Il y a à peine plus de quarante ans (1973), Jean Raspail publiait ce livre alors « inexplicable » selon lui, qu’est Le Camp des Saints. Ouvrage régulièrement réédité depuis (la huitième édition date de 2011) qui imagine l’invasion de l’Occident par un million de miséreux venus en cargos s’échouer sur les côtes de la Méditerranée. Dans tels ou tels de ses détails le récit de Raspail peut rester de l’ordre de l’imaginaire. Dans son esprit et son ensemble telle est notre actualité. Actualité d’une extrême gravité. Française et européenne.
Il y a un peu plus d’un siècle (102 ans), Charles Maurras avait écrit sur l’hospitalité (L’Action française, 6 juillet 1912) le texte également très actuel que nous avons publié vendredi dernier 2 janvier. Les évènements que nous vivons en ce moment replacent le livre de Raspail et la réflexion de Maurras en pleine actualité. Leur simple évocation éclaire d’ailleurs cette actualité d’une lumière particulièrement saisissante. C’est pourquoi nous croyons utile de relire, ici, le texte de Maurras.
L’hospitalité
« Il s’agit de savoir si nous sommes chez nous en France ou si nous n’y sommes plus ; si notre sol nous appartient ou si nous allons perdre avec lui notre fer, notre houille et notre pain ; si, avec les champs et la mer, les canaux et les fleuves, nous allons aliéner les habitations de nos pères, depuis le monument où se glorifie la Cité jusqu’aux humbles maisons de nos particuliers. Devant un cas de cette taille, il est ridicule de demander si la France renoncera aux traditions hospitalières d’un grand peuple civilisé. Avant d’hospitaliser, il faut être. Avant de rendre hommage aux supériorités littéraires ou scientifiques étrangères, il faut avoir gardé la qualité de nation française. Or il est parfaitement clair que nous n’existerons bientôt plus si nous continuons d’aller de ce train. (…) Ce pays-ci n’est pas un terrain vague. Nous ne sommes pas des bohémiens nés par hasard au bord d’un chemin. Notre sol est approprié depuis vingt siècles par les races dont le sang coule dans nos veines. La génération qui se sacrifiera pour le préserver des barbares et de la barbarie aura vécu une bonne vie.
(…) La jeune France d’aujourd’hui est en réaction complète et profonde contre ce double mal. Elle rentre chez elle. Ses pénates intellectuels, ses pénates matériels seront reconquis. Il faut que l’ouvrier français, le savant, l’écrivain français soient privilégiés en France. Il faut que les importations intellectuelles et morales soient mises à leur rang et à leur mérite, non au-dessus de leur mérite et de leur rang. L’étiquette étrangère recommande un produit à la confiance publique : c’est à la défiance du pays que doit correspondre au contraire la vue de tout pavillon non français. Qu’une bonne marque étrangère triomphe par la suite de cette défiance, nous y consentons volontiers, n’ayant aucun intérêt à nous diminuer par l’ignorance ou le refus des avantages de dehors, mais l’intérêt primordial est de développer nos produits en soutenant nos producteurs. Le temps de la badauderie à la gauloise est fini. Nous redevenons des Français conscients d’une histoire incomparable, d’un territoire sans rival, d’un génie littéraire et scientifique dont les merveilles se confondent avec celles du genre humain. »
Sources : La Lettre de Lafautearousseau, 05/01/2015 et maurras.net