Par Claude Chollet, président de l’Observatoire du journalisme ♦ L’hystérie semble s’emparer de nombreux médias français sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine. En réaction à cet emballement général, l’Observatoire du journalisme a publié un texte évoquant sa position. Nous diffusons ce salutaire appel au calme auprès de nos lecteurs.
Polémia
Certains lecteurs de l’Observatoire du journalisme nous ont déjà demandé : pourquoi ne parlez-vous pas des retombées médiatiques du conflit russo-ukrainien ? Notre réponse : il est trop tôt et le vacarme médiatique est trop assourdissant. Cependant, nous pouvons rappeler quelques évidences et donner quelques conseils utiles, en sept points.
1. En temps de guerre, les « bouteillons », fausses informations de propagande, fleurissent comme pâquerettes au printemps. Soyons attentifs et prenons un peu de recul sur l’actualité immédiate, celle de la minute qui risque d’être démentie dans l’heure qui suit. À titre d’exemple, CNN a publié le portrait d’un journaliste mort sur le front ukrainien ; en 2021, la photo de ce même journaliste mort en… Afghanistan avait déjà été publiée.
2. Évitons le réflexe de la volière. Rentrez dans une volière calme, tapez brusquement dans vos mains, tous les oiseaux s’envolent en même temps. Si l’information est univoque, à la radio, à la télévision, dans la presse écrite, du côté conservateur comme du côté progressiste, méfiance : c’est l’homme qui tape dans ses mains qu’il faut observer, pas le vol des oiseaux.
3. Il y a bien entendu une propagande russe comme il y a une propagande américaine. La propagande russe se limite à la chaîne RT (financée par l’État russe) et à ceux qui répercutent ses informations. C’est limité et bien identifiable. La propagande américaine est infiniment plus puissante et présente à presque tous les étages des médias mainstream. Les investissements dans les médias de la French American Foundation, qui depuis plus de 40 ans sélectionne les jeunes talents médiatiques les plus prometteurs appelés « Young Leaders » pour les cajoler, ne sont pas toujours improductifs.
Guerre en Ukraine : quand Polémia analysait les manœuvres de l’oligarchie
4. L’histoire est toujours écrite ou réécrite par ceux qui possèdent le monopole ou le quasi-monopole des moyens de diffusion. L’oligopole des GAFAM est garanti 100% américain. Il n’est pas inutile de le garder à l’esprit.
5. L’émotion tue la compréhension et la compréhension n’est pas l’approbation. Il n’est pas interdit de revenir aux racines du conflit. Il peut être utile de se souvenir d’autres conflits, les bombardements sur la Serbie par l’OTAN en 1999 par exemple, et de faire une comparaison.
6. Un triptyque d’équivalences se met en place : monde occidental = communauté internationale = conscience universelle. Ces pseudo-équivalences peuvent et doivent être discutées.
7. Derrière ce conflit fratricide, c’est bien la provincialisation américaine de l’Europe qui se profile ou se conforte. On peut s’en réjouir. Ou pas.
Claude Chollet
28/02/2022