André Posokhow, essayiste
♦ A la suite des attentats du 13 novembre dernier, François Hollande a lancé une réforme constitutionnelle visant notamment à permettre de déchoir de la nationalité française les binationaux nés français et non plus seulement ceux ayant acquis cette nationalité après leur naissance, s’ils ont été condamnés pour des actes de terrorisme.
Cette démarche soulève l’opposition résolue des militants et des élus du Parti socialiste et de l’ultra-gauche qui y voient une brèche ouverte dans le droit du sol. Soixante-dix organisations non gouvernementales, comme le MRAP, le Syndicat de la magistrature ou le Planning familial, se mobilisent contre ce projet que SOS Racisme juge fou. Bien entendu Vichy est évoqué. Bref, c’est le tollé.
La fausse droite, elle-même, est divisée et Juppé et ses soutiens ont une occasion de renchérir dans le politiquement mou.
On ne peut que constater une fois de plus le fossé qui sépare la classe politique de l’opinion qui se prononce majoritairement en faveur du principe même de déchéance de nationalité.
Polémia a souhaité faire le point sur les deux dispositifs de déchéance et de perte de nationalité et propose de les étendre à d’autres crimes et délits que des actes de terrorisme.
N’est-il-pas un peu mesquin de ne déchoir de la nationalité française que les seuls terroristes ?
L’article 25 du Code civil prévoit que l’individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’Etat, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride :
1° S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ;
2° S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu et réprimé par le chapitre II du titre III du livre IV du Code pénal ;
3° S’il est condamné pour s’être soustrait aux obligations résultant pour lui du Code du service national ;
4° S’il s’est livré au profit d’un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.
Cet article du Code civil ne s’applique que si les faits reprochés à l’intéressé et visés à l’article 25 se sont produits antérieurement à l’acquisition de la nationalité française ou dans le délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition.
La déchéance ne peut être prononcée que dans le délai de dix ans à compter de la perpétration desdits faits. Si les faits reprochés à l’intéressé sont visés au 1° de l’article 25, les délais mentionnés aux deux alinéas précédents sont portés à quinze ans.
L’article 25 ne peut en principe être appliqué qu’aux multinationaux, la déchéance de nationalité ne pouvant rendre apatride un individu en application, non de la Convention de 1961 de l’ONU que la France a signée mais n’a pas ratifiée, mais d’une loi française de 1998.
La perte de nationalité (articles 23-7 et 23-8 du Code civil)
Les articles 23 à 23-9 du Code civil définissent les cas pour lesquels la perte de la nationalité française est possible. L’article 23-7 du Code civil précise que « Le Français qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut, s’il a la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret après avis conforme du Conseil d’Etat, avoir perdu la qualité de Français. »
L’article 23-8 du Code civil dispose que « Perd la nationalité française le Français qui, occupant un emploi dans une armée ou un service public étranger ou dans une organisation internationale dont la France ne fait pas partie ou plus généralement leur apportant son concours, n’a pas résigné son emploi ou cessé son concours nonobstant l’injonction qui lui en aura été faite par le Gouvernement. »
L’intéressé sera, par décret en Conseil d’Etat, déclaré avoir perdu la nationalité française si, dans le délai fixé par l’injonction, délai qui ne peut être inférieur à quinze jours et supérieur à deux mois, il n’a pas mis fin à son activité.
Lorsque l’avis du Conseil d’Etat est défavorable, la mesure prévue à l’alinéa précédent ne peut être prise que par décret en conseil des ministres.
La réforme constitutionnelle envisagée par Hollande
Les dispositions de l’article 25 ne posent pas de problème et concernent toute personne ayant acquis la nationalité française, c’est-à-dire qui n’est pas née française et qui dispose d’une autre nationalité. Elles ont été jugées conformes à la Constitution à l’occasion d’une QPC du 23 janvier 2015.
C’est ce texte que Hollande souhaiterait modifier par une réforme constitutionnelle avec, semble-t-il, un double objectif :
-son extension aux individus nés français et bénéficiant également d’une autre nationalité ;
-éviter qu’une personne ne devienne apatride.
Certains s’étonnent qu’il soit considéré comme nécessaire d’inclure cette modification dans la Constitution puisque cette question relève en principe de la loi. Ils oublient la préoccupation majeure d’ordre politicien du président qui est de prendre une posture d’autorité et de piéger l’opposition.
Le risque d’apatridie
Un des arguments majeurs des opposants à la réforme est qu’il est impossible de rendre quelqu’un apatride s’il ne dispose que de la nationalité française. En réalité, contrairement aux idées reçues, l’apatridie n’est nullement contraire aux engagements internationaux de la France, notamment la Convention de New York du 30 août 1961 sur la réduction des cas d’apatridie : d’une part, la France s’est réservé la possibilité qu’une privation de nationalité puisse avoir pour effet de rendre un de ses anciens ressortissants apatride ; d’autre part, notre pays, bien que signataire de ce texte, ne l’a jamais ratifié. Quant à la loi de 1998, une autre loi peut l’abroger.
Les articles 23-7 et 23-8 du Code civil pourraient-ils constituer un dispositif suffisant?
Du fait des articles 23-7 et 23-8 du Code civil exposés ci-dessus, un Français, même né français et ne disposant pas d’une autre nationalité, peut déjà perdre sa nationalité pour les motifs contenus dans ces articles. De nombreuses voix s’élèvent pour affirmer que ce dispositif est suffisant et qu’il est inutile de procéder à une procédure lourde et conflictuelle de révision constitutionnelle.
Il nous semble néanmoins que ce dispositif devrait être modifié et amélioré pour quatre raisons :
-Il ne serait effectivement pas inutile d’étendre par une loi l’application de l’article 25 à des bi-nationaux nés français ;
-Il apparaît impératif de préciser le contenu des articles 23-7 et 23-8 du Code civil et d’expliciter les termes « d’un pays se comporter en fait comme le national étranger » ou « occuper un emploi dans un service public étranger ou dans une organisation internationale dont la France ne fait pas partie » ?
-Il conviendrait de supprimer l’intervention du Conseil d’Etat dont les prises de position immigrationnistes sont continuelles et historiques ;
-Enfin et surtout, il faudrait procéder à une extension des cas d’applicabilité des procédures de déchéance de nationalité française.
L’extension du domaine d’application de la déchéance de nationalité française
La situation actuelle résultant de l’invasion migratoire et du laxisme, pour ne pas dire l’immense lâcheté, des pouvoirs publics face aux dérives criminelles et délictueuses qui sont constatées quotidiennement et face aux menaces qui visent notre pays et notre société, exige un renforcement de nos moyens juridiques de prévention et de sanction. Etre français c’est avoir l’honneur d’appartenir à une nation millénaire et à une grande civilisation. Les terroristes et les voyous n’y ont pas leur place. Les bons apôtres font valoir que la déchéance de nationalité est une mesure inefficace car elle intervient a posteriori après les faits. Mais comment peut-on imaginer de continuer à considérer comme français des criminels qui tuent des Français au nom d’un fanatisme religieux ennemi de la France ?
La déchéance de nationalité représente une valeur symbolique forte et doit permettre de distinguer clairement les Français de cœur et de raison de ceux qui n’ont de français que leurs papiers. C’est ce que clame Mélenchon lorsqu’il dénonce la création d’un statut de Français de souche. Pour notre part nous ne nous en plaindrons pas.
L’extension de la déchéance de nationalité doit constituer une arme, certes pas la seule, mais prioritaire. En effet elle ne doit pas se limiter à la punition des seuls terroristes mais viser toutes les atteintes à la nation et à la société française. C’est alors seulement qu’elle peut revêtir un caractère d’exemplarité et d’efficacité et contribuer à l’assainissement de celles-ci.
L’extension de la législation sur la déchéance de la nationalité française à d’autres types de crimes et délits est donc envisageable pour renforcer la défense de notre pays et la sécurité des Français :
-participation à des combats islamistes ;
-prises de position publiques islamistes et djihadistes ;
-crimes, vols, viols, agressions, atteintes aux biens ;
-incivilités graves ;
-escroqueries ;
-fraudes informatiques (hacking) ;
-harcèlement de citoyens français ;
-trafics et détention d’armes et de stupéfiants ;
-fraude sociale et fiscale ;
.polygamie qui, en principe, est illégale.
Bien entendu, toute personne déchue de sa nationalité devient un étranger. Dans le cas où elle posséderait une autre nationalité elle serait susceptible d’être expulsée du territoire français.
André Posokhow
Consultant
6/01/2016
Correspondance Polémia – 11/01/2016
Image : Le Code civil