Par Frédéric Eparvier, cadre dirigeant d’un grande entreprise française à caractère stratégique ♦ La French-American Foundation est une entité qui reste inconnue du grand public mais que les initiés connaissent bien. Cet organisme d’influence de l’État américain, qui compte dans sa sphère d’influence de très nombreux décideurs français, n’est cependant pas le seul du genre ! En effet, l’État chinois peut lui aussi compter sur une fondation qui séduit discrètement de nombreux représentants de nos élites françaises… Avec Frédéric Eparvier, brillant analyste ayant notamment publié sur Polémia un excellent résumé du scandale Alstom, plongée dans la mystérieuse « France China Foundation ».
Polémia
Genèse
C’est en toute discrétion que fut créée en 2012 la fondation France China Foundation (en anglais, s’il vous plaît) portée sur les fonts baptismaux par Emmanuel LENAIN alors consul à Shanghai puis directeur Asie et Océanie au Quai d’Orsay avant de devenir le conseiller diplomatique d’Édouard PHILIPPE à Matignon. Il visait l’ambassade de France en Chine, mais se la fit souffler sous le nez par Laurent BILI, directeur général de la mondialisation (si, si, vous avez bien lu, ce poste existe au sein de l’Administration générale) lors d’un tour de passe-passe dont on parle encore à la cantine du quai. La vraie, celle de la direction Asie, le restaurant chinois Thiou, boulevard de la Tour-Maubourg. En compensation, il obtint l’ambassade de France en Inde, en remplacement d’Alexandre ZIEGLER qui avait décidé de pantoufler et était parti à la direction internationale de SAFRAN.
Un premier point commun entre toutes ces personnes : elles ont toutes perdu leur temps à l’ENA, Laurent BILI au sein de la promotion Victor HUGO, Emmanuel LENAIN, Alexandre ZIEGLER et Édouard PHILIPPE, au sein de la Marc BLOCH. Accrochez-vous bien, il y en aura d’autres…
Les objectifs
Mais revenons à la France China Foundation dont la vocation est annoncée : « favoriser le développement de liens durables et amicaux entre personnalités françaises et chinoises, stimuler leur intérêt pour l’autre pays et encourager la création de projets conjoints.
Son activité principale consiste à organiser un programme “Young Leaders” qui a pour objectif de favoriser les échanges entre de très hauts potentiels chinois et français issus d’horizons variés (économie, politique, culture et médias) qui seront amenés à jouer un rôle important dans leur pays ou dans les relations franco-chinoises et internationales. »
Regardons donc qui sont ces Young Leaders et, là, reconnaissons que le site Internet de l’association – www.francechinafoundation.org – fait preuve d’une belle transparence en publiant la liste des participants des sept promotions de ce programme. Le site des Young Leaders franco-américains est nettement moins bien fait.
Une liste de Young Leaders prestigieuse
Et cette liste réserve, il faut bien le dire, quelques surprises. Mais déjà, avant de vous raconter tout cela, je vais vous livrer une petite analyse quantitative qui est toujours très révélatrice. Sur un total de cent quatre-vingt-trois Young Leaders on trouve quatre-vingt-dix-huit Chinois et quatre-vingt-cinq Français. Est-ce à dire que les Chinois prennent cette fondation plus au sérieux que les Français. Bon, entre un pays d’un milliard deux cents millions de Chinois et un autre de soixante-cinq millions de Français, ce décalage n’est peut-être pas très surprenant.
Et puis il y a les sempiternels critères de diversités, comme l’annonce la procédure de candidature : « Une diversité sociale aussi large que possible sera aussi recherchée, de même qu’une parité hommes/femmes. » Et là il faut bien reconnaître que ce n’est pas terrible du tout. Fin 2019, ce sont 26 % de femmes qui sont Young Leaders, et encore elles n’étaient que 19 % en 2017. Quel progrès ! Quant à « l’autre diversité », elle est quasiment nulle. En revanche, il y a une espèce qui n’est pas en voie de disparition. Ce sont nos amis les énarques… Jugez-en un peu : dix-huit énarques en tout, soit dix pour cent du total, mais, surtout, vingt et un pour cent de la partie française… Arrondissons à vingt, car il y a une énarque chinoise, la charmante WANG Qing de la deuxième promotion et surtout du ministère chinois des Affaires étrangères… Elle était alors sous-directrice Europe.
Je ne savais pas qu’il y avait tant de sinisants à Strasbourg… Et pas des moindres !
Première promotion, 2013 : Matthias FEKL, alors ministre de François Hollande, Jérôme GUEDJ, Sébastien HUA, Chantal JOUANNO, Emmanuel MACRON, Benoît RIBADEAU-DUMAS, et Édouard PHILIPPE.
Oui vous avez bien vu, trois des quatre plus importants personnages de la technostructure qui nous gouverne aujourd’hui sont membres de ce petit club. Il ne manque qu’Alexis KOLHER. Il est vrai qu’en 2013, directeur de cabinet de Pierre MOSCOVICI, il devait avoir un peu de boulot…
En 2013, Emmanuel MACRON, lui, n’était que secrétaire général adjoint de l’Élysée, Édouard PHILIPPE député-maire du Havre (jumelé avec la ville de Dalian en Chine, site du plus grand chantier naval chinois) et Benoît RIBADEAU-DUMAS directeur général de CGG Veritas dont l’action a chuté en 2013 de 136 à 78 € (l’honnêteté impose quand même de dire que la valorisation de cette société est directement liée au cours du pétrole, et qu’elle a continué à chuter après le départ de B. R.-D. en 2015, étant aujourd’hui à environ 2 €). Bon, l’honnêteté impose aussi de signaler que l’action de Zodiac Aerospace où il a continué à œuvrer entre 2015 et 2017 est passée de 34 à 22 € sur cette période, ce qui est quand même une belle performance.
En 2014, ce sont Laurent VALLÉE et à nouveau Édouard PHILIPPE qui deviennent Young Leaders. Comme Édouard PHILIPPE était déjà membre de ce groupe l’année d’avant, je suppose qu’il n’a pas été sage, et qu’il a dû redoubler…
En 2015, Julie BURGUBURU, Aline SYLLA-WALBAUM et Laurent VALLÉE (lui aussi ?).
EN 2016, Matthieu QUYOLLET.
EN 2017, Aurélien LECHEVALLIER, Julie NARBEY et Agnès PANNIER-RUNACHER qui veut bétonner la Savoie pour en faire un parc d’attractions pour touristes chinois, comme le « touitait » encore Jean-Yves LE GALLOU il y a quelques jours. Après tout, on fait fabriquer nos machines en Chine, il faut bien que les Chinois se transforment en touristes chez nous si nous voulons avoir un peu d’argent pour financer l’accueil des « migrants »…
En 2018, Sibyle VEIL. Et enfin en 2019 : Dorothée STIK et Morgane WEILL.
Il y a un risque à se focaliser sur une catégorie particulière, c’est de perdre de vue la photo d’ensemble. Et là il faut bien reconnaître qu’il y a quelques autres beaux trophées de plus au tableau de chasse de la France China Foundation : Franck RIESTER de la promotion 2014, ministre de la Culture depuis 2018, et Brune POIRSON de la promo 2017, devenue ministre de la Transition écologique en 2017 (je croyais qu’elle était étudiante à Harvard, puis en campagne électorale dans le Vaucluse, mais bon…). Cette dernière est surtout une parfaite représentante de ces Français de nulle part qui se font très bien payer au service des grandes entreprises. Son travail en faveur du développement durable pour VEOLIA en Asie fut d’ailleurs couronné du prix Pinocchio par l’ONG Les amis de la Terre (on lira à ce sujet l’article peu flatteur de Libération du 17 juin 2018 par Quentin Girard).
Pour le reste, ce sont des artistes, des cuisiniers, et beaucoup de banquiers d’affaires, passés par les grands groupes de fusions et acquisitions, mais j’y reviendrai dans un prochain article.
Du côté chinois, c’est beaucoup moins impressionnant, mais peut-être beaucoup plus sérieux. En effet, quel est le niveau d’engagement réel dans ce club d’un Emmanuel MACRON, déjà membre des Young Leaders franco-américains en 2012, et qui déjà se préparait à autre chose. D’ailleurs il n’est sur aucune des photos de groupe du programme, sauf celle de la promo 2019 prise sur le perron de l’Élysée. Comme quoi, l’idée de ce programme n’est pas totalement idiote, et, sur les candidats de 2013, on peut dire que les organisateurs ont plutôt eu le nez creux.
Un point qui n’est pas de détail. Du côté français, on note la présence de trois militaires qui présentent la particularité d’être tous passés par la direction de la planification de leur armée. Quand on voit que sur les sites américains de renseignements, les structures comme les Young Leaders sont généralement présentées comme des instruments de pénétration des services secrets (sauf le programme Young Leaders franco-américain, bien évidemment), il y a peut-être là un sujet à surveiller.
Du côté chinois donc, on note surtout un représentant du ministère des Affaires étrangères presque chaque année, et tous de la direction Europe… Il faut dire que le ministère chinois est un des sponsors de cette fondation, alors que du côté français ce sont des entreprises comme Lazard ou BioMérieux, mais tout ceci, Sahib, est une autre histoire…
Frédéric Eparvier
18/04/2020
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : APEC [CC BY 2.0]
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