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Cohabitation : que pourrait faire Jordan Bardella face à Emmanuel Macron ?

Cohabitation : que pourrait faire Jordan Bardella face à Emmanuel Macron ?

par | 22 juin 2024 | Politique

Cohabitation : que pourrait faire Jordan Bardella face à Emmanuel Macron ?

Le résultat des élections législatives provoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale pourrait bien être un véritable tremblement de terre politique. Non pas en ce qui concerne la hausse phénoménale du nombre de députés du Rassemblement national. Ce tsunami patriote exceptionnel est déjà accepté par tous les Français. Non, le véritable bouleversement politique, c’est bien que le Rassemblement national pourrait disposer de la majorité absolue, soit plus de 289 députés ! C’est ce qu’annonce, entre autres, le sondage réalisé par l’institut Odoxa pour L’Obs paru ce 21 juin. Et il se murmure que des sondages concordants sortiront très rapidement. Pour réfléchir à cette possible arrivée de Jordan Bardella à Matignon, Jean-Yves Le Gallou revient sur les différents scénarios possibles.
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Histoire de la cohabitation

Depuis le début de la Ve République, la France a connu trois cohabitations : Mitterrand-Chirac (1986-1998), Mitterrand-Balladur (1993-1995), Chirac-Jospin (1997-2002). La dernière fut la plus paisible, Jospin put gouverner – régulariser 100 000 clandestins, imposer les 35 heures – sans véritable opposition, ni de la part de Chirac, ni de celle du Conseil constitutionnel. La situation fut moins confortable pour Balladur : presque une double cohabitation au départ avec Mitterrand d’un côté et avec… Chirac de l’autre. Un Chirac que Balladur cessa très vite de prendre au téléphone… Balladur rencontra aussi l’obstacle du Conseil constitutionnel qui censura les lois Pasqua sur l’immigration et la sécurité. La première cohabitation, celle de 1986-1988, fut la plus difficile : Mitterrand usa Chirac en s’opposant à ses ordonnances puis en s’appuyant sur le Conseil constitutionnel, présidé par Badinter, tout en encourageant les manifestations de rue. C’est à cela que pourrait s’attendre Jordan Bardella s’il était nommé Premier ministre. Sans même qu’il soit besoin d’évoquer une Assemblée nationale mariniste qui le surveillerait.

Que pourrait faire Bardella ? Trois stratégies sont possibles : l’évitement, l’engagement, l’affrontement.

Une cohabitation d’évitement pour Jordan Bardella ?

L’évitement est l’habituelle stratégie de campagne du RN : au moindre problème, on décroche et on se replie sur des positions plus sûres. C’est souvent ce qui est le moins coûteux en matière de communication.

Mais les Français sont las des postures et des grandes déclarations. Ils attendent aussi des actions. Un gouvernement Bardella ne pourrait pas se contenter de parler, encore moins de reculer, il devrait agir. Et il ne pourrait pas davantage se borner à chouiner (« on me met des bâtons dans les roues »), il devrait aussi réussir. C’est possible : un Premier ministre à des marges de manœuvre ; Matignon, c’est la tour de contrôle de l’État. Et dans la Constitution, c’est le Premier ministre qui a la maîtrise des instructions aux préfets, aux recteurs, aux procureurs. C’est le Premier ministre qui signe les décrets : cela n’est pas rien. C’est un pouvoir qui pourrait permettre d’abroger des dispositifs bureaucratiques comme ceux sur les diagnostics énergétiques des bâtiments, par exemple. C’est aussi le gouvernement qui a l’initiative des lois.

À partir de là, trois axes d’engagement sont possibles.

Un vent de liberté

Vers les agriculteurs, par l’assouplissement des normes.

Vers les propriétaires et les habitants de logements, là aussi par l’allègement des normes. Et pour cela des décrets abrogatoires suffiraient.

Vers les communes, en leur permettant d’accepter ou de refuser des foyers de clandestins, des éoliennes, des « fermes solaires ». Comment ? Par de simples instructions aux préfets d’abord, par la restitution aux communes du pouvoir sur l’urbanisme ensuite (suppression des plans locaux d’urbanisme intercommunaux).

Vers les parents d’élèves, par la simple libéralisation de l’enseignement à domicile et des ouvertures d’écoles privées, par l’assouplissement des règles de la carte scolaire. Là aussi, de simples instructions aux recteurs et des ajustements réglementaires pourraient suffire.

Vers les patients, notamment en payant aux laboratoires les médicaments de première nécessité – Amoxicilline, Ventoline, par exemple – au prix du marché.

Une meilleure régulation de l’immigration

Dans ce domaine, tout n’est pas immédiatement possible (à horizon constitutionnel constant), mais les titres de séjour sont délivrés par le ministre de l’Intérieur. Et il a la faculté d’agir de manière discrétionnaire sur les régularisations, les documents de séjour au titre du travail ou pour effectuer un séjour étudiant. Franchement, a-t-on besoin d’autant d’étudiants islamistes dans nos universités ? En agissant sur ces seuls leviers réglementaires, il serait possible de réduire de moitié les entrées légales d’étrangers. Insuffisant, bien sûr, mais une première étape indispensable. Quant au travail clandestin, rien n’interdit la fermeture administrative des entreprises qui en abusent, comme cela fut fait pour celles qui ne respectaient pas les règles lors du COVID. Évidemment, les bobos des centres-villes macronistes devraient se priver des services d’Uber East… Il est aussi possible – comme cela fut fait par Claude Guéant, ministre de l’Intérieur de 2011 à 2012 – de reprendre un contrôle des conditions de naturalisation. Et d’interdire aux préfets ou aux sous-préfets, en grand uniforme, de remettre solennellement des certificats de nationalité à des femmes voilées, manifestement inassimilées. Quant au droit du sol, il est possible de le remettre en cause par une simple loi.

Cinq pistes pour faire des économies lors de cette cohabitation

Reste qu’un éventuel gouvernement Bardella devrait trouver des gisements d’économie. Cela tombe bien, il y en a beaucoup. Voici des pistes.

— Sabrer dans les dépenses d’immigration, conséquence des mesures précédentes : accueil, hébergement, logements, aides sociales, infrastructures, études, etc. 500 000 entrées d’étrangers par an, c’est – en coût d’infrastructures et d’accueil –, selon les estimations du prix Nobel d’économie Maurice Allais, 50 milliards de dépenses supplémentaires (ou d’appauvrissement des habitants déjà présents).

— Sabrer dans les dépenses de fraude sociale : là aussi, c’est un potentiel de dizaines de milliards d’économies, selon le juge Charles Prats.

— Sabrer dans les dépenses de « transition énergétique » (éoliennes, panneaux solaires, voitures électriques, isolation des bâtiments, etc.) bureaucratiques et inutiles. Ces dépenses sont couramment estimées à 40 milliards d’euros.

— Sabrer dans les subventions aux associations wokistes. Là encore, il y a quelques milliards à récupérer.

— Sabrer dans les dotations de l’État aux métropoles : il n’y a aucune raison pour que les dotations d’État par habitant y soient plus importantes que dans les campagnes.

En bref, pour redresser les dépenses publiques, il faut s’attaquer à l’État nuisible, dont les politiques et les dépenses aggravent la situation des Français.

Une cohabitation et un affrontement entre Jordan Bardella et Emmanuel Macron ?

L’engagement doit permettre d’obtenir des résultats concrets et rapides. Et de préparer l’inévitable affrontement. Les indispensables transformations législatives – sur l’immigration et la sécurité – supposent un référendum et sans doute aussi un référendum constitutionnel. Ce qui passera par un bras de fer avec le président et avec le Conseil constitutionnel. Il faudra alors prendre l’opinion à témoin et préparer la suite.

À 28 ans, Bardella aura-t-il les épaules ? Chacun entend bien la petite musique du doute distillée par la macronie et tous ceux qui, après avoir créé 3 100 milliards de dette, jouent le grand air de la « compétence ». Bien sûr, les difficultés seront immenses, mais c’est au pied du mur qu’on voit le maçon. Et en histoire, ce sont les circonstances qui révèlent les hommes.

Jean-Yves Le Gallou
22/06/2024

Jean-Yves Le Gallou

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