Un grand expert et politique de la droite française nous livre son analyse poignante de la vraie optique des événements ukrainiens.
Voix de la Russie. Monsieur Aymeric Chauprade, vous êtes rédacteur en chef du site www.realpolitik.tv, une plateforme d’expression de nombreux contributeurs. Politique actif au sein du Front national, vous avez également travaillé à l’École de Guerre et à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Dans votre dernier article consacré à l’Ukraine, vous avez écrit : « Les pyromanes de salon qui ont joué avec le feu en poussant une partie de l’Ukraine contre une autre, sans se préoccuper des conséquences humaines, pourront bien dénoncer l’arrivée des pompiers russes. Ils porteront cependant, devant l’Histoire, une responsabilité écrasante quant à l’affaiblissement général de la souveraineté étatique ukrainienne. » Pourriez-vous expliciter ?
Aymeric Chauprade. « Écoutez, je crois que la Russie a été confrontée à une réalité qui est la suivante : c’est qu’à Kiev il n’y a plus de gouvernement légal. Les personnes qui sont censées représenter la souveraineté ukrainienne sont arrivées par un coup de force. Un président qui a été légalement élu, Ianoukovitch, que l’on pouvait apprécier ou non et qui était le président légal de l’Ukraine et il l’est toujours ! – donc ces personnes ont agi sous la pression des milices radicales qui ont annulé la démocratie et qui ont balayé les droits linguistiques des russophones. C’est toujours eux qui essaient d’arracher les églises orthodoxes de Kiev au Patriarcat de Moscou… Moscou, bien évidemment, ne pouvait rester les bras croisés face aux menaces qui pèsent sur la population russophone et russe d’Ukraine et sur la population russe de Crimée également. Il y a des accords qui protègent l’Autonomie de la Crimée et qui protègent les droits de la population russophone. Tout cela a été manifestement balayé et, par conséquent, Moscou a été obligé d’en tirer des conclusions. Le sens de la réaction de Moscou est une réaction tout à fait mesurée, car il ne s’agit pas d’une intervention militaire au sens d’une invasion, mais d’une volonté d’interposition pour sécuriser les populations et éviter d’abord des conflits qui sont souvent graves pour les populations civiles quand elles commencent à s’armer. Il faut donc s’interposer pour maintenir la paix civile et la concorde en Crimée et en Ukraine de l’Est. C’est une opération que je traiterais comme une réponse à une urgence humanitaire. C’est important de le dire ! On se souvient que la France est intervenue au Mali et c’était une intervention militaire qui visait aussi à stabiliser la situation et éviter un bain de sang général. Je crois qu’on est dans la même logique. À partir du moment où la Russie est un acteur local, régional extrêmement important, elle a un devoir historique et politique d’assurer la paix et la sécurité à sa périphérie et, en particulier, quand il s’agit de la population russe. »
Source : La Voix de la Russie, 02/03/2014