Jamais l’Establishment soi-disant républicain n’aura autant navigué en république bananière. Le pouvoir politico-médiatique a donné dimanche dernier une nouvelle et parfaite illustration de sa capacité à manipuler des chiffres pour manipuler les masses. Jean-Henri d’Avirac décrypte ce marketing de la manipulation mené tambour battant par l’Élysée, Matignon, leurs complices et la cohorte de conseillers et communicants, rivés sur les petites carrières personnelles du jour d’après dans un pays tout simplement à la dérive. Polémia
1er temps : « Le FN à 30% !?… »
Objectif : Tout mettre en œuvre, avec la complicité des médias et de leurs prestataires de services, pour accréditer l’idée d’un tsunami FN à quelques semaines des élections départementales.
Comment pouvait-on sérieusement imaginer un tel résultat (30%) dans un contexte où le Front a réalisé un score historique (25%) aux européennes, devenant le premier parti de France… une élection qui lui était traditionnellement et structurellement favorable, contrairement aux départementales dans lesquelles il ne bénéficie d’aucun ancrage et d’un seul sortant !!
Grâce à la baguette magique du redressement statistique dont usent et abusent les sondeurs sous influence, les pronostics paraissaient pourtant inattaquables et convergents…
Mais au fond quel bénéfice politique cherchait-on à extirper de ce chaudron ?
« Ipsos » facto, l’attention du citoyen devait se détourner des vrais problèmes et du désastre socialiste.
« Ipsos » facto, l’épidémie de peste brune ainsi prophétisée et scénarisée allait assurer une mobilisation puissante de l’électeur modéré (jusqu’alors abstentionniste car exaspéré par les turpitudes des notables de la politique).
« Ipsos » facto, l’atterrissage du dimanche soir se focaliserait sur l’absence de raz de marée FN, voire, soyons fous, sur sa régression !
2e temps : L’UMP et « ses alliés », le PS et « ses alliés », puis le FN !
Objectif : En access prime time (19h-20h30), au maximum de l’audimat sur les chaînes nationales et les chaînes d’information, afficher la surprise d’un tiercé truqué qui masque la réalité de la déroute socialiste.
A 20h00, sur une grande chaîne nationale du service public… estimations :
–l’UMP et « ses alliés » : 32%, le PS et « ses alliés » : 26%, le FN 24%…
On ira même jusqu’à cumuler un « total droite » amalgamant par exemple Debout La France à l’UMP/UDI/Modem et un « total gauche » (Front de gauche, EELV, divers extrême gauche accolés au PS !)… les bons vieux blocs ainsi hâtivement reconstitués minoraient instantanément la percée FN et relativisaient la performance de l’union de la droite.
3e temps : Manuel Valls à 20h15
Objectif : Capitaliser avant toute analyse et critique sur ce tiercé provisoire dans le créneau le plus favorable en terme d’audiences… ce moment si fort où le ressenti prime sur le réel : séquence émotion, séquence grand frisson… évidemment pour les cons.
Il s’agissait de faire de la prétendue relégation du Front en 3e position une victoire personnelle du premier ministre, grand pourfendeur de l’Hydre. Il s’agissait enfin de lever l’hypothèse d’une déroute totale mortifère pour l’avenir politique de notre ambitieux Inquisiteur en relativisant la défaite du PS.
Le ton était affirmé, calculé, travaillé, un peu de Mai 1981, un zeste de « l’esprit du 11 Janvier », un brin Charlie, Manu le Sauveur joue le rassembleur improbable d’une gauche pourtant éparpillée comme jamais.
4e temps : Commenter les chiffres réels et fustiger la « faute morale » de l’UMP
Objectif : Installer coûte que coûte, avec la complicité des commentateurs, l’idée que le FN n’est pas le premier parti de France, cultiver la confusion et mobiliser pour le deuxième tour sur les « Valeurs républicaines ».
En réalité, les chiffres « officiels » se révéleront implacables et accablants :
- accablants pour les estimations des instituts de sondage en premier lieu : UMP et ses alliés 29,2%, FN 25,2%, PS et alliés 21,8% ;
- ils le seront tout autant pour les journalistes et commentateurs de tout poil qui persistent (tous quasiment sans exception) à comparer des blocs non comparables ou non homogènes.
Dans les alliés de l’UMP, UDI et Modem représentent ensemble de 6 à 9%, ce qui ramène automatiquement le parti de Nicolas Sarkozy à 23% !
De facto (et non plus « Ipsos » facto), que l’on s’en réjouisse ou pas, le FN demeure incontestablement le 1er parti de France. Il réalise même la prouesse d’engranger 400.000 voix supplémentaires par rapport aux européennes sur ce scrutin qui, martelons-le, ne lui est traditionnellement pas favorable !
Il totalise enfin 10 points de plus qu’aux dernières cantonales : un véritable exploit.
Quant au PS, débarrassé de ses poissons pilotes eux-mêmes de plus en plus rachitiques, PRG et Verts, par ailleurs de plus en plus hostiles à sa politique, il réalise un « plus bas » historique qui d’ores et déjà conforte l’idée de son exclusion probable du 2e tour de la présidentielle.
Voilà donc démontée une fois de plus cette entreprise de manipulation dans laquelle nos dirigeants sont passés maîtres à défaut de maîtriser l’exercice du pouvoir.
Cette élection digne d’une république bananière aura propulsé dans l’arène des candidats qui ne savent même pas quelles seront leurs compétences, leurs moyens et leur champ d’action. Tout cela sur fond de réforme territoriale en trompe l’œil qui, rappelons-le, devait, il y a tout juste un an, rapporter plus de 20 milliards d’euros et dont on sait à présent qu’elle coûtera de 5 à 10 milliards au contribuable !
Tout cela sur fond de redécoupage cantonal fait à la va-vite sur un coin de table avec un petit prisme politicien parisien (comme, du reste, la fusion des régions). Tout cela bien évidemment sans toucher au nombre d’élus et en ajoutant même de nouvelles strates, véritables usines à gaz (métropoles, Scot, PETR…).
Et pour clore l’affaire une belle opération de marketing politique, un peu grossière malgré tout, où l’on régénère la marque-épouvantail « extrême droite » pour mieux occulter l’incapacité de nos gouvernants à profiter des signes positifs que nous renvoie à présent l’économie mondiale et pour mieux faire oublier la crise identitaire redoutable qui s’annonce dans notre pays.
Inquisitions, gesticulations liberticides, stratégies de diversion, culte du « panem et circenses », autant de pas malheureux dans cette valse à quatre temps devenue un lourd et pathétique numéro de claquettes qui fleure bon la fin d’un règne, la fin d’un monde.
Jean-Henri d’Avirac
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