Le 8 août dernier, les Britanniques ont célébré en la cathédrale d’Amiens le « centenaire des combats qui, en terres picardes, précipitèrent la fin du premier conflit mondial » selon l’article du Figaro du 8 juillet et plus particulièrement ce qu’ils appellent la bataille d’Amiens. La véritable raison de cette célébration est politique : rappeler en cette époque de Brexit à un président français déstabilisé internationalement par le scandale de sa relation fusionnelle avec une petite frappe maghrébine dont il s’est amouraché, l’importance de la contribution de la Grande-Bretagne à la civilisation et à l’histoire de l’Europe et de la France. Mais la bataille d’Amiens n’est qu’une bataille parmi d’autres et ce qu’il aurait fallu célébrer c’est la grande victoire française de la Marne, ce que Macron s’est bien gardé de faire d’une manière indécente.
Le 8 août dernier, les Britanniques en la personne du prince William, accompagné de Theresa May, ont célébré en la cathédrale d’Amiens le « centenaire des combats qui, en terres picardes, précipitèrent la fin du premier conflit mondial » selon l’article du Figaro du 8 août et plus particulièrement ce qu’ils appellent la bataille d’Amiens.
Aussi bien dans la tonalité de l’article du quotidien que dans l’entretien avec Jean-Louis Bourlanges que le Figaro a relaté deux jours après, on semble regretter qu’Emmanuel Macron et Édouard Philippe ne se soient pas déplacés et aient délégué des seconds couteaux.
Pourquoi les Britanniques célèbrent-ils en particulier cette victoire et doit-on en vouloir au chef de l’État de ne pas avoir assisté à cette cérémonie ?
Les Britanniques sont intervenus dans la guerre pour défendre leurs intérêts
Jean-Louis Bourlanges martèle à trois reprises au cours de son entretien que les soldats britanniques ont consenti des sacrifices immenses pour la défense de notre sol et de notre territoire au cours de la première guerre mondiale. Il ajoute que les Britanniques« ont toujours eu le sentiment d’en avoir fait beaucoup pour les autres dans cette affaire ».
Cette présentation onirique apparait complètement décalée de la réalité historique.
Tout en se montrant prudent quant aux conclusions du livre récent que cite à juste titre Camille Galic dans son article pour Polémia Les Origines secrètes de la première guerre mondiale, écrit par deux historiens britanniques, il parait au moins possible de retenir que la Grande-Bretagne souhaitait contrecarrer par tous les moyens l’expansion industrielle, commerciale, militaire et surtout maritime de l’Allemagne qu’elle considérait comme menaçante. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle avait consenti à nouer des liens d’assistance mutuelle avec la France et même avec la Russie.
D’autre part elle ne pouvait tolérer, et c’était un point fort de sa diplomatie pour des raisons logiques de sécurité, que la neutralité de la Belgique fut violée comme l’Allemagne le fit.
C’est donc bien dans son intérêt propre que la Grande Bretagne est intervenue dans la guerre en 1914 avec, rappelons-le, 5 divisions, quand la France en mobilisait une centaine.
Que l’Angleterre entre en guerre pour défendre les faibles et les opprimés et par pure générosité ça se saurait. Les propos de Jean-Louis Bourlanges qui prend les lecteurs pour des imbéciles relèvent de l’aplatventrisme devant Albion propre à une partie de la classe politique française et qui fit tant de dégâts dans les années 30.
La bataille d’Amiens : une victoire anglo-française
Le 8 août 1918, en exécution de la directive du 24 juillet du Maréchal Foch, la 4ème armée britannique Rawlinson et la 1ère armée française Debeney attaquèrent entre Albert et Montdidier avec le soutien déterminant des chars d’assaut en majorité du côté anglais,et de la division aérienne française. Contrairement à ce qu’affirme le Figaro du 8 août, la bataille d’Amiens n’est pas « plutôt un moment anglo-saxon » mais anglo-français.
Ce fut une indiscutable victoire alliée, mais limitée au strict plan tactique : 10 à 12 km de profondeur. Il n’y eut pas d’exploitation, le front allemand n’a pas réellement craqué et à partir du 11 août les armées ont piétiné devant Roye.
Les raisons de cette célébration semblent avant tout politiques
Comme l’écrit le Figaro la première raison de cette célébration semble être politique : « Dans l’âpre contexte du Brexit et de l’impasse actuelle entre Bruxelles et le Royaume-Uni pour trouver un accord de sortie, la cérémonie d’Amiens permettait également à Londres, en rappelant le prix du sang payé il a un siècle, de faire valoir son attachement au Vieux Continent – à son histoire, à ses valeurs, à son avenir ».
Les raisons historiques de la célébration anglaise de ce succès anglo-français sont discutables.
Si les Britanniques tiennent à célébrer particulièrement ce succès c’est, semble-t-il, essentiellement pour deux motifs.
Les mécomptes anglais de 1918
Le succès en Picardie vient après le carnage improductif de la bataille de Passchendaele au cours du second semestre 1917 et les échecs de l’armée britannique de 1918.
Le 21 mars 1918, renforcées par les troupes du front de Russie libérées par la défection russe, trois armées allemandes attaquèrent dans le secteur d’Arras – La Fère tenu par deux armées anglaises. La 5ème armée du général Gough fut complètement submergée et recula en désordre. Le front ne fut sauvé que par la quarantaine de divisions que finit par envoyer le général Pétain en renfort, ce qui permit de rétablir la situation. C’était ça ou un Dunkerque avant la lettre. C’est à la suite de cette grave crise que l’unité du commandement fut réalisée sous l’autorité du général Foch.
Il en alla de même en avril 1918 sur la Lys, dans les Flandres, lorsque deux armées allemandes enfoncèrent la 1ère et la 2èm armées anglaises et que Foch, devant l’inquiétude du commandement anglais démoralisé, envoya en renfort des divisions françaises et belges.
Soulignons que ce soutien conduisait à affaiblir dangereusement le front purement français. Je ne sache pas que les Anglais aient célébré des actions de grâce pour ce secours ni même que l’idée leur en soit venu.
La bataille d’Amiens : premier coup de boutoir d’envergure des Alliés en 1918
Indiscutablement la bataille d’Amiens fut au plan stratégique,le premier des coups de boutoirs du généralissime Foch. Enfin, et c’est la deuxième raison, l’armée anglaise remise sur pied, prenait l’initiative et participait à un réel succès.
En revanche cette bataille victorieuse ne fut pas « le premier signe de l’ascendant des Alliés sur les Allemands » comme l’affirme le Figaro. Ce premier signe fut la grande victoire française de la Marne
Juillet 1918 : la grande victoire française sur la Marne
Après un mois d’offensives allemandes en mai et juin 1018, quatre armées françaises regroupant une soixantaine de divisions dont deux anglaises, six américaines et deux italiennes (Dominique Lormier) arrêtèrent net la dernière offensive allemande en juillet et passèrent à la contre-offensive.
Cette grande victoire effaça les gains de terrains des offensives allemandes des deux mois précédents Pour les Allemands, c’était le constat de l’impossibilité de gagner la guerre, la démoralisation du haut commandement et surtout des troupes. Le 8 août, « jour de deuil de l’armée allemande » (Ludendorff) certaines unités refusèrent de monter en ligne.
L’armée allemande perdit l’initiative des opérations.Ce fut le véritable tournant de la guerre sur le front occidental.
Célébrer la bataille de la Marne
Qu’il existe des raisons politiques pour que Macron soit absent à la cérémonie d’Amiens semble admissible. Dans les circonstances politiques actuelles, astreindre un président français qui, il est vrai s’est mis tout seul en difficulté du fait de sa relation fusionnelle avec une petite frappe maghrébine dont il s’est amouraché, à rendre un hommage solennel et religieux à la contribution anglo-saxonne de la première guerre mondiale, peut être interprété comme une instrumentalisation diplomatique d’influence et d’intimidation morale. Il est important de ne pas s’y plier surtout pour une bataille relativement peu connue chez nous et qui fut au fond un affrontement moins important que de nombreux autres. Ce n’est pas aux Anglais de nous imposer leurs célébrations calculées.
C’est la seconde bataille de la Marne, gloire de l’armée française au faite de sa puissance et du soldat français, gréviste en 1917, au mental de vainqueur en 1918, qu’il aurait fallu célébrer et exalter. Force est de constater que peu de choses ont été faites au cours de ce printemps pour son centenaire. C’est à ce titre que l’on peut parler des poilus sacrifiés et de l’indifférence indécente de Macron dont le tropisme n’est pas celui de l’histoire militaire française, et de la classe dirigeante qui l’entoure, à l’égard du grand combat des Français pour leur patrie et leur liberté.
Conclusion. Il semble prévu qu’en novembre prochain le centenaire de l’armistice du 11 novembre 1918 fasse l’objet de cérémonies et de célébrations. On pourrait espérer que ce sera là l’occasion de rappeler notre Histoire de la première guerre mondiale.
Malheureusement, cet anniversaire donnera très probablement lieu aux balançoires habituelles sur les poilus victimisés et envoyés à la boucherie grâce au pinard, les fusillés pour l’exemple, la paix entre les nations, la lèpre du nationalisme, l’amitié franco-allemande, l’entente cordiale, le désarmement etc, etc, etc…
N’avons-nous pas l’habitude depuis Chirac qui, en 2005, n’avait pas célébré Austerlitz mais avait envoyé un bateau français au centenaire de Trafalgar ?
André Posokhow
14/08/2018
Crédit photo : Des soldats français du général Gouraud avec leurs mitrailleuses positionnés dans les ruines d’une église près de la Marne, repoussant l’assaut des allemands, 1918. Via Wikimedia Commons
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