.
La décomposition française est la conséquence directe de l’antiracisme et le fruit pourri d’une gauche dont la culpabilité est éclatante mais qui, comme celle de la gauche des années 1930, ne sera jamais punie.
En définitive le livre de M. Sorel-Sutter est l’expression d’une fureur intime et sincère contre la lâcheté et la trahison de ceux qui avaient le devoir de protéger et défendre la France et sa civilisation. C’est un ouvrage d’une grande portée.
Il est cependant dommage que son auteur n’ait pas franchi un pas de plus pour faire apparaître que ce qui se passe en France et en Europe est le fruit d’une volonté d’envergure mondiale et qu’il s’agit d’une substitution de peuples et de civilisation conceptualisée, organisée et planifiée.
André Posokhow
Consultant
13/01/2016
Malika Sorel-Sutter, Décomposition française/ Comment en est-on arrivé là ?, Fayard, Coll. Documents, novembre 2015, 312 pages
Correspondance Polémia – 15/01/2015
Image : Malika Sorel-Sutter