Les commémorations du premier anniversaire des assassinats commis par l’islamiste Mohamed Merah ont pris un tour grotesque, par leur démesure même, évidemment indigne de la mémoire des victimes et de la douleur de leurs proches. Car enfin nos corps constitués ont-ils perdu la tête ?
« Mort au service de la nation » ?
Primo, le 11 mars, le ministre de la Défense, dont les combats en cours au nord du Mali n’obèrent apparemment pas trop l’emploi du temps, s’est rendu sur la base de Francazal pour rendre un hommage posthume à Imad Ibn Ziaten. Rappelons que ce Marocain, citoyen français et adjudant parachutiste au 1er RTP*, avait été assassiné il y a un an par son coreligionnaire Merah. La mémoire de ce militaire malchanceux méritait-elle une prise d’arme, la remise de la Légion d’honneur puis l’inauguration d’une plaque commémorative plantée sur la voie publique, à Toulouse, avec la mention « Mort au service de la nation » ? Mention inédite car, dans un réflexe de pudeur résiduelle peut-on supposer, Jean-Yves Le Drian et les autorités militaires semblent avoir renâclé devant le souhait de la famille du défunt et de l’association Imad Ibn Ziaten (parrainée par Djamel Debbouze) qui, lit-on dans la presse, voulaient benoîtement et sans lésiner du « Mort pour la France ». Et pourquoi pas un cénotaphe au rond-point des Champs-Elysées ?
Or, feu Imad Ibn Ziaten n’est pas un héros mort pour sa patrie d’adoption ; il est la victime d’un crime relevant formellement du droit commun. Le défunt avait rendez-vous avec la mort, non en allant combattre l’ennemi, mais… en allant vendre son scooter ! Les morts de Verdun n’ont pas reçu la Légion d’honneur pour la seule raison d’être morts au feu, c’est pourtant au combat et sur ordre de la République qu’ils ont été tués, et non pas pour répondre à une petite annonce pour une vente de particulier à particulier. Le Moloch guerrier est moins gourmand à l’heure actuelle, aussi ne dirai-je rien contre l’allocation systématique de la Légion d’honneur à titre posthume à nos soldats tués au Mali : eux sont bien tombés pour la France ou, si l’on préfère, au service de la nation…
Antisémitisme ?
Secundo, le 17 mars, c’est rien moins que François Hollande lui-même qui s’est rendu sur place derechef, à l’occasion d’une « marche blanche », pour se livrer à l’un de ces discours pour lesquels le « président normal » est si peu doué (mais a-t-il quelque don que ce soit ?) : élocution hésitante, borniolitudes de circonstance et lieux communs politiquement corrects. Le président de la République a ainsi déclaré, sans risque de voir décommander son invitation au dîner du CRIF** : « Ce qui a frappé c’est un mal terrible, il a un nom et il doit être prononcé : l’antisémitisme », comme si c’était là l’expression d’un vieux mal français illustré par une émission de fantaisie haineuse sur Edouard Drumont (France 2, 19 mars). Seulement, il y a un hic, car si Mohamed Merah a aussi tué quatre Juifs dont trois enfants, ce n’est pas par antisémitisme. Arabe issu d’une famille d’expression arabe, Mohamed Merah était lui-même indéniablement un Sémite… La nuance n’est nullement une manière de jouer sur les mots car, comme Isaac Kadmi-Cohen l’a montré dans son livre Nomades (1929), malgré des destinées divergentes, Arabes et Juifs ont une profonde identité commune au sein de ce qui a pour nom sémitisme. Au surplus, car je ne doute pas de l’ignorance de M. Hollande de ce qui précède, il ne s’agissait pas non plus, dans ce crime multiple, à proprement parler d’antijudaïsme. Les assassinats commis par le djiadiste dans l’école Ozar Hatorah ont eu à l’évidence pour mobile une cause étrangère à notre pays ; ces assassinats ont eu pour mobile les passions et haines proches-orientales que suscite le conflit israélo-palestinien au sein de deux communautés sémites. D’ailleurs les malheureux enfants tués par le criminel fanatique n’ont-ils pas été enterrés en terre d’Israël ?
Avec le chaos ethnique, MM. Hollande et consorts importent des passions qui nous sont étrangères à tout point de vue. Les Français historiques, que l’on charge de tous les péchés d’Israël, selon l’expression consacrée, n’y sont pour rien, si ce n’est de laisser faire une immigration incontrôlée. Aussi la démesure officielle donnée à ces tragédies est-elle tout particulièrement déplacée et ne plaide pas pour la qualité intellectuelle de nos dirigeants.
Éric Delcroix
Notes
(*) Régiment du train parachutiste.
(**) Conseil représentatif des institutions juives de France.
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