Accueil | Politique | Brasillach, 80 ans après : Comme le temps passe… mais pas la haine

Brasillach, 80 ans après : Comme le temps passe… mais pas la haine

Brasillach, 80 ans après : Comme le temps passe… mais pas la haine

par | 4 mars 2025 | Politique

Brasillach, 80 ans après : Comme le temps passe… mais pas la haine

« Le respect des morts est ce qui distingue la civilisation de la barbarie », avait proclamé Bruno Retailleau après l’odieuse profanation dans la nuit du 30 au 31 janvier dernier au cimetière de La Trinité-sur-Mer du caveau familial des Le Pen — qui abrite non seulement Jean-Marie, décédé le 7 janvier, mais aussi sa mère Anne-Marie et son père Jean, patron-pêcheur mort dans l’explosion de son chalutier causée par une mine allemande. Au cours du raid, la sépulture de granit est fracassée à coups de masse et abattue la croix celtique qui la dominait.

Événement Polémia : XVIe cérémonie des Bobards d'Or, le lundi 10 mars 2025 à Paris. Billetterie en ligne

Bobards d'Or 2025

« Un traître » et « un écrivaillon » ?

La barbarie a frappé derechef dans la nuit du 7 au 8 février, dans le cimetière parisien de Charonne mais, cette fois, le ministre de l’Intérieur s’est abstenu de tout commentaire. Pensait-il en avoir déjà fait assez pour vamper les nationaux toujours attachés à la figure du Menhir ? Craignait-il de se compromettre avec non plus l’« extrême droite », mais le fascisme ? La tombe taguée de noir était en effet celle de Robert Brasillach auquel, le 9 novembre, même Libération avait reconnu « du talent » mais que, simultanément, le plumitif Jean-Paul Enthoven qualifiait dans Le Point de « traître » et d’« écrivaillon ».

Deux imputations également absurdes.

D’abord, c’est justement en raison de la germanophilie selon lui excessive de Je suis partout que l’écrivain, qui assurait alors la rédaction en chef, s’en était éloigné en 1943 à son retour de Pologne où il avait découvert les fosses communes de Katyn réservées aux milliers d’officiers polonais abattu par le NKVD sur l’ordre de Staline, mais aussi les misérables ghettos juifs; de plus, lors de son procès le 16 janvier 1945 pour « intelligence avec l’ennemi », l’accusation fut bien incapable d’établir la matérialité des faits, même si elle obtint la condamnation à mort après six heures à peine d’audience, dont vingt minutes seulement de délibération car les jeux étaient faits — la plupart des jurés choisis étaient des militants communistes, comme on le sut plus tard.

Ensuite, Enthoven semble ignorer que la plupart des œuvres du fusillé du 6 février 1945 ont été réédités depuis son exécution, aussi bien par Plon, son éditeur historique, qu’en volumes reliés par le Club de l’honnête homme (de 1963 à 1966), chez Pardès et surtout dans le très populaire Livre de poche où ils connurent tous plusieurs tirages. En ces années bénies où, la lecture était encore un sport national, même pour « ceux d’en-bas » — car les ouvriers détenteurs d’un certificat d’études primaires étaient infiniment plus cultivés que ne le sont nos actuels bacheliers —, quel Français, fût-il de gauche, ne possédait pas Les Sept Couleurs ou du moins L’Histoire du cinéma ?

Le « livre de chevet » de François Mitterrand

Depuis 2023, la très dynamique Association des Amis de Robert Brasillach (1) s’est attelée à la réédition de ses ouvrages, sous l’égide justement des éditions des Sept Couleurs. D’abord son Histoire de la guerre d’Espagne (2) coécrite à chaud, dès l’été 1939, avec son beau-frère Maurice Bardèche, puis le trésor ignoré de ses Lettres à une provinciale, et enfin son merveilleux Corneille. Tous accompagnées de longues préfaces, d’un très précieux appareil critique et d’une époustouflante iconographie réunie par David Gattegno. Pour le 80ème anniversaire de la mort de Brasillach, a été choisi ce qui, du propre aveu de l’ancien président, était « le livre de chevet » de François Mitterrand : Comme le temps passe… Cette fois enrichi d’une chaleureuse et surtout très pénétrante préface de sa biographe Anne Brassié (Encore un instant de bonheur… Ed. Robert Laffont 1987), d’une postface de Cécile Degas, spécialiste de l’auteur, et de six illustrations originales, dissemblables mais également évocatrices, correspondant aux six chapitres du livre (3).

L’ayant lu adolescente, j’avais gardé le souvenir d’un beau roman d’amour. Erreur. Brasillach pouvait bien s’émerveiller sur la jeunesse, elle peut être très sotte, et c’était mon cas puisque je n’avais pas mesuré la richesse psychologique du livre, la profondeur historique et politique du propos.

Un roman de l’amour de la vie

Il y a beaucoup d’amour, certes, dans Comme le temps passe… Mais pas seulement entre Florence et René, deux cousins pareillement orphelins qui s’éveillent à la vie dans un « paradis terrestre » des Baléares, s’éloignent, se retrouvent, se marient, enfantent et se perdent à nouveau avant de se retrouver, sans doute pour la vie, quatorze ans plus tard. Mais il y a surtout l’amour de la vie, de la lumière majorquine ou flamande, de Paris et surtout de la littérature. De Virgile à Céline en passant par Théophile Gautier et Maurice Barrès, auxquels Brasillach ne cesse de lancer des clins d’œil y compris dans ses titres (« La nuit de Tolède », « Le grand voyage »…). L’amour enfin, très empathique, qu’il porte à tous ses nombreux personnages — parfois comiques, parfois pathétiques comme l’enfant Pablo de Tolède ou la vieille fille moche qui veut absolument épouser un aveugle de guerre, lequel ne verra pas sa laideur et deviendra au contraire jaloux comme un tigre, mais jamais caricaturaux — et, bien sûr, à ses héros : Florence se révélera femme forte, René servant souvent de révélateur à ses compagnons de galère puis de guerre. Amour, enfin, du cinéma.

C’est ainsi à la découverte des premiers pas du cinéma muet, si tâtonnant si artisanal, que nous entraînent jusqu’en Hollande René et son mentor, l’extraordinaire M. Matricante, entourés d’une troupe de comédiens qui pourraient être ceux du Capitaine Fracasse se lançant trois siècles plus tôt à l’assaut des théâtres parisiens.  Qu’est-ce donc qui a poussé Brasillach, né en 1909, à ressusciter ce monde disparu dans un livre paru en 1937 ? L’attrait du pittoresque, sans doute, mais aussi le désir de rendre hommage aux pionniers d’un art qui lui était cher. Rien d’étonnant, donc, si ses personnages secondaires sont extraordinairement vivants. Sa grande ambition n’était-elle pas de tourner une adaptation du Falstaff de Shakespeare, incarné par Raimu ?

La hantise de la guerre à venir

En revanche, on comprend parfaitement son désir de faire participer son héros à la guerre de 14-18 ce « grand voyage », référence au tonitruant Voyage au bout de la nuit publié par Céline en 1932. D’une part, il y avait perdu son père Arthémile, lieutenant de la Coloniale fauché dès le début du conflit, et il remplit ainsi un devoir filial. Ensuite parce qu’il est convaincu que la « der des der » des Poilus et des tranchées, dont il dépeint si exactement l’horreur, mais aussi la fraternité qui y régnait, ne sera hélas pas la dernière. C’est lui qui parle quand, deux ans avant août 1914, le lieutenant Michel assure à son ami René : « Il n’y a pas beaucoup de pays à qui nous devons faire la guerre, et pendant longtemps encore, la guerre tout court, cela voudra dire la guerre contre l’Allemagne. » Cette nouvelle guerre qu’il redoute tant, Brasillach s’efforcera désespérément de l’empêcher par la plume, et notamment avec ce livre, mais en vain. Fait prisonnier en mai 1940 comme des millions d’autres, il passera plus d’un an dans un Oflag.

A plusieurs reprises, notre auteur revient sur ces deux pulsions essentielles de l’homme : « l’appétit de vivre » et « l’appétit de mourir ». A la toute fin du livre, il dit que René et de Florence lui ont appris « cette forme la plus belle du courage qu’est la lucidité », et conclut : « Je ne cherche pas plus que René et Florence à savoir qui je suis, il me suffit de tendre mon propre miroir à ce pourront m’apporter les années, de le tendre aux figures plus grandes que moi, et au visage immense du Temps. L’important est de ne faire qu’un avec sa propre course… »

Il lui restait huit années à vivre, au terme d’une course qui devait le mener face à un peloton d’exécution au fort de Montrouge, après s’être volontairement constitué prisonnier dans l’espoir de faire élargir le plus vite possible sa mère et son quasi-frère Maurice Bardèche, arrêtés à la Libération. Il avait trente-cinq ans mais déjà une œuvre très riche derrière lui, de l’essai à la tragédie (La Reine de Césarée) en passant par chroniques, poésie et romans. Comme si cet amoureux fou de la vie s’était toujours douté qu’il mourrait aussi jeune qu’André Chénier, autre martyr « au col dégrafé ».

Camille Galic
03/03/2025

Notes

(1) robert-brasillach.fr. Mail : arbfrance@orange.fr
(2) Une « Histoire de la guerre d’Espagne »… pour mieux comprendre la guerre d’Ukraine
(3) Comme le temps passe…, éditions des Sept Couleurs. 320 pages, 26 € ou 34 € port compris. À commander par Paypal sur le site de l’éditeur, ou à l’ARB, Boite postale 19, F-60240 Chaumont-en-Vexin. Chèques à l’ordre de M. Delcroix.

Camille Galic

Cet article vous a plu ?

Je fais un don

Je fais un donSoutenez Polémia, faites un don ! Chaque don vous ouvre le droit à une déduction fiscale de 66% du montant de votre don, profitez-en ! Pour les dons par chèque ou par virement, cliquez ici.

Voir aussi

Arrow