Par Pierre Lours, essayiste et romancier, auteur de La Révolte des silencieux ♦ Pierre Lours dissèque le scénario et le tournage de la remarquable séquence manipulation que représente la Convention Citoyenne pour le Climat.
Les Soviets ne sont pas morts, Macron les adore !
Au temps béni de la CCCP, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, au temps chéri des Soviets, il y avait « le centralisme démocratique », tactique Léniniste pour faire sortir du bois les opposants mencheviks qui croyaient avoir carte blanche pour s’exprimer mais qui ont vite ressenti dans leur tête comme dans leur chair que toute opposition à la ligne du Parti était considérée comme une attitude antirévolutionnaire contraire au bonheur du peuple.
Le camarade Mao, lors de sa révolution culturelle, avait lui aussi compris tout l’intérêt d’appâter les camarades en mal d’expression et de liberté et de les crocheter bien profond à l’hameçon sanglant pourvoyeur des camps de rééducation des Gardes rouges.
En fait, rien de nouveau sous le soleil depuis que les gouvernants se méfient des gouvernés, si ce n’est qu’à partir du XX ème siècle les tyrans disposent de moyens immensément plus considérables au service du contrôle des populations.
Et ce n’est pas le Prince qui nous gouverne qui s’est intéressé à Machiavel le temps d’une maîtrise (on aimerait d’ailleurs au nom de la transparence avoir accès à cette prose universitaire certainement éclairante qui nous permettrait d’être édifié par le petit génie que le monde nous envie), ce n’est pas notre Président qui est en reste question manipulation !
La dernière en date, la Convention Citoyenne pour le Climat… Présidentiel pourrait-on ajouter tellement ce spectacle vivant est fait pour faciliter la vie bien compliquée d’Emmanuel Macron. Ce bel os d’experts en communication est né le 23 janvier 2019 en pleine effervescence Gilet- jaune et s’offre à ronger aujourd’hui opportunément au sortir de la calamiteuse gestion sanitaire du Covid 19. Une guignolade de plus pour amuser la galerie !
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Au commencement était le verbe présidentiel. Il se répandait généreusement devant des auditoires d’édiles locaux hier conchiés et tout à coup dragués afin de leur faire accroire que la France profonde était entendue dans sa détresse jaune. Nos notables gonflés d’importance par cette attention Elyséenne bombaient le torse comme un récipiendaire en aérophagique lévitation.
Palinodies talentueuses qui donna l’illusion, à ceux qui voulaient être leurrés, qu’on les écoutait alors que simplement on les bernait tel le magicien utilisant des spectateurs pour donner confiance à l’auditoire. Mais il fallait prolonger ce spectaculaire numéro de cirque médiatique par un numéro dédié au bon peuple.
Priscillia Ludosky, ancienne passionaria gilet-jaune issue de la diversité et donc adoubée par les médias, fut utilisée pour montrer combien le Prince entendait répondre aux préoccupations de la base, de la plèbe, du rural en colère. Et quoi de mieux pour « en même temps » séduire et embarquer les urbains que d’enfourcher la marotte climatique ? Tip top !
Comme les élus n’avaient vraiment pas la cote, le tirage au sort est appelé à la rescousse pour constituer une assemblée représentative et compétente. 150 personnes se déclarant intéressées par l’écologie, donc à sensibilité écologiste, triées astucieusement par une agence professionnelle de sondages bien en cour auprès du pouvoir suffiront pour faire croire que toutes les catégories socioprofessionnelles, toutes les sensibilités politiques, les sexes, les races, les âges, les régions, que toute la diversité de la France en somme sera bien conviée. 150 personnes alors qu’il faut au minimum un échantillon de 1000 individus pour donner une base sérieuse à un sondage ordinaire ! A noter que par un pur hasard, l’increvable Cohn Bendit des capricieuses barricades de mai 68 avait été tiré…au sort ! Devant ce hasard par trop miraculeux, Il a eu l’intelligence et le sens du ridicule (ce qui est nouveau), de renoncer à cet honneur encombrant pour la crédibilité de l’entreprise et dévalorisant pour son standing, participer à une Assemblée Générale soixante-huitarde à son âge, c’est doublement grotesque !
Comme il faut toujours se méfier des entreprises faciles, le diable se nichant dans les détails, la joyeuse troupe d’écologistes flattés d’être mieux considérés que des parlementaires professionnels est flanquée de deux gardes-chiourme affidés, adoubés et abondés de longues dates par notre Président. D’abord Thierry Pech, intellectuel germanopratin animateur de la boîte à penser (et à perdre !) du PS et surtout souteneur précoce, véloce et avisé de l’assaut victorieux du Candidat Macron contre la Hollandie, attaque qui n’était d’ailleurs qu’une habile défense de la politique socialisante et de ses puissants souteneurs. Voilà donc le mielleux Pech de Terra Nova (à l’origine de l’abandon du prolétariat par les socialistes au bénéfice des minorités de plus en plus nombreuses et manipulables), voilà notre factotum de normal-sup érigé chien de garde d’une troupe sensée représenter le peuple de France, paradoxal pour un élitiste antipopuliste habitué des micros anarcho-intello-gauchistes de France culture.
Pour faire bonne mesure, Laurence Tubiana, ancienne militante de la Ligue Communiste Révolutionnaire, socialiste de toujours et zélée secrétaire de direction de luxe des accords de Paris sur le climat, veillera à ce que le credo écolo soit bien recyclé et que les travaux se cantonnent au mandat présidentiel très restrictif. « Définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40% des émissions à effet de serre d’ici 2030 dans un esprit de justice sociale ». On reconnaît bien là sous le déguisement macronien, le centralisme démocratique soviétique où on vous demande votre avis mais faudrait pas abuser ! Notons d’ailleurs qu’initialement les débats devaient aussi porter sur la justice fiscale et le Référendum d’initiative citoyenne : oubliés ces relents gilet-jaune, trop de chausse-trappes. Le Premier ministre a d’ailleurs rappelé opportunément que les débats devaient se limiter à l’écologie du quotidien : les impacts environnementaux du libre échange, de la mondialisation, de la financiarisation de l’économie ou de l’électricité nucléaire, c’est pour les grandes personnes !
Prestigi-dictateur
Et voilà notre joyeuse bande de parvenus notables chouchoutés pendant 7 week-end dans le luxueux palais parisien de l’assemblée non élue la plus inutile de la République, le Conseil Economique, Social et Environnemental. Pour leur donner de la considération, mais aussi de l’humilité, de la retenue et surtout insuffler les bonnes idées correctes, 140 experts viendront les éclairer, ou plutôt les éblouir pour qu’ils n’y voient goutte. 14 experts les aideront à formuler leurs idées. Des groupes de pression comme Greenpeace ( la « Paix verte » qui devrait d’ailleurs plutôt s’appeler « Redfight » , la « Lutte rouge » !), l’incontournable Monsieur Hulot, des industriels intéressés par le « green business », un comité de juristes, des « vérificateurs des faits », tout un harnachement technocratique, économique et idéologique à la Prévert empêchera toutes velléités de ruades dans les brancards, on ne sait jamais, les méticuleusement sélectionnés pourraient retrouver leur esprit et perdre la tête, « en même temps » ! La confiance n’exclue pas la contrainte, n’est-ce pas chef ?
Bilan, un copier-coller du catéchisme écolo, un caté que le faisant-fonction intérimaire du Vatican pourrait bénir les yeux et l’intelligence fermés. Parmi les 150 mesures avalisées par la Convention, voici quelques exemples de ces nombreuses interdictions castratrices considérées comme indispensables pour sauver la planète et construire le bonheur des générations futures, malgré elles, si nécessaire !
Limiter la vitesse à 110 km/h sur les autoroutes, sortir de l’utilisation de la voiture en solo, utiliser des moyens de transport doux ou partagés, aménager des voies réservées aux véhicules partagés, réglementer les véhicules aptes à circuler, renforcer le malus pour les véhicules polluants, mettre fin au trafic aérien sur les vols intérieurs courts, interdire la construction de nouveaux aéroports ou leur extension, interdire les terrasses chauffées… en fait il n’est question que d’interdire, de réglementer, de taxer, d’accroître l’emprise de l’Etat communisant, du pur soviétisme « collector », irréaliste, destructeur et contraignant.
Vive l’écologie totalitaire des Khmers verts !
Enfin, pour clore l’entreprise d’enfumage et de camouflage des drames explosifs qui attendent les Français (explosion du chômage, crise sanitaire, conflits raciaux, luttes religieuses et civilisationnelles, séparatisme, terrorisme…), un référendum à questions multiples est en voie d’organisation pour mobiliser l’agenda, casser les oppositions, brouiller les résultats et pouvoir se maintenir au pouvoir même en cas d’échec qui serait alors interprété comme partiel.
Ainsi est il notamment proposé d’introduire l’écologie dans l’article 1 de la constitution, de conditionner obligatoirement les droits et les libertés à la préservation de l’environnement (?), de créer un crime d’ « écocide »… en fait il s’agit de renforcer encore l’emprise de l’Etat sur les Français au travers des normes qui les contraignent.
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Mission accomplie.
Emmanuel Macron, qui à ses débuts d’acteur amateur de théâtre enfilait avec brio un costume d’épouvantail, peut maintenant accrocher à son palmarès précoce et talentueux le rôle de « prestigi-dictateur », une création originale digne de l’auteur du livre Révolution. Et quand il y a Révolution, il y a forcément mensonge et tyrannie, on connaît le répertoire !
Belle manip ! Bravissimo l’artiste! Pourquoi s’en priver quand on a affaire à un aussi bon public ! Mais jusqu’à quand ?
Pierre Lours
28/06/2020
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : Kremlin.ru [CC BY 4.0]