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De Mamoudou Gassama à Carlo Cottarelli : bienvenue dans la nouvelle réalité

De Mamoudou Gassama à Carlo Cottarelli : bienvenue dans la nouvelle réalité

par | 2 juin 2018 | Europe, Politique

De Mamoudou Gassama à Carlo Cottarelli : bienvenue dans la nouvelle réalité

Par Karine Bechet-Golovko ♦ Le 28 mai 2018 fut une journée particulièrement riche, qui nous a montré les deux faces de notre monde, de ce monde de l’information qui a remplacé la véritable gouvernance. Cette gouvernance n’ayant pas pour autant été annulée, il faut bien gouverner, mais elle n’est plus dicible, car elle va à l’encontre des principes démocratiques en lesquels croient encore nos sociétés, sans ayant pu les remplacer par un nouveau système de valeurs acceptables. Et l’on obtient ainsi le rejet d’une réalité non conforme aux dogmes non-dits (l’Italie et sa crise politique) et le formatage d’une nouvelle réalité devant artificiellement combler le vide provoqué (Gassama).


Toute la difficulté de notre époque est de maintenir ce fragile équilibre entre le virtuel et la manipulation du réel. Sans pour autant que les règles du jeu ne soient affirmées. Parfois, une erreur de communication est faite et l’on apprend ainsi par la voix d’un Juncker qu’il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens – car l’Europe ne se discute pas. C’est pourquoi, à l’exception notable de la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE qui se prépare toujours avec beaucoup de difficultés, la Grèce n’a pu mettre en place sa voie eurosceptique, c’est pourquoi les traités ont du être revotés par les Parlements nationaux lorsque les peuples les ont rejeté, c’est pourquoi l’Italie entre en crise politique. Une crise provoquée par l’UE.

L’Etat ne peut être qu’un instrument protégeant les intérêts européanistes globalistes

Le président fantoche italien, qui n’a jusqu’à présent servi que de décoration, a pris toute la mesure de sa fonction. Nommé pour 7 ans par les parlementaires et 58 délégués régionaux, il est censé être en dehors des partis politiques, ne conduit pas la politique du pays (ce qui ressort des compétences du Cabinet des ministres, qui exerce le véritable pouvoir), il est un « garant » des institutions. La présidence est avant tout une fonction honorifique, la faible légitimité démocratique du Président ne lui permettant pas de gouverner réellement, même s’il peut parfois exercer une certaine influence. Or, après les élections italiennes qui ont conduit au pouvoir une majorité eurosceptique voulant remettre en cause la suprématie européenne, revenir à la monnaie nationale et donc à l’Etat, le Président fantoche Mattarella a été activé dans le jeu européen, dont il a pu férocement défendre les intérêts contre la voie de l’Italie.

Finalement, non seulement Mattarella refuse Paolo Savona, le ministre des Finances proposé par les vainqueurs des élections pour mettre en place la politique voulue par la majorité populaire, conduisant le Premier ministre Giuseppe Conte, non-aligné, à démissionner, mais il nomme pour le remplacer un ancien membre du FMI, Carlo Cottarelli, à l’extrême inverse du choix porté par les électeurs. L’UE par les mains du Président italien confisque la voix démocratique et organise un coup d’Etat:
Aussi a-t-il convoqué pour lundi matin au Quirinal le directeur d’un observatoire sur les comptes publics, l’économiste Carlo Cottarelli, ancien Commissaire à la dépense publique. Il devrait le charger de constituer un gouvernement «neutre». S’il n’a, à première vue, aucune chance d’obtenir la confiance du Parlement, il pourrait expédier les affaires courantes et organiser de nouvelles élections pour l’automne prochain.
Avant la décision présidentielle défendant les intérêts européens, il n’y avait pas de crise politique en Italie, un Gouvernement pouvait être constitué. Mais comme il ne plaît pas, il faut revoter. Et revoter tant que le vote ne sera pas conforme aux intérêts européens.

La réaction du Président Macron se passe de commentaire:

Il n’y a pas de choix démocratique en dehors du dogme. Donc, il n’y a plus de choix démocratique. La société doit être manipulée pour qu’elle puisse faire le « bon » choix. Sinon, il faut qu’elle le refasse. Sinon, certainement prochainement, elle n’aura plus à le faire. Trop de sociétés commencent à faire de mauvais choix pour qu’on les laisse encore choisir.

C’est l’impasse de l’UE: son impossibilité à fonctionner sur le mode démocratique, car les mécanismes de gouvernance et les « valeurs » qu’elle porte réellement sont minoritaires dans les populations.

C’est aussi la faiblesse de ce système, cette obligation de rester dans l’ombre, de gouverner dans l’ombre, d’avoir des marionnettes aux commandes dans les pays, qui font oublier que ce ne sont pas eux qui prennent les véritables décisions, qui choisissent des politiques nationales, qu’ils ne font que les implanter avec une certaine marge de manoeuvre nationale. Mais le véritable débat démocratique est absent. Le but, le renforcement de l’Europe ne peut être contesté. Seuls les moyens d’y parvenir peuvent être discutés. Et la propagande européenne tourne dans les médias. Qui le reconnaissent eux-mêmes sont surpris que malgré tant d’efforts, il reste encore tant de sceptiques …

Créer une réalité virtuelle, simple, binaire, digeste

L’autre visage de notre monde est celui formaté que l’on nous sert, sur le mode émotif, en dehors de toute réflexion possible. Ainsi, Mamoudou Gassama est né.

Alors qu’en ce qui concerne les infractions commises il ne faut pas indiquer l’origine de l’auteur pour ne pas « stigmatiser » des minorités, devenues importantes, ici toute la presse félicite à qui mieux mieux ce migrant malien en situation irrégulière. Reçu par le Président, il va être naturalisé, entrer chez les pompiers. La Ligue de défense noire africaine se félicite de cet exploit, pose à côté de lui, pour lutter contre le racisme dans notre pays. La stigmatisation communautaire étant leur pain quotidien, mais celle-ci est autorisée puisqu’elle vient de la communauté noire.

De Macron à la Ligue, finalement, le bruit médiatique provoquant dans la société des réactions émotives, permet d’éviter les questions qui se poseraient normalement en ce cas. Que fait l’homme à côté de l’enfant qui devrait pouvoir assez facilement le tirer par le bras? Où et qui sont les parents de l’enfant? Comment s’est-il retrouvé dans cette position? Que font les services de l’enfance, pourtant tellement prompts à réagir dans les cas qui les intéresse? Ah, cette fameuse justice juvénile qui détourne les yeux… que tout cela est émouvant. Ne réfléchissez pas, ne vous posez pas de question, sinon vous n’êtes pas fréquentables. Pleurez en choeur, serrez bien les mains contre la poitrine, soyez émus par cet étranger, noir à souhait, qui sauve un petit enfant! On se croirait en Syrie avec les Casques blancs! Il est vrai que la technique a bien été apprise…

Et pourquoi surmédiatiser cet exploit? Il y en a d’autres …

Il est vrai que politiquement, cet acte non moins héroïque n’apporte rien. Les héros sont bien pâles, la victime provoquera beaucoup moins d’émotion qu’un petit enfant (un vieux corps, quand même, ça ne vaut pas un bébé potelé). Alors pourquoi les recevoir à l’Elysée, ils ne sont même pas en situation irrégulière. Trop banal. Il faut à la fois le bon héros et la bonne victime.

Un monde de l’information qui peine à couvrir le monde réel

Voici les deux côtés de la médaille, les deux faces de notre monde, un monde de l’information qui peine à construire le réel, donc botte en touche dans le virtuel, tente de construire une réalité parallèle. Mais cette réalité artificielle est particulièrement basique, sans nuances, je dirais, et sans cynisme, en noir et blanc. Aucune place pour le gris, pour tout ce qui fait justement la richesse d’une civilisation. Dans toute information créée, vous voyez tout de suite où est le gentil, pourquoi il est le gentil et comment il « faut » réagir. L’on vous apprend simplement à baver sur commande.

Pour autant, la faiblesse fondamentale de ce système, de ne pouvoir être accepté en tant que tel, de devoir vivre caché résulte surtout du vide intellectuel qui l’entoure, la perte humaine qu’elle entraîne. De son côté primaire, malgré l’habillage technologique. Sur le fond, comment dire aux gens: choisissez entre votre pays et l’UE, choisissez de décider de désigner ceux qui vous gouvernent ou d’être gouvernés par des fonctionnaires européens sur lesquels vous n’avez aucune emprise, choisissez un équilibre entre la protection sociale garantie par l’Etat ou le capitalisme sauvage transnational promu par l’UE, choisissez entre l’école et la médecine gratuite ou un enseignement et des soins en fonction de vos moyens financiers etc.

Dans un système non truqué, le modèle de l’UE ne tient pas la concurrence, concurrence qui par ailleurs est censée en être à la base. Donc il faut truquer les cartes. Se battre pour une déstructuration des services publics ou nom de la rationnalisation de l’Etat, devenu en conséquence moins efficace, ce qui ouvre la voie à la discussion de la privatisation de tous les éléments de l’Etat les uns après les autres. Sans plus alors que la question de l’efficacité ne soit posée. Comment se poser la question de l’efficacité de ce qui est privé? Quelle indécence! Se battre contre l’enseignement est fondamental, car une société éduquée est une société difficilement manipulable, mais il est nécessaire parallèlement de mettre en place un système à deux vitesses, il faut bien avoir sa propre élite, qui ne peut être formée comme les masses.
Ce ne sont que des exemples. C’est la voie qui nous est proposée. C’est la voie contre laquelle il est interdit de voter. Mais rassurez-vous, en France, l’on nous a fait voter Macron. Il nous faudra le déguster. Jusqu’à la lie.

Karine Bechet-Golovko
02/06/2018

Source : Russiepolitics

Crédit photo : Domaine public, via Pixnio

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