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De la lèse-majesté ou de l’offense faite à Christiane Taubira

De la lèse-majesté ou de l’offense faite à Christiane Taubira

par | 25 août 2014 | Politique

De la lèse-majesté ou de l’offense faite à Christiane Taubira

La condamnation à 9 mois de prison ferme, 5 ans d’inéligibilité et 50.000 euros de dommages et intérêts d’Anne-Sophie Leclère, le 15 juillet, par le tribunal correctionnel de Cayenne révèle l’essence communautariste de la loi Pleven (1972) et des textes subséquents qui l’ont aggravée. La loi, dans son corps principal et ses ajouts, est ordinairement dite « antiraciste », mais la race n’en est qu’un élément ; en réalité, il s’agit d’une loi de protection tribale inédite dans notre civilisation juridique depuis le temps des Lumières et l’abolition des trois ordres sociaux (1789).

À l’origine de la loi, en 1972, les références aux discriminations peccamineuses concernaient une personne, un groupe de personnes identifiées par l’origine, l’ethnie, la nationalité, la race ou une religion déterminée. Depuis, le législateur, toujours de droite (loi Perben, 2004), y a ajouté de nouvelles tribus, définies plus que jamais dans une logique de défense communautaire, selon le sexe, l’orientation sexuelle ou l’infirmité (le «handicap», en franglais administratif). La classe sociale y a échappé, Pleven et Perben ayant ainsi respecté la légende fondatrice du marxisme, celle du PCF et de la CGT.

Vers une justice communautaire partiale ?

La logique du système voudrait, pour l’impartialité du Tribunal, que la défense puisse exiger la récusation des juges appartenant à la communauté supposée offensée. Mais toute tentative de ce côté-là est vouée à l’échec (je parle d’expérience), compte tenu de l’ire passionnelle de nos juges contemporains contre qui s’aventure sur ce terrain. Les puritains, comme toujours, abdiquent raison et droit lorsque la morale – ici antidiscriminatoire et donc égalitariste – est en cause.

Non seulement les juges, fanatisés et dopés à la moraline, ne veulent pas en entendre parler, mais, à rebours, certains entrent dans le jeu de la partialité du système pour satisfaire les revendications tribales. En effet, depuis le grand Procès de Nuremberg (1945-46) les belles âmes admettent que les Méchants puissent être jugés par leurs ennemis pourvu que ceux-ci procèdent du Bien…

C’est ainsi que, contre toute raison, contre toute justice, madame Leclère, candidate du Front national à Rethel (Ardennes) où elle réside, s’est vue citée à comparaître devant le Tribunal correctionnel… de Cayenne ! Il a suffi de l’initiative d’un micro-parti, dénommé Walwari, qui plus est dépendant de l’offensée… En effet, les associations partisanes peuvent forcer le parquet dans l’initiative des poursuites, Walwari comme des douzaines d’autres ligues de vertu, de par la déraison des lois Pleven et Perben qui ont ouvert ainsi un droit à la délation idéologique – à supposer, toutefois, que les statuts du micro-parti de Taubira répondent aux conditions de forme requises, vérification dont se sont dispensés les juges de Cayenne. 50.000 euros pour Walwari : cela met la photo d’un petit singe anonyme au niveau de celle des plus grandes vedettes en première de couverture !

Pourquoi Cayenne ? Formellement parce qu’il était possible aux Guyanais de voir sur Internet la photo de ce mignon petit singe présenté comme Christiane Taubira enfant. Bien sûr, on doit admettre que les masses de Guyane (157.213 habitants) sont passionnées par les municipales de Rethel (8.679 habitants) ! Mais le choix déloyal et oblique du lieu du procès, laissé à l’arbitraire de l’association constituée partie civile, avait deux objets, même si seul le premier, le moins grave, a été souligné par les gazettes :

  1. Rendre matériellement impossible la défense dans un petit territoire exotique, à quelque 10.000 kilomètres du domicile de la prévenue, membre du tiers-état métropolitain aux moyens modestes ;
  2. Rendre moralement impossible la défense, en intentant le procès dans un milieu ethnique choisi, ici essentiellement noir. Cela explique que l’ex-candidate du Front national, pas plus que ce parti, n’ont pas trouvé d’avocat sur place, là où la partie civile en comptait six, ce qui n’a pas semblé émouvoir le bâtonnier local. Quant au Tribunal, il a abondé dans le sens du micro-parti couvert de la majesté ministérielle, semblant s’offusquer de l’absence d’une prévenue, citée de façon improbable devant un tribunal du bout du monde…

Dans cette logique et à l’avenir, les personnes qui seront prévenues de racisme anti-Noir seront-elles poursuivies de préférence devant les juridictions de la Guyane, de la Martinique ou de la Guadeloupe ? Les contempteurs de l’islam seront-ils jugés, à l’initiative d’associations islamiques, systématiquement à Mayotte, où les imams pourront appeler à la curée ? Faudra-t-il des juges juifs pour condamner les antisémites ou les antisionistes ? Va-t-on sélectionner les juges selon leurs mœurs pour faire juger les homophobes par des homosexuels, par leur sexe, pour faire juger les antiféministes par des femmes, et les «handicapés» par les magistrats mal-foutus, mal-voyants, claudicants, voire cliniquement idiots ?

L’ordre moral tue le droit, mais d’abord l’intelligence.

La subversion d’État contre le rire

La plaisanterie faite par madame Leclère était-elle seulement une injure et une provocation à la haine ? J’en doute ; cela peut assez bien se plaider… Subsidiairement était-ce une injure et une provocation à la haine «raciste» ? Certainement pas, même si l’injure dans ce domaine tend à rejoindre le flou de la lèse-majesté et si la «haine» est toujours le mauvais sentiment de l’autre. D’ailleurs on trouve sur la Toile une caricature de Christiane Taubira sous forme d’une guenon dessinée par Charb, de Charlie Hebdo, en toute impunité partisane.

Le raccourci darwinien selon lequel l’homme descend du singe, Noirs inclus et surtout Noirs d’abord, est un vieux poncif. Et les Noirs de nos jours n’ont pas à avoir de complexes devant une plaisanterie aussi convenue et ringarde, complexes qu’affectent Taubira et ses séides de Walwari pour des raisons politiques. Au demeurant Dieudonné, qui trouve nulle la plaisanterie d’Anne-Sophie Leclère, a lancé publiquement à celle-ci : «Je te soutiens, je viendrai à ton procès en tant que nègre».

Pauvre Anne-Sophie ! Peut-être a-t-elle lu dans sa jeunesse Jules Verne. Et, pour mémoire, relisons Cinq semaines en ballon :

« Là-bas une troupe de nègres qui assiègent le ballon ! (…) Nous t’avions cru assiégé par des indigènes. Ce n’étaient que des singes, heureusement ! répondit le docteur.
De loin la différence n’est pas grande, mon cher Samuel. Ni même de près, répliqua Joe. »
Chapitre XIV

Si en le lisant, par hypothèse, la petite Anne-Sophie en a ri, alors le crime est imprescriptible sous le ministère de celle qui cumule les qualités de chef du parquet et mentor de Walwari.

Voilà bien la Société selon Valls et Taubira, mutants qui nous promettent une société au tribalisme sourcilleux où l’on ne rit pas…

Dans son roman La Plaisanterie (1967), Kundera raconte comment une plaisanterie, couchée sur une carte postale anodine, pouvait faire basculer un destin du temps de la Tchécoslovaquie communiste. L’antiracisme ou le tribalisme, avec son devoir de vertu, est peut-être bien le communisme du XXIe siècle…

Pour l’abrogation des délits d’opinion et d’immoralité

En sortirons-nous ? Certainement pas avec la droite institutionnelle raciopudibonde qui est à l’origine des lois de 1972 et 2004. Quel politicien oserait déchoir du statut d’humaniste de carrière à celui de «Salaud» voué à l’ostracisme ? Pourtant une telle abrogation nous remettrait dans la bienheureuse situation de libertinage intellectuel qui prévalait, à l’exception des périodes de guerre, de 1881 (année de la loi sur la liberté de la presse) à 1972.

Nos parangons de morale nous diront que ce serait la porte ouverte à la xénophobie. Mais, d’une part la France d’avant 1972 n’était pas un enfer et, d’autre part, la question est : «Et alors ?» Dans le cadre d’un ordre public maintenu, nous devrions nous passer de l’ordre moral. Il faut ajouter que la xénophobie n’est en soi ni mal (sans le grand M du concept ontologique) ni bien. En l’absence de désordre migratoire, c’est plutôt vain ; en présence de tels désordres, c’est plutôt sain voire salvateur.

Aujourd’hui un Jean Raspail ne pourrait plus publier Le Camp des saints… C’était en 1973, la loi Pleven était encore au rodage et Chirac n’avait pas encore signé le décret instaurant le regroupement familial (26 avril 1976), transformant la France en terre de colonisation, colonisation légalement mise à l’abri de la critique.

 Éric Delcroix
10/08/2014

Éric Delcroix
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