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De Conclave au Colisée, le grand navet politique de Macron

De Conclave au Colisée, le grand navet politique de Macron

par | 9 décembre 2024 | Politique, Société

De Conclave au Colisée, le grand navet politique de Macron

Deux films à l’affiche sur lesquels nous allons revenir font penser à la situation politique française. Il s’agit de Conclave et de Gladiator II. Le président multiplie les conclaves pour libérer la fumée blanche guettée par les médias en annonçant que « habemus » un nouveau Premier ministre. Immédiatement, ce dernier désigné par un empereur décadent se retrouve sans glaive dans une arène plus proche du cirque moderne d’ailleurs que du combat de gladiateurs. De conclaves gouvernementaux en arènes parlementaires, le bas-empire français se meurt.

Cinéma et wokisme

Conclave, un film dont on fait la promotion en disant qu’on ne peut le voir qu’au cinéma, ce qui est faux car il est sur toutes les chaînes de streaming plus ou moins légales. Pourquoi inciter à aller voir ce film ? C’est assez clair. Il s’agit d’une charge contre l’Église catholique. On a l’habitude. Plus innovant, le favori est écarté par le discours d’un cardinal peu connu venu d’Amérique latine et dont le discours consensuel et religieusement correct émeut l’auguste assemblée. Ça tombe bien, le favori est un affreux réac qui prêche pour la guerre sainte contre l’islam. On l’a échappé belle. Mais le pape élu, le progressiste, a une petite particularité. « Quand le pape décède de façon inattendue et mystérieuse, le cardinal Lawrence se retrouve en charge d’organiser la sélection de son successeur. […] Ce qui va se passer derrière ces murs changera la face du monde », nous signale AlloCiné. Qu’est-ce donc qui va changer la face du monde ? Le pape élu est… transgenre, en tout cas il a changé de sexe. On avait déjà eu des femmes papesses, paraît-il, mais, là tout de même, un pape ayant changé de sexe, c’est une suprême révélation. Et hop ! dans la gueule des cathos-machos. Tout ça pour ça, tout le film est fait pour aboutir à cette élection woke. Rien n’est jamais innocent.

Dans Gladiator II, l’empereur Caracalla n’est pas transgenre, mais il pourrait avoir une place de choix avec son frère dans une Gay Pride romaine d’aujourd’hui. On passera sur les anachronismes imbéciles du film et le ridicule passage du Colisée transformé en piscine à requins. Le héros n’est certes pas dans son jeu l’égal de Russell Crowe, que l’on regrette pendant tout le film ; il n’est cependant pas mauvais. « Seize ans après les événements impliquant Maximus Decimus Meridius, son fils Lucius Verus – qu’il a eu avec Lucilla – vit avec son épouse en Numidie alors en rébellion contre l’Empire dirigé par les jeunes empereurs Caracalla et Geta », indique le synopsis. Le héros est donc le fils du gladiateur et de la fille de Marc Aurèle. C’est le petit blond un peu fluet que l’on voit, dans le premier film, serré de près par son oncle Commode interprété de façon inoubliable par Joaquin Phoenix. Paul Mescal, « gladiator II », est un beau brun trapu et rugueux, à l’opposé du petit Lucius, mais plus proche de son papa que pendant son enfance. La transformation laisse interrogatif tout de même. Le film est alourdi par un sentimentalisme excessif frôlant le ridicule et par un discours final faisant l’éloge du rêve démocratique de la Rome républicaine. L’anachronisme est bien le péché mortel de notre époque. Mais, le mieux étant l’ennemi du bien, on charge à l’excès l’image des deux frères empereurs dégénérés. Est-ce bien raisonnable au regard de l’héritage historique de Caracalla. Succédant à son père Septime Sévère, il commence par faire assassiner Geta, son jeune frère et cohéritier. Il exerce une répression sanglante contre les habitants d’Alexandrie et est aussi connu pour les massacres qu’il ordonne, tant à Rome qu’ailleurs dans l’Empire, nous indique Wikipédia. Mais, même en terre encore païenne, le diable peut porter pierre. Car il y a l’édit de Caracalla.

Édit progressiste et empereur dégénéré

Le texte de l’édit est connu partiellement par la découverte d’un papyrus égyptien le transcrivant, mais, conservé aujourd’hui à l’université de Giessen en Allemagne, il est malheureusement très abîmé. Des écrits ultérieurs y font référence. Le texte reproduit partiellement ci-après est donc une reconstitution à partir de ces fragments.

« Je donne donc à tous [ceux qui habitent] l’Empire le droit de cité romaine, étant entendu [que personne ne se trouvera hors du cadre des cités], excepté les déditices. Il se doit en effet [que la multitude soit non seulement associée] aux charges qui pèsent sur tous, mais qu’elle soit désormais aussi englobée dans la victoire. [Et le présent édit] augmentera la majesté du [peuple] romain : [il est conforme à celle-ci] que d’autres puissent être admis à cette même [dignité que celle dont les Romains bénéficient depuis toujours], alors qu’en étaient exclus… de chaque… »

Il accorde donc, à la date de promulgation de l’édit, la citoyenneté romaine à tout homme libre de l’Empire qui ne l’avait pas encore acquise. La citoyenneté romaine est héréditaire, par la filiation et l’adoption. Il a réalisé le rêve de ceux qui pensent que tout le monde sur le territoire français est français, tout le monde sur le territoire de l’Empire devient romain. L’empereur devient plus populaire que jamais et les caisses vident se remplissent, mais Rome n’est plus dans Rome et c’est le début de la fin. La citoyenneté romaine était jusqu’alors obtenue après 24 ans de service dans les troupes auxiliaires de l’armée romaine. C’était l’un des principaux attraits de la carrière militaire. Le nouvel édit, en accordant le droit de cité romain à tous les hommes libres de l’Empire, vise l’unité de l’Empire romain mais sape son fondement. Une fois l’édit de Caracalla mis en place, l’attrait de l’armée chuta rapidement aux yeux des provinciaux, ceux-ci étant automatiquement citoyens romains à la date de l’édit, et, par la suite, par hérédité. Selon certains historiens analysant le déclin de l’Empire (par exemple, J.B. Bury, History of the Later Roman Empire, chap. IX), l’édit a pu expliquer, en partie, les grandes difficultés militaires des armées romaines, elles-mêmes nées des difficultés de recrutement des troupes auxiliaires.

Un édit progressiste d’un empereur dégénéré, cherchez l’erreur. Alors qu’il se rendait d’Édesse vers l’Empire parthe pour y faire la guerre, Caracalla fut assassiné près de Harran le 8 avril 217, d’un coup de glaive, par Martialis. Le préfet du prétoire Macrin, souvent soupçonné d’avoir commandité l’assassinat, lui succéda. Il ne régnera qu’un an.

Il est le premier empereur originaire de Maurétanie césarienne, le Maroc actuel en partie. Nous revoilà, comme au début de Gladiator II, en Afrique du Nord puisque la Numidie était en partie sur le territoire de l’actuelle Algérie. L’histoire est suffisamment complexe, il est inutile et très dangereux de vouloir la tordre pour la faire renter dans la chaussure idéologique des petits politiciens. Petites sandales, le surnom et l’origine du nom impérial de Caligula. Décidément, du Vatican transgenre au Colisée de la régularisation des sans-papiers, tout est dans Rome.

Pierre Boisguilbert
09/12/2024

Johan Hardoy

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