Les militants ne sont plus ce qu’ils étaient. Le score de Bruno Le Maire à l’UMP démontre que Nicolas Sarkozy n’est pas le sauveur incontesté ; celui de Marion Maréchal-Le Pen au FN, que sa tante souffre de la ligne Philippot.
Sarkozy a réussi l’essentiel, il a repris la main
Mais avec 64,5% des voix, sa victoire est loin d’être un triomphe, loin des 70% espérés. « Une autre histoire commencera pour lui le 29 novembre », disait son conseiller Pierre Giacometti pendant cette difficile campagne interne. On y est. A partir d’aujourd’hui, Nicolas Sarkozy, qui recevra dès lundi tous les ténors du parti, à commencer par Le Maire, Juppé et Fillon, a les mains libres pour mettre en œuvre le rassemblement qu’il veut incarner. Il ne doute pas d’y réussir, au vu du résultat. Son score n’est peut-être pas glorieux, mais il a le parti. Et il pense, dixit un proche, que le grand perdant de cette élection n’est autre que son rival Alain Juppé, qui serait bien plus menacé que lui par la percée de Bruno Le Maire.
Bruno Le Maire n’est pas arrivé à mettre Nicolas Sarkozy en ballottage. Il ne sera pas président de l’UMP cette année (*). Avec 29,18% des suffrages, il a pourtant gagné le droit de peser sur l’avenir. Dimanche matin, il a réuni une dizaine des personnalités politiques qui l’ont soutenu pour évoquer la suite. Dès lundi, il doit rencontrer Nicolas Sarkozy. « C’est un exceptionnel commencement. Les militants, comme les Français, ont démontré une envie de quelque chose de neuf. Il va continuer à tracer son sillon », analyse Franck Riester, député de Seine-et-Marne. Sarkozy n’a donc pas eu droit au triomphe annoncé. Cela pésera dans la suite de sa tentative de reconquête de l’Elysée par le changement de parti.
Marine Le Pen est également déçue et, dit-on, furieuse
Elle voulait un triomphe de la ligne réformatrice proche de certaines repentances de Philippot, le médiatiquement compatible et missi dominici de la dédiabolisation. Florian Philippot, le « gourou » de Marine Le Pen, comme le surnomment certains cadres du parti, et vice-président en charge de la stratégie et de la communication, arrive en quatrième position, malgré une omniprésence médiatique sur les chaînes d’info en continu. Pour M. Philippot, il est difficile d’interpréter sa 4e place autrement que comme une contre-performance au vu de son omniprésence médiatique et du poids qu’il a pris dans les instances du parti depuis son arrivée, il y a trois ans.
Cet ex-chevènementiste, gaulliste revendiqué, au discours dominé par l’économie, a parcouru les fédérations, mais il n’est pas la copie conforme de militants. Tant s’en faut.
C’est la ligne de l’autre génération, plus proche du père fondateur et de ses fidèles, qui a créé la surprise : « Ce résultat, c’est un peu la revanche du retraité. Jean-Marie Le Pen tient encore les clés de la boutique », se félicite une proche du président d’honneur du Front national. Au comité central, Marion Maréchal-Le Pen a devancé Louis Aliot, vice-président du parti et compagnon de Marine Le Pen, le maire d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) Steeve Briois, et le bras droit de Marine Le Pen, M. Philippot. Selon plusieurs sources, Mme Maréchal-Le Pen a recueilli 80% des votes internes, M. Aliot 76%, M. Briois 70% et M. Philippot 69%.
L’eurodéputé Bruno Gollnisch, concurrent malheureux de Marine Le Pen à la succession de Jean-Marie Le Pen en janvier 2011, au précédent congrès à Tours, obtient 65% et la cinquième place, le tout avec une participation de 50%. Marion Maréchal-Le Pen, c’est la « petite jeune » qui monte au Front national. A 24 ans elle est la nouvelle pépite du parti : « C’est une jeune femme courageuse et populaire qui s’affirme en tant que députée. Son ascension est légitime », explique l’eurodéputé Bruno Gollnisch. Pourtant, cette fulgurante ascension ne lui permettra curieusement pas d’accéder à la tribune lors du congrès du parti, ce week-end à Lyon.
Initialement prévu, son nom a été effacé des tablettes. Pourquoi ? « Demandez à la vice-présidence!», lâche au Monde l’intéressée. La réponse, cinglante, alimente la thèse d’une rivalité avec l’autre étoile montante du parti, Florian Philippot. « La caméra aime Marion, elle passe bien, elle a développé un talent particulier pour ce genre d’exercice. Certains s’agacent sûrement de la voir dans de grosses émissions », lâche son conseiller Arnaud Stéphan, qui dément cependant toute intimité avec Florian Philippot. « Il n’y a qu’une seule ligne, celle de Marine Le Pen », martèlent en chœur les membres du parti.
Pourtant, de l’héritage gaulliste à la Manif pour tous, des dissonances se font entendre entre la députée et l’ancien chevènementiste : « Parler de courants serait aller trop loin. Il y a des tendances différentes qui se dessinent et qui pourraient se structurer après le congrès », explique Sylvain Crépon, chercheur en sciences politiques à l’Université de Tours. « Florian Philippot, voire Marine Le Pen, incarnent les nationaux-républicains », précise le spécialiste de l’extrême droite. Leur discours antilibéral et souverainiste est lié à leur implantation électorale : « l’Est et le Nord de la France, qui comportent un électorat ouvrier, populaire, attaché à ses origines sociales », ajoute-t-il. La tendance Marion Maréchal-Le Pen est plus libérale-conservatrice : « Elle fait écho à son implantation sur des terres du Sud, plutôt de droite, comprenant des petits entrepreneurs, très soucieux des questions sociétales et identitaires, opposés à l’islam et à l’immigration ».
Le « Top 10 » donne une belle place aux nouveaux arrivants, puisque Marion Maréchal-Le Pen, Florian Philippot et Nicolas Bay n’étaient pas candidats à la précédente élection, mais il reflète aussi une certaine permanence au sein du parti: plusieurs « historiques », tels Bruno Gollnisch, Wallerand de St-Just, Stéphane Ravier ou Marie-Christine Arnautu y apparaissent bien placés.
Le Front national a d’autre part réuni, lors de son congrès à Lyon, cent sept alliés européens dont Andreï Issaïev, responsable du parti pro-Kremlin Russie Unie, qui ont dénoncé la politique de l’Union européenne à l’égard de la Russie. M. Issaïev a salué, en russe, l’amitié multiséculaire de la France et de son pays, vanté les valeurs traditionnelles et dénoncé les sanctions « qui ne sont avantageuses ni pour nous, ni pour vous » dont Moscou fait l’objet.
Heinz-Christian Strache, président du FPÖ autrichien, s’est inquiété des menaces auxquelles est actuellement confronté notre continent millénaire : « En 725, les armées arabes ont pillé Lyon dans leur avancée et aujourd’hui certains se déchaînent en Syrie ». Etaient également présents Matteo Salvini, président de la Ligue du Nord, Kasimir Karakachanov du VMRO, formation ultranationaliste bulgare, Philip Claeys, vice-président du Vlaams Belang de la Flandre en Belgique et Jiri Janecek du parti tchèque Ok Strana.
Une telle droitisation européenne ne gêne ni Marine et encore moins Marion mais Philippot, lui, qu’en pense-t-il ? Il y a déjà deux UMP, il pourrait bien rapidement y avoir deux FN.
Raoul Fougax
Source : Metamag
30/11/2014