« Ceux de 14 », le maître ouvrage de Maurice Genevoix, vient d’être réédité par les éditions Flammarion. À la différence de Voyage au bout de la nuit de Céline, ce n’est pas un pamphlet. Ce n’est pas non plus un roman à thèse, à orientation pacifiste comme Le Feu d’Henri Barbusse, ou à visées patriotiques comme Les Croix de bois de Roland Dorgelès.
Non : c’est un journal de bord de la Guerre de 1914. Genevoix y décrit les batailles, la vie et la souffrance des hommes (et des chevaux qui les servent) lors des batailles de la Marne, de l’Argonne, des Hauts-de-Meuse où son régiment, le prestigieux 106e d’infanterie est engagé ; une vision naturaliste et humaniste se dégage à chaque page de cette œuvre qui allie grande sincérité humaine et création littéraire.
La préface de Michel Bernard éclaire la genèse de l’œuvre : le secrétaire général de l’École normale supérieure, Paul Dupuis, avait décelé chez le jeune cacique la promesse d’un écrivain de grande race ; il lui demanda de tenir un carnet de bord et de lui en envoyer chaque semaine les feuillets. Ce que fit Genevoix. Grièvement blessé aux Éparges en avril 1915 (en même temps que Ernst Jünger et dans le même affrontement guerrier), il fut rendu à la vie civile. Il reprit ensuite ses cahiers, ce qui donna Sous Verdun, Nuits de guerre, La boue et les Éparges, rassemblés ensuite dans Ceux de 14.
Arrière-petit-fils d’un Poilu de 14, historien amateur, Florent Deludet a choisi d’honorer la mémoire de son arrière-grand-père en établissant un remarquable appareil critique de Ceux de 14. Il a retrouvé les traces militaires et mémorielles ainsi que les vrais patronymes de près d’une centaine de personnages désignés par Genevoix sous des pseudonymes.
L’étude de Florent Deludet démontre aussi la grande véracité de Ceux de 14 : la réalité des faits, des événements qui y sont racontés est corroborée par trois autres documents : les lettres et les carnets du lieutenant Porchon, le saint-cyrien qui commandait la section voisine de Genevoix (tué aux Éparges en février 1915), les mémoires du commandant Bord, les carnets de guerre du caporal Finet, soldat de Genevoix, écrits en 1915 durant sa convalescence à Nice après une blessure reçue aux Éparges.
Avec Ceux de 14 nous avons donc à lire une œuvre de triple dimension : littéraire et mémorielle mais aussi historique. À la différence d’autres événements, la Guerre de 14 ne se prête ni aux contes et légendes ni aux narrations fantaisistes. Les faits y sont bruts. Les soldats de Ceux de 14 n’ont plus « de droits sur nous » mais nous avons toujours un devoir envers eux : garder en mémoire leur sacrifice et poursuivre l’immense aventure de la France.
Jean-Yves Le Gallou
06/11/2013
Voir aussi
- Français de souche : ne vous laissez pas voler la mémoire de 1914 ! Par Jean-Yves Le Gallou
- Ceux de 14 (Maurice Genevoix) sur CITATIO
- Les Éparges, sur les traces de ceux de 14 (Institut Iliade)
* Cet article a été initialement publié le 9 novembre 2013. C’est l’été : Polémia ralentit ses mises en ligne de nouveaux textes et rediffuse de plus anciens avec un mot d’ordre : « Un été sans tabou ». Voici donc des textes chocs aux antipodes du politiquement correct, des réflexions de fond sans concession et à la rubrique médiathèque, des romans et des essais à redécouvrir.
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