Valérie Pécresse s’est prononcée (1). Elle ne veut plus que la nationalité française soit donnée automatiquement. Elle a mis toutes les nuances dans son propos et fait acte de foi pour éviter la condamnation, mais ce qui est dit est dit. Le débat politique sur la nationalité risque donc d’être animé dans les prochains mois. Les conditions sont réunies pour l’aborder franchement. D’une part, la Gôôche n’est plus certaine de capter le vote des citoyens français allogènes. L’apparition de listes ethniques dans les prochaines années va lui enlever une part importante de son électorat et donc sa motivation pour naturaliser à tour de bras. D’autre part, de plus en plus de Français aborigènes refusent l’assimilation à des compatriotes de papier avec lesquels ils ne partagent rien. Quant à l’adhésion aux « Valeurs de la République », l’histoire montre que ce genre d’idéologie à vocation fédératrice est une illusion. Le premier lien que l’on partage, c’est le sang. Transgresser ce principe naturel aboutit à toutes les abominations. La fin programmée des États-Unis multiraciaux en est la preuve. Quant à l’URSS, autre société multi-ethnique, initialement centrée sur une idéologie supranationale, elle s’est vite transformée en un ensemble où les nationalités coexistaient mais ne se mélangeaient pas.
« Aujourd’hui, nous avons un premier ministre au caractère bien trempé, de citoyenneté française, certes, mais de nationalités catalano-helvétique. Il nous montre d’ailleurs chaque jour son attachement à ses origines. »
Citoyenneté – nationalité : la confusion
Dans la Ve République des années 2010, la confusion la plus totale règne. Le refus d’appeler un chat un chat est patent. De Gaulle avait beau dire que « nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne », aujourd’hui, la société française est à l’image de celle des États-Unis, encore majoritairement blanche et de tradition chrétienne certes, mais aux composantes allogènes en progression irrépressible. Confiants, nos oligarques nous envisagent unis par les « Valeurs de la République ». Pourtant, dans les milieux populaires, la marque de nos origines est le préalable à tout rapport social. Les distinctions entre Européens sont vite faites entre Français, Italiens, Polonais, Portugais, etc.
Aux yeux des allogènes, n’est pas Français qui veut malgré les ressemblances avec nos congénères européens. D’ailleurs, les drapeaux placés aux fenêtres des maisons quand il y a foot suffisent pour s’en convaincre. En Afrique du Nord, Marocains, Tunisiens et Algériens tiennent à leurs différences. Chez les Algériens, les Kabyles évitent soigneusement d’être assimilés à leurs compatriotes plus typés. Des règles strictes régissent leur société. La transgression est condamnée par un out of cast sans appel.
Dans les milieux populaires, on parle aussi de métis assez facilement, sans arrière-pensée. C’est un fait. Paradoxalement, bien que vouée à l’universalisme, notre oligarchie s’est enthousiasmée que Barack Obama devienne le premier président noir des États-Unis, alors que c’est un métis. Il est vrai qu’aux États-Unis, les métis sont considérés comme noirs. Nos Antillais, eux, qualifient leurs congénères africains de Nègres bleus, et nous de Français, pour marquer leurs singularités. Visiblement la négritude est une notion assez controversée dans leurs esprits. Enfin les asiatiques évitent tout ce monde et se désolent des interventions de Fleur Pellerin et de Jean-Vincent Placé. L’une et l’autre ont beau s’affirmer Français, leurs propos débridés irritent leurs congénères. Ce qu’ils disent et font les engagent alors que la règle fondamentale des Asiatiques en France est de vivre discrètement. Cependant, l’antienne est que « tout ça, ça fait d’excellents Français, … » (chanson de Maurice Chevalier avant la débâcle de mai 40 (2)).
L’URSS : un modèle
C’est paradoxalement dans le pays où une idéologie devint l’unique référence politique qu’une différence fut faite entre nationalité et citoyenneté. Née avec la création de l’URSS, cette distinction domine toujours les esprits en Russie.
Ainsi, Rudolf Noureïev est tatar. Mikhaïl Barychnikov, lui, est russe. Russes et Tatars tiennent à cette distinction. Pourtant le Tatarstan est dans la Fédération de Russie. Comme profane, vous pouvez évoquer le danseur ‘russe’ Noureïev une fois; pas deux. C’est une gaffe. Pourtant dans l’esprit des fondateurs de l’URSS animés par une idéologie suprémasciste et universaliste, le but était de supprimer tout ce qui séparait les uns des autres. Le réalisme stalinien élimina bien vite cette vision impossible d’une URSS à la recherche de l’homme nouveau pour lui substituer une conception plus pragmatique reposant sur la coexistence de nationalités. Même les juifs, les plus ardents prosélytes du monde nouveau, obtinrent un statut national.
Mais là-bas, chacun a son territoire, alors qu’en France, hormis une bien floue adhésion aux « Valeurs de la République » comme plus petit commun dénominateur, Français, Européen, Africain, Asiatique et quiconque d’ici ou d’ailleurs est obligé de s’interroger chaque jour sur son identité. C’est un ethnocide généralisé que nous vivons, justifié par la création d’un homme nouveau, là encore. Mais nous, on n’a pas encore trouvé notre petit père des peuples.
Vers la distinction nationalité – citoyenneté
Pour envisager une issue pacifique à la situation actuelle ne satisfaisant personne, n’associons donc plus citoyenneté et nationalité.
Cette dernière serait réservée aux Français ethniques, c’est-à-dire des Blancs issus du territoire français européen depuis plusieurs siècles, plus ou moins mélangés avec d’autres Européens. Après tout, la noblesse européenne fonctionnait sur ce principe. Henri Ier (1008-1060), roi des Francs, eut pour épouse Anne de Kiev ; une Russe qui devint Reine de France de 1051 à 1060. Plus proche de nous, Louis XVI s’unit avec Marie-Antoinette d’Autriche, elle-même arrière-petite-fille de Philippe, duc d’Orléans, frère de Louis XIV. Et ainsi de suite. La noblesse européenne a les clés pour créer une identité européenne.
Dans le modèle envisagé, il n’y aurait plus de binationaux. La nationalité française serait à demander et à justifier. Elle permettrait d’accéder aux fonctions régaliennes de la France, qu’elle soit république, monarchie, despotique ou autre. Après une ou deux générations ayant fait la preuve de leur volonté d’être Français, les citoyens pourraient y accéder, mais alors en abandonnant tout souvenir d’une double allégeance nationale et en étant inscrit dans l’espace européen indubitablement, racialement et culturellement. Une forme de baptême renommerait les individus avec des patronymes indigènes. Etc. Tout serait fait pour renier ses origines non-françaises. Pour ceux ne le souhaitant pas, un statut de citoyen permettrait toutefois d’évoluer dans la société française.
On considèrerait ce qui existe actuellement comme une citoyenneté, qui elle prendrait en compte les mutations sociales que le territoire européen de la France a connues depuis 50 ans. La double citoyenneté, voire triple ou même plus, serait possible. Elle serait facile à obtenir pour les gens ayant fait la preuve de leur intégration à la société française. Plusieurs critères seraient à prendre en compte : absence de crime et délits majeurs ; paiement de l’impôt; travail utile; pas de perfusion sociale, francophone, en bonne santé, etc. Critères à la fois plus restrictifs qu’aujourd’hui, mais plus ouverts que la nationalité.
Cette citoyenneté donnerait droit à la capacité élective dans des assemblées consultatives ou des fonctions non-déterminantes pour les équilibres régaliens. Elle honorerait ainsi de nombreux allogènes de toutes origines pour leurs contributions modestes ou grandioses, tout en leur permettant de revendiquer leurs racines. Dans une société mondialisée, il est impossible désormais de vivre avec des frontières étanches. Tokyo est à 11 heures d’avion de Paris. On envisage Paris – New York en moins d’une heure d’ici 2030 grâce aux avions hypersoniques.
La nationalité serait immuable ; la citoyenneté, elle, ne le serait pas. Ainsi, un délinquant à la nationalité française la conserverait une fois la peine accomplie. Mais un citoyen français pourrait la voir supprimée au profit de sa nationalité d’origine, car il l’aurait conservée.
La citoyenneté s’acquerrait et se perdrait plus facilement qu’aujourd’hui.
En dissociant nationalité et citoyenneté comme les soviétiques le firent, nous surmonterions nos interrogations sur l’identité française tout en bénéficiant des compétences de gens épris de notre culture. De tout temps, les apports extérieurs ont permis de compenser les faiblesses locales. C’est un constat.
Manuel Valls dans le prisme bolchevick
Aujourd’hui, nous avons un premier ministre au caractère bien trempé, de citoyenneté française, certes, mais de nationalités catalano-helvétique. Il nous montre d’ailleurs chaque jour son attachement à ses origines. Quoi de plus naturel d’ailleurs. Le 6 juin 2015, il était à Berlin pour soutenir le FC Barcelona. Le lendemain, il encourageait Wawrinka (suisse) pendant la finale des Internationaux de France de Tennis (Roland-Garros). Dans le nouveau système, son intelligence et son travail seraient toujours utilement sollicités, mais la décision finale reviendrait à des nationaux. En effet, son atavisme pourrait l’amener à agir contre l’intérêt de la France et des Français. Ainsi, il pourrait, par exemple, décider du rattachement de la Catalogne française à une Catalogne indépendante et réunifiée; ou les Savoie à la Suisse ou au Turinois, ce qui n’est pas incohérent au regard de la géographie et de l’histoire. N’oublions pas qu’en situation d’incertitude, les liens du sang priment sur toutes autres considérations. Pour clarifier ces propos, en URSS, Manuel Valls aurait été de citoyenneté soviétique et de nationalité suisse car celle-ci se transmettait par la mère. A sa majorité, il aurait pu opter pour le nom de famille de sa mère : Galfetti. Dans le modèle imaginé, ses enfants nés de mère française (Nathalie Soulié) en France seraient de nationalité française et porteraient le nom de leur mère. Il reste encore beaucoup de points à discuter.
Aborder franchement cette question nécessite plus de contributions que ce court article. On invite en conclusion le lecteur souhaitant prolonger cette réflexion à lire le très instructif article « La pensée ethniciste en URSS et en Russie post-soviétique » (3).
En attendant, admettons que le débat s’impose et doit être mené sereinement comme le firent les bolchevicks en URSS dans les années 1920.
Frédéric Villaret
Juin 2015
Notes
- Valérie Pécresse ne veut plus que la nationalité française soit donnée automatiquement.
- Maurice Chevalier, Ça fait d’excellents Français.
- La pensée ethnique en URSS et en Russie post-soviétique.
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