Par Michel Geoffroy, auteur de : Le Crépuscule des Lumières, Immigration de masse. L’assimilation impossible, La Super-classe mondiale contre les peuples et La Nouvelle guerre des mondes ♦ Dans la suite de son essai Demain la dictature paru en 2018, l’essayiste Philippe Bornet publie Aujourd’hui la tyrannie [1]. Une réflexion d’actualité à l’heure de la macronie triomphante !
La dialectique de l’auctoritas et de la potestas
Qu’est-ce qui distingue en effet la dictature de la tyrannie ? L’autorité (auctoritas en latin).
La « dictature est une restauration de l’autorité, la tyrannie en est la disparition totale »[2], écrit Philippe Bornet. La dictature et la tyrannie se comprennent donc comme une dialectique de l’auctoritas et de la potestas, de l’autorité et du pouvoir, car les deux ne peuvent rester séparés longtemps sans dépérir.
Philippe Bornet montre que la dictature n’a rien de péjoratif : elle est parfois nécessaire pour rétablir l’ordre public ou sauver la cité. La dictature renvoie donc aux circonstances exceptionnelles qui, selon Carl Schmitt, caractérisent la souveraineté en dernier ressort. Pour ce dernier en effet, est souverain celui qui décide des circonstances exceptionnelles, celles qui justifient de s’affranchir de la légalité, justement pour en rétablir les conditions d’exercice normal. C’est notamment l’esprit de l’article 16 de la Constitution de 1958, par exemple.
Le dictateur n’est donc ni un despote ni un tyran, car il tire sa légitimité et son autorité de la nécessité de rétablir le bien commun. Son pouvoir d’exception ne saurait donc durer. À la différence du tyran qui finit par rechercher « le pouvoir pour le pouvoir », comme le dit si bien le commissaire politique O’Brien à Winston, le héros malheureux du 1984 de George Orwell.
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Une autorité d’essence féminine
L’autorité « est une faculté de se faire obéir à l’intérieur, par la parole et sans contrainte » alors que la potestas est « une capacité à commander à l’extérieur par la force et la violence. Elle n’est pas autre chose que l’exercice masculin de la souveraineté (vir). L’auctoritas en est l’exercice féminin (mulier) » [3], affirme ainsi Philippe Bornet, qui développe une analyse intéressante du caractère féminin du principe d’autorité : un principe qui agit tout en nuances et en suggestions, et non pas uniquement de façon matérielle.
Alors que « le tyran n’est dépositaire que de la potestas »[4], de la force brute.
Autorité et pouvoir doivent donc marcher de concert, comme la complémentarité des principes masculin et féminin : l’autorité sans pouvoir ne mène à rien, et le pouvoir sans autorité sombre dans la violence tyrannique.
Le portrait type du tyran
Philippe Bornet se présente comme un « historien du futur » et il aime citer Napoléon pour qui « la méditation des leçons du passé est la seule prophétie des gens raisonnables ».
Poursuivant son approche historique de la question, l’auteur nous présente donc rapidement l’histoire de sept tyrans, pour en tirer une sorte d’archétype de la tyrannie : Denys de Syracuse, Savonarole, Calvin, Robespierre, Billaud-Varenne, Staline et Mao Tsé-toung. Il n’est évidemment pas anecdotique que nombre de ces tyrans se réclamaient du progressisme…
Philippe Bornet en déduit que la tyrannie se reconnaît aux indices suivants : une prédilection pour le court terme, la bureaucratie, le contrôle de l’information, la détestation de la famille et du mariage, l’embrigadement des enfants, la fascination pour la technique, le changement de population, la soumission à l’étranger, la mise en place d’un passeport intérieur, l’utilisation de la religion ou des épidémies pour asseoir son pouvoir, etc.
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Toute ressemblance est volontaire
Au début de son essai, Philippe Bornet n’a pas usé de la formule consacrée : « Toute ressemblance avec des personnages existants serait purement fortuite. »
Et pour cause, puisqu’à l’évidence sa grille de lecture renvoie à l’actualité politique brûlante de notre pays.
Comment un politique qui se réclame du libéralisme libertaire et qui par conséquent nie qu’il puisse exister un quelconque bien commun pourrait-il en effet avoir de l’autorité ?
Comment prétendre fonder l’autorité sur le culte du Moi et la haine de toute transcendance ?
Comment un politique qui ne croit pas à l’existence d’une culture nationale, qui estime que ses aïeux ont commis des crimes contre l’humanité et qui ne voit dans son peuple que des factieux, des gens de rien ou des sans-dents pourrait-il exercer un pouvoir autrement que par la contrainte et la violence ?
Comment croire que changer de population ne conduit pas à la tyrannie ?
Finalement, Philippe Bornet nous montre, on le voit, des tyrans du passé vraiment très actuels…
Michel Geoffroy
29/04/2022
Notes
[1] Philippe Bornet, Aujourd’hui la tyrannie, Presses de la Délivrance, 2022, 167 pages, 18 euros.
[2] Ibid., p. 157.
[3] Ibid., p. 22.
[4] Ibid., p. 52.
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