Lundi 12 mars dernier, Jean-Yves Le Gallou n’a pas manqué de conclure la cérémonie des Bobards d’Or 2018 en apostrophant les journalistes afin de leur offrir quinze conseils. L’objectif : tenter de les ramener sur le droit chemin.
Chers Amis journalistes,
Je sais que vous souffrez. Votre profession est souvent déconsidérée. Vous déplorez ce que vous appelez le « désamour envers les médias ». Sans parler de ceux qui pratiquent l’amour vache en vous affublant du sobriquet de « journaleux », de « journalope » voire de « journapute ». Et ce n’est rien à côté de Mélenchon pour qui « la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine ».
Un peu inquiétant pour vous tout de même que, de Marine Le Pen à Mélenchon en passant désormais par Wauquiez, trois grandes formations politiques vous critiquent. Le parti des médias, le PDM, apparaît désormais comme le parti de Macron. Mais celui-ci vous méprise : il traite avec vos patrons, les oligarques milliardaires, pas avec les traine-savates des salles de rédaction.
C’est tout à fait regrettable. Il vous faut redresser l’image de votre profession. C’est dans cet esprit positif et progressiste que je me permets de vous adresser ces quelques conseils :
- Pour commencer, faites un petit exercice d’introspection. Posez-vous la question : quel est mon métier ? Informateur ou propagandiste ? Suis-je indépendant de mon patron ? Des gens qui me fournissent des ménages, ces contributions qui me rapportent beaucoup pour peu de travail ? Des apporteurs de publicité qui font vivre mon média ? Des groupes de pression qui font ou défont les carrières et les réputations ? Suis-je un contre-pouvoir ou un instrument du pouvoir ? Que fais-je pour étendre mes marges de liberté ?
- Gardez en toute chose l’esprit critique ! Ne prenez pas pour argent comptant la vulgate mondialiste, immigrationniste et progressiste de votre profession. Ni la com des gouvernements et des entreprises, encore moins celle des associations prétendument humanitaires qui ne sont souvent que les faux nez d’intérêts particuliers et de puissances étrangères.
- Dites-vous que dans une guerre ou un conflit il n’y a pas d’un côté les gentils et les méchants : les gentils ukrainiens et les méchants russes, l’odieux gouvernement syrien et les doux « rebelles modérés », les vilains bouddhistes birmans et les délicats musulmans rohingyas. Essayez plutôt de comprendre les points de vue opposés, allez sur place, rencontrez les différents protagonistes. Et rendez compte de la complexité des faits.
- Méfiez-vous des bobards de guerre que vous adorez pourtant relayer : ah les charniers de Timisoara, ah cette méchante soldatesque irakienne débranchant les couveuses de Koweït City, et ces Serbes cruels persécutant ces paisibles Albanais du Kossovo-Métochie, et que dire des terribles armes de destruction massive de Saddam Hussein.
- Essayez de tirer la leçon des expériences mensongères précédentes : pas sûr que le gouvernement syrien n’ait jamais utilisé des armes chimiques, pas certain que tout ce qu’on nous raconte aujourd’hui sur l’Iran soit exact. Et même sur la Corée du nord : sa délégation aux jeux olympique a été conduite par une chanteuse dont les médias français et occidentaux nous avaient dit en 2013 qu’elle avait été… fusillée !
- Gardez-vous des emballements médiatiques. Vérifiez les faits et les informations avant de les relayer. Surtout si leur orientation est politiquement correcte. Chaque année nous dénonçons un « bobard total » celui que toute le presse a repris : 10 ans de bobards pour le meurtre de Jean-Claude Irvoas en 2005, meurtre, camouflé dans un premier temps, attribué dans un deuxième temps à des Européens (sic) ; bobard par délation générale d’un innocent lors de la fausse affaire de « l’ophtalmo raciste » ; bobard total aussi lorsque le terroriste de Toulouse fut présenté comme « Européen aux yeux bleus » alors qu’il s’agissait de Mohamed Mérah. Les médias sont encore en état de récidive mensongère en 2013 lorsqu’ils évoquent d’extrême droite à propos du tireur de BFMTV et Libération : en fait un « antifa » du nom d’Abdelhakim Dekhar. Chapeau les Sherlock Holmes ! Bobard non moins total pour Théodore Lusaka, Théo, ce Congolais prétendument victime d’un viol policier ; une accusation relayée par toute la presse mais parfaitement mensongère comme l’a très vite établi un rapport de l’IGPN fondé sur l’analyse des images de la vidéo surveillance.
- Quand vous vous trompez, assumez ! Ne changez pas de manière orwellienne votre texte pour cacher votre bobard. Ayez le courage de reconnaitre votre erreur, de vous excuser, de faire paraitre un erratum. Et de manière visible. Cela vous ne le faites jamais. Pourquoi un tel silence sinon pour pouvoir continuer à bobarder ?
- Évitez de hurler avec les loups, ne recourez pas à l’insulte, faites preuve de curiosité, voire d’empathie, pour tous, y compris pour ceux que le système « diabolise ». N’oubliez pas qu’eux aussi ont droit à la présomption d’innocence et à une information équitable. Accordez la même surface à un démenti qu’à une information fausse, à une relaxe qu’à des poursuites judiciaires.
- Respectez un principe de proportionnalité entre le fait générateur d’une information et sa couverture médiatique. Évitez de parler davantage d’une contre-manifestation que de la manifestation qui l’a suscitée. Ne placez pas sur le même plan un happening mobilisant 5 Femen et une manifestation rassemblant des dizaines de milliers de personnes.
- Respectez les règles de l’arithmétique et de la dynamique des fluides. N’abusez pas du bobard calculette. La même salle ne peut contenir 1000 personnes quand elle réunit des gens mal pensants et 10 000 lorsque ce sont vos amis ou vos bailleurs qui l’occupent. La même place, le même boulevard, la même avenue ne change pas de surface selon que la Gay pride ou la LMPT l’occupe.
- Évitez le deux poids, deux mesures. Je vous donne juste un exemple. Le Média de Mélenchon a eu droit à 1000 ou 10 000 fois plus de bruit médiatique que TV Libertés. Mais le rapport d’audience – selon les statistiques publiques de YouTube — est de un à 5, voire de 1 à 10 entre les deux et qui plus est au bénéfice de TV Libertés ! Cette énorme disproportion, cette différence de traitement vous l’expliquez comment ? Oui, sérieusement, comment ? Ma question ne vaut pas que pour Libé ou Le Monde, elle vaut aussi pour Le Figaro. Quel sens donnez-vous au mot « information ».
- Méfiez-vous de l’AFP. Je sais, vous apprenez dans les écoles de journalisme à prendre pour parole d’évangile les dépêches de l’AFP. Vous avez tort, l’AFP est une usine à bobards. Prix du jury 2018. Déjà titulaire du bobard d’or 2015. Quand nous avons voulu remettre le trophée à ses dirigeants nous nous sommes heurtés à un cordon de CRS : la préfecture de police avait dépêché ses troupes pour protéger la police de la pensée ! L’AFP est une officine d’information vicieuse. Méfiez-vous des titres, ils ne sont pas toujours conformes au contenu de l’article. Méfiez-vous des amalgames. Méfiez-vous des associations d’idées. Méfiez-vous du tempo des dépêches : leur enchaînement sert, selon les cas, à valoriser ou dénigrer un point de vue ou un événement.
- Méditez la parabole de la paille et de la poutre : la mode est au « fact checking », au contrôle des faits. Mais plutôt que de critiquer les hommes politiques ou les médias alternatifs qui ne vous plaisent pas, vous feriez mieux de balayer devant votre porte : d’éviter de pipeauter et de reconnaitre vos erreurs. C’est d’abord l’information de vos médias, amis journalistes, qui a besoin d’un contrôle qualité/véracité. Acceptez la concurrence des médias alternatifs. Ne cherchez pas à imposer le monopole des médias officiels.
- Tout cela bien sûr est difficile. Soyez courageux. Travaillez pour vérifier vos informations et celles de l’AFP. Travaillez pour recueillir des points de vue différents. Et pour éclairer — et non ahurir — ceux qui vous suivent.
- Oui, tout cela est difficile. Car plus vous travaillerez, plus vous découvrirez ce que les puissants cherchent à cacher. Il vous faudra vous battre pour imposer les sujets difficiles au lieu de vous abriter derrière cette formule facile que j’ai souvent entendue : « Comprenez-moi, j’ai des enfants à nourrir ». N’ayez pas peur.
Jean-Yves Le Gallou
Source : bobards-dor.fr
Crédit photo : Bobards d’Or
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