« Nous n’avons pas créé la situation actuelle en Ukraine, qui résulte d’une crise profonde de l’État ukrainien. »
Alors que les capitales européennes retiennent leur souffle au sujet de la crise criméenne, la Russie vient de faire une proposition qui pourrait radicalement changer la donne.
On savait les Russes maîtres dans le domaine des échecs. Ils viennent à nouveau de prouver leur grand sens stratégique. Mercredi, 19 mars 2014, le ministère des Affaires étrangères russe publiait en effet une déclaration, datée du 17 mars 2014, qui, si elle est largement passée inaperçue de la grosse presse, doit actuellement donner bien du fil à retordre aux chancelleries occidentales. Ce document rappelle tout d’abord que la Russie n’est pas responsable de la crise actuelle, qui résulte :
« D’une crise profonde de l’État ukrainien, qui a conduit à l’escalade brutale des antagonismes entre les différentes parties du pays ».
Coup de patte également au camp occidental qui ferme délibérément les yeux sur la nature de certains mouvements qui ont œuvré à la chute de Viktor Ianoukovitch
Le document dénonce « la renaissance d’une idéologie néo‑nazie », et prône « la nécessité pour les politiciens ukrainiens de se dissocier des ultra‑nationalistes et d’arrêter leurs tentatives de déstabilisation des différentes régions du pays ».
Pour Moscou, il est essentiel de commencer par rétablir l’ordre et la sécurité des Ukrainiens
Les régions pourront ensuite « élire directement, de façon autonome, les membres de leurs pouvoirs législatifs et exécutifs, et détiendront de larges pouvoirs qui refléteraient leur identité culturelle et historique, en matière d’économie et de finance, de questions sociales, de langue, d’éducation et de relations interrégionales, tout en protégeant les droits des minorités ethniques dans chaque entité fédérée ». Et le document de poursuivre : « Immédiatement après l’approbation de la nouvelle constitution [par référendum], sera fixée la tenue — sous observation internationale large et objective — d’élections nationales des plus hautes autorités de l’État de l’Ukraine et d’élections concomitantes des pouvoirs législatifs et exécutifs dans chaque entité fédérée. »
En conclusion, les diplomates russes proposent que « le régime en Ukraine, sa souveraineté, son intégrité territoriale et le statut militaire et politique neutre [soient] garantis par la Russie, l’Union européenne et les États‑Unis, [et] consolidé par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies ». On ne voit pas vraiment au nom de quels principes les États‑Unis et les Européens pourraient s’y opposer.
Source : Bulletin de réinformation, R.C., 21/03/2014
Polémia reproduit ci-après la déclaration du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie.
LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
Groupe de soutien à l’Ukraine
570-17-03-201
Récemment, nos partenaires occidentaux ont appelé avec insistance à créer un Groupe de contact sur le règlement de la situation en Ukraine. Cependant, ils partent du principe qu’une telle structure devrait s’occuper à établir le dialogue entre Moscou et Kiev.
Comme cela a été expliqué par la partie russe à plusieurs reprises, nous n’avons pas créé la situation actuelle en Ukraine, qui résulte d’une crise profonde de l’État ukrainien et qui a conduit à la polarisation de la société et à l’escalade brutale des antagonismes entre les différentes parties du pays.
C’est la poursuite de cet objectif – aider à surmonter ces antagonismes – qui devrait être au cœur des efforts de la communauté internationale.
Dans le respect de cet objectif et en tenant compte des appels qui nous ont été adressés par les États-Unis et par des pays européens, il y a une semaine, nous avons élaboré et remis à nos principaux partenaires aux États-Unis, en Europe et dans d’autres régions du monde, les propositions russes sur la façon dont pourrait être organisée cette aide externe portant sur des mesures que les Ukrainiens devraient prendre eux-mêmes pour sortir de la crise.
À cette fin, nous avons proposé de constituer un groupe de soutien compact pour l’Ukraine dont la composition devrait convenir à toutes les forces politiques ukrainiennes.
Les membres du groupe s’engageraient à s’inspirer des principes suivants :
Le respect des intérêts du peuple multiethnique de l’Ukraine;
Le soutien des aspirations légitimes de tous les Ukrainiens et de toutes les régions du pays de vivre en sécurité, conformément à leurs traditions et coutumes, d’utiliser librement leur langue maternelle, d’avoir un accès libre à leur culture et à maintenir des liens étendus avec leurs compatriotes et leurs voisins ;
L’inadmissibilité de la renaissance d’une idéologie néo-nazie, la nécessité pour les politiciens ukrainiens de se dissocier des ultra-nationalistes et d’arrêter leurs tentatives de déstabilisation des différentes régions du pays ;
La reconnaissance de l’importance de la paix civile et de la concorde nationale en Ukraine, ainsi que la promotion des relations constructives dans la région euro-atlantique sur base de l’égalité et du respect mutuel des intérêts de tous les États qui y sont situés.
Le Groupe de soutien aura comme objectif d’encourager les Ukrainiens à mettre en œuvre les actions prioritaires suivantes :
1. Satisfaire immédiatement aux engagements inscrits dans l’accord sur le règlement de la situation en Ukraine du 21 février 2014, relatifs à la confiscation des armes illégales, à la libération des rues, places et immeubles qui ont été occupés illégalement, ainsi que relatifs à l’organisation d’une enquête objective sur les actes de violences qui se sont produits en décembre 2013 et en février 2014 ;
2. Par biais d’une décision de la Verkhovna Rada, convoquer sans délai l’assemblée constitutionnelle avec une représentation équitable de toutes les régions d’Ukraine, pour préparer une nouvelle constitution fédérale, en vertu de laquelle :
- Seront instaurés les principes de la primauté du droit, des droits de l’homme et de toutes les minorités nationales, la liberté d’expression et de l’activité des partis politiques et des médias, ainsi que d’autres principes qui assurent le système politique de l’Ukraine comme étant un État fédéral démocratique détenant une souveraineté et un statut militaire et politique neutre ;
- À côté de la langue ukrainienne, le statut de deuxième langue officielle sera octroyé à la langue russe, tandis qu’un statut en conformité avec la Convention européenne sur les langues régionales et minoritaires sera attribué aux autres langues ;
- Les régions vont élire directement, de façon autonome, les membres de leurs pouvoirs législatif et exécutif, et détiendront de larges pouvoirs qui refléteraient leur identité culturelle et historique, en matière d’économie et de finance, de questions sociales, de langue, d’éducation et de relations interrégionales, tout en protégeant les droits des minorités ethniques dans chaque entité fédérée ;
- Il sera interdit et punissable d’interférer dans les affaires de l’Eglise et dans les relations interconfessionnelles.
La décision d’approbation d’une nouvelle constitution sera adoptée par l’assemblée constitutionnelle, sur base du consentement de tous les participants.
Le projet de constitution sera soumis à un référendum.
3. Immédiatement après l’approbation de la nouvelle constitution, sera fixée la tenue – sous observation internationale large et objective – d’élections nationales des plus hautes autorités de l’État de l’Ukraine et d’élections concomitantes des pouvoirs législatif et exécutif dans chaque entité fédérée.
4. Sera reconnu et respecté le droit de la Crimée de déterminer son propre destin conformément aux résultats de la libre expression de volonté de ses habitants au cours du référendum de 16 mars 2014.
5. Le régime en Ukraine, sa souveraineté, son intégrité territoriale et le statut militaire et politique neutre institués sur base de l’ensemble des objectifs et des principes exposés ci-dessus, seront garantis par la Russie, l’Union européenne et les États-Unis, ce qui sera consolidé par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.
La Russie, ensemble avec nos partenaires, est prête à procéder sans délai à la mise en place d’un mécanisme multilatéral visant à faciliter le règlement de la crise ukrainienne, conformément à ces propositions.
17 mars 2014