Par Pierre Boisguilbert, journaliste spécialiste des médias et chroniqueur de politique étrangère ♦ Être journaliste dans un media audiovisuel est encore plus facile qu’avant. Finalement, il suffit de maitriser un mot, un seul : « inquiet », à utiliser en permanence car il entre dans la catégorie du vocabulaire répétitif imposé, comme le « ressenti » ou le « lourdement armé ».
Pilonnage sémantique
L’exercice est simple. On cherche dans l’actualité Covid une information négative ou le début du commencement d’un élément négatif (il y en a tous les jours, bien sûr) et on le qualifie d’inquiétant. Ensuite on fait venir sur le plateau l’un des pigistes sanitaires permanents des chaines de Covid en continu. On lui pose alors cette question simple : « Est ce que ça vous inquiète ? » La réponse étant dans la question, malheur à qui dirait le contraire et n’irait pas dans le sens du journaliste qui se veut plus lanceur d’alerte et influenceur, qu’informateur — on a fermé des comptes Twitter pour moins que ça.
Cette question est répétée des dizaines de fois par jour, impossible même de compter. C’est du pilonnage sémantique.
Le but est de faire monter l’anxiété pour augmenter le nombre de téléspectateurs captifs. Tous devant la télé et ne sortant plus ou presque, c’est bon pour l’audience. Il faudra un jour évaluer de manière précise le rôle des médias dans l’effondrement moral et psychique des Français. Il faudra le faire en fonction de l’évolution réelle des choses et du décalage de la ligne éditoriale de l’inquiétude permanente.
Une sélection totalement partiale
Cette stratégie de la sélection de l’information pour confirmer une ligne éditoriale dont la seule morale est l’audience est bien entendu partiale et partielle.
Pourrait-on imaginer tous les jours en boucle des informations réelles concernant la criminalité en France ? On provoquerait une montée de la xénophobie et pourtant tout serait vrai. C’ est pourquoi on cache, les médias cachent, la réalité de la situation, causes et conséquences. Ils trient les infos en fonction de leur idéologie.
Le traitement de la pandémie restera comme un exemple du pouvoir des médias à influencer l’opinion. On a perdu des guerres alors que les journaux et radios n’annonçaient que des victoires. Mais choisir la litanie des défaites en pleine campagne contre le Covid, c’est attenter au moral des civils et de l’arrière. Dans la « guerre » de Macron il y a longtemps que l’arrière a craqué et les médias en sont très responsables.
A quand des questions « Est-ce que cela vous rassure ?» ou « Êtes-vous prêts à prendre des risques pour vivre ? » Ce serait cela, la diversité d’expression dans la liberté des opinions et le respect des réalités. Une autre approche plus combative, plus mobilisatrice que beaucoup attendent. De plus en plus de Français, ne supportant plus d’écouter Castex ou Veran, arrêtent la télé ou changent de chaine. C’est une réalité qui mérite de poser une question aux chers confrères des médias mainstream : « Est-ce que ça vous inquiète ? »
Pierre Boisguilbert
22/01/2021
Source : Correspondance Polémia