Jean Bonnevey, essayiste.
♦ En Algérie, pas d’état d’âmes pour ostraciser les binationaux.
Pour réformer la constitution, le président algérien a moins de problèmes que le président français. Ce qui ne veut pas dire que sa réforme de la binationalité soit facile dans nos anciens départements d’Afrique du Nord.
En Algérie, l’article 51 adopté le 11 janvier en Conseil des ministres prévoit que « la nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’État et aux fonctions politiques ». La diaspora algérienne ne décolère pas. Elle ne trouve pas sa place dans le projet de révision de la Constitution. Cela en est trop pour Chafia Mentalecheta, députée de la communauté nationale établie à l’étranger. Établissant un lien avec le débat sur la déchéance de nationalité en France, elle s’insurge sur «l’acharnement contre les binationaux».
«L’amitié entre la France et l’Algérie n’aura jamais été aussi profonde tant les deux pays, pour des raisons différentes, comptent bien faire de leur société commune – les binationaux – des indignes de la citoyenneté de part et d’autre de la Méditerranée. Terroristes potentiels pour l’un et subversifs républicains pour l’autre, antidémocrates pour l’un et trop démocrates pour l’autre, immigrés pour l’un et émigrés pour l’autre, nationalité à dégrader pour l’un et nationalité à dénaturer pour l’autre, enfin cinquième colonne pour l’un et aussi cinquième colonne pour l’autre», écrit-elle dans un post sur les réseaux sociaux, largement repris par la presse algérienne.
Et c’est ce moment que choisit Alain Juppé, toujours bien inspiré, pour se rendre à Alger et tenir un discours sur ce thème. Son premier meeting électoral à l’étranger a été, en Algérie, devant des binationaux et des expatriés. Pour lui la binationalité est un atout, une passerelle.
Ce n’est plus l’avis du très arabisant pouvoir algérien issu tout de même d’une lutte armée et terroriste menée par des Français qui n’étaient pas binationaux… mais des Français à part entière comme disait l’autre.
Le chef de cabinet de la présidence, Ahmed Ouyahia, a expliqué que si des binationaux étaient intéressés par la politique en Algérie, ils n’avaient qu’à abandonner leur deuxième nationalité. L’auto déchéance de nationalité, en voilà une piste qu’elle est bonne ! Mais même ceux qui haïssent la France renonceraient-ils, au nom de leurs convictions, aux avantages que donne cette nationalité. Ce n’est pas l’avis des observateurs algériens eux-mêmes. « Le passeport rouge et la double nationalité sont un sésame international, une garantie de laissez-passer et une protection, au cas où… ». « Ceux qui demandent de réintégrer la nationalité française, à cause d’un aïeul sont nombreux. Ceux qui font la démarche contraire (réintégrer la nationalité algérienne) sont rares».
En France la binationalité est dans le collimateur pour terrorisme. En Algérie, on se prive au niveau politique de sur-diplômés et de compétences.
Dis-moi de quoi tu as peur, je te dirai qui tu es !
Jean Bonnevey
3/02/2016
Source : metamag.fr
Correspondance Polémia – 5/02/2016
Image : passeports binationaux