Les Anglo-Saxons ont une expression excellente : losing battle, « une bataille perdue d’avance ». C’est ce qu’ils sont en train de vivre en Ukraine.
Il ne fait aucun doute que le secteur militaire américain dispose de la capacité de s’en prendre à n’importe quel ennemi étranger pour le laisser complètement démantelé ou entièrement détruit. C’est l’une des raisons pour laquelle la Russie et la Chine sont jusqu’à présent restées en ligne de touche.
Mais selon les dires d’un membre des services secrets, bien que les États-Unis n’aient pas de pareille sur les champs de bataille traditionnels, un coup pourrait leur être porté par le biais d’attaques asymétriques coordonnées qui pourraient significativement niveler le champ de bataille et réduire à néant la vie telle que nous la connaissons au sein des États-Unis d’aujourd’hui.
Jim Rickards, auteur de The Death of Money, en sait long sur la manière dont les gouvernements étrangers abordent la question de l’hégémonie des États-Unis. Il a travaillé de près avec les services secrets américains pendant des dizaines d’années, et était en 2007 le directeur d’opérations de la première guerre financière aux États-Unis. Selon lui, les ennemis des États-Unis ne sont pas prêts de les bombarder de missiles. Si une attaque venait à atteindre ses côtes, elle ne prendrait pas la forme de bombes et de balles. Du moins pas dans un premier temps.
Dans un excellent entretien avec Future Money Trends, Jim Rickards développe des scénarios susceptibles de changer la face du monde au cours de ces dix prochaines années. Il aborde la complexité des politiques géostratégiques actuelles et apporte une vision réaliste des développements auxquels nous pouvons nous attendre à mesure que l’Occident et l’Orient se tournent l’un contre l’autre sur le champ de bataille global du début du XXIe siècle.(*)
Il n’y a pas un pays au monde qui puisse s’opposer aux États-Unis en termes de puissance militaire cinétique. Cinétique signifie tout ce qui explose ou tire. Missiles, bombes, sous-marins, avions de combat, etc. Personne ne peut être comparé aux États-Unis à ce niveau. Les États-Unis peuvent couler n’importe quelle flotte, abattre n’importe quelle armée et contrôler n’importe quel système de communication dans le monde.
Personne ne veut se frotter aux États-Unis de cette manière.
Mais en observant ce que l’on appelle la puissance militaire asymétrique, ou non-restreinte, qui inclue les attaques informatiques, les guerres financières, les armes de destruction massives, les armes chimiques, biologiques et radiologiques, le terrain de jeu est bien différent.
Comprenez-moi bien, les États-Unis sont très doués à ce genre de choses. Mais d’autres le sont aussi. Et dans ce domaine, le jeu est bien plus équilibré.
Les Russes pourraient très bien utiliser leurs pirates informatiques pour fermer le New York Stock Exchange. Mais j’ai aussi entendu que les pirates informatiques américains pourraient aussi fermer le Moscow Stock Exchange. Et bien sûr qu’ils le pourraient. Mais qui gagnerait la bataille ? En d’autres termes, les États-Unis ont plus à perdre que les Russes. Ils ferment le NYSE, nous fermons le marché de Moscou. Ils gagnent, parce que le marché de New York est bien plus important. Qui s’intéresse au Moscow Stock Exchange ?
Voilà la manière qui donne à réfléchir aux possibles escalades de situation, à ce que nous pourrions techniquement appeler le contexte théorique au sein duquel se joue le jeu international. Je ne suis pas certain que les États-Unis soient doués dans ce domaine. Les États-Unis sont doués pour ce qui est du conflit financier en général, mais je ne suis pas certains qu’ils sachent comment adopter la pensée géostratégique et théorique dont je parle ici.
Les États-Unis lancent actuellement une attaque financière contre la Russie. Comme Jim le note dans l’entretien ci-dessus, nous avons commencé à saisir les actifs des Russes et travaillons à la mise en place de sanctions à l’échelle internationale. Vladimir Poutine ne prévoit peut-être pas d’y répondre en lâchant une bombe atomique sur les États-Unis, mais si l’administration Obama allait trop loin ? Poutine pourrait-il lancer une contre-attaque dans le cyberespace ? Peut-être donnerait-il l’ordre à des pirates informatiques d’attaquer le marché de New York, ce qui aurait des conséquences au travers du monde entier.
L’ancienne secrétaire de la Sécurité intérieure Janet Napolitano a expliqué qu’une cyberattaque lancée contre les réseaux électriques ou des services des eaux des États-Unis est inévitable. Elle pourrait bien entendu être lancée par un organisme indépendant, mais une attaque de grande échelle a bien plus de chances de provenir d’un gouvernement étranger, et pourrait éventuellement comporter d’autres éléments non-cinétiques.
Les conséquences en seraient désastreuses. Plus effrayante encore est la question de savoir comment y répondront les États-Unis. Quelle serait la prochaine étape du conflit ?
Pendant la Guerre froide, il existait un principe que l’on connaissait sous le nom de destruction mutuelle assurée. L’idée était que si une puissance lançait ses missiles, l’autre en ferait de même. La menace d’une destruction de grande échelle est ce qui nous a permis d’éviter une guerre thermonucléaire pendant trente ans. Mais la situation, même à l’époque, a de temps à autre dégénérée. Les États-Unis sont passés à deux reprises très près d’une guerre avec l’Union soviétique, mais tout le monde savait ce qu’un conflit impliquerait.
Comme l’explique Rickards, nous avons aujourd’hui un principe similaire, mais il semblerait que l’administration Obama n’ait pas encore saisi ses implications :
Aujourd’hui, ce que nous avons est aussi un principe de destruction mutuelle assurée. Les États-Unis peuvent utiliser des armes financières contre la Russie. Mais ils ne peuvent faire quoi que ce soit qui aille au-delà de simples sanctions comme par exemple oublier d’envoyer l’invitation d’un oligarque au Super Bowl ou geler les actifs d’une personne de moindre importance.
Mais en cas de sanctions sévères, la situation avec la Russie ne pourra qu’escalader. Je pensais initialement que les États-Unis comprendraient ce principe de destruction mutuelle garantie et n’iraient pas trop loin. Mais ce matin même, les États-Unis ont annoncé des sanctions contre Igor Sechin.
La situation est sérieuse. De mon humble avis, la Russie répondra à ces attaques, reste à savoir de quelle manière.
Nous pouvons nous attendre à ce que ce renvoi de balle continue.
Les États-Unis étaient lourdement impliqués dans la situation en Ukraine. Moscou, qui n’a pas pour habitude de se montrer passive, a répondu à l’intervention de l’Occident sur le sol de l’un des anciens satellites soviétiques en déployant 100.000 hommes sur la frontière ukrainienne et annexant la Crimée. Les États-Unis ont ensuite décidé d’imposer des sanctions financières aux dirigeants de la Russie et s’intéresseraient désormais aux actifs du président Poutine en personne. Les Chinois ont offert leur soutien à la Russie au travers d’accords monétaires et ont annoncé que les sanctions imposées par les États-Unis pourraient avoir des retombées. Quelques jours plus tard, le président Obama a déployé ses troupes en Pologne et dans d’autres pays alliés de l’OTAN. Et pas plus tard que cette semaine, des avions de combat russes faisaient du repérage sur la côte ouest des États-Unis.
Doucement et sûrement, le conflit escalade.
Personne ne sait ce qu’il se passera ensuite, mais je doute beaucoup que les États-Unis ou la Russie prendront des mesures pour apaiser la tension.
Au cours de ces quelques prochains mois, nous devrions nous attendre à une amplification continue du conflit, qui découlera très certainement sur un conflit physique.
Mac Slavo
Source : 24hGOLD.com
17/07/2014
Notes
(*) Regardez la vidéo sur Future Money Trends [lien mort au 22/05/2024]