André Murawski, conseiller régional Hauts de France
♦ La soirée électorale de Monsieur Macron sur l’esplanade du Louvre a été révélatrice de la conception que le nouveau locataire de l’Elysée se fait de la France. Celle d’une France déculturée, privée de son identité nationale et nécessairement soumise à une technocratie acquise au cosmopolitisme.
La fin de l’exception culturelle française
On ne peut traverser l’esplanade du Louvre sans se remémorer la nouvelle querelle des anciens et des modernes que fit naître la construction d’une vaste pyramide de verre dans la cour Napoléon. La Commission supérieure des sites et des monuments historiques avait manifesté son hostilité au projet. La presse avait relayé la polémique. Des associations de défense du patrimoine avaient interpellé le ministre de la Culture. Le Louvre allait être défiguré. Le public être détourné des œuvres au profit d’activités commerciales et subculturelles.
Près de trente ans plus tard, la pyramide ne déchaîne plus les passions. Mais elle n’en reste pas moins le symbole d’une rupture, d’une démarche intellectuelle faisant peu de cas de la préservation d’un patrimoine pour associer des styles architecturaux dissemblables au nom d’un utilitarisme revendiqué. « Pourquoi une pyramide ? C’est la forme qui occupe le moindre volume1. » Ieoh Ming Pei affirma d’ailleurs que « la pyramide n’avait pas grande importance. Le plus important, c’est d’avoir unifié le musée2. » Certes. Mais l’architecte sino-américain ne connaissait sans doute pas l’exception culturelle française.
Pour ce qui le concerne, Monsieur Macron la connaît ; Mais il ne veut peut-être plus la connaître, lui qui a décidé d’inviter ses partisans sur l’esplanade du Louvre où l’ouvrage de verre et d’acier détonne devant les façades multiséculaires. Du Panthéon à l’Arc de Triomphe, des Invalides à la tour Eiffel, les symboles de Paris, de la République ou de la France ne manquent pourtant pas dans la capitale. Le spectacle devait-il être mis en scène dans le cadre d’architectures disparates, illustrations de la prolifération stylistique dysharmonieuse qu’on observe dans tant de villes nouvelles ? Entre un patrimoine préservé, enraciné dans l’histoire et porteur d’identité, et un ensemble d’éléments architecturaux dissemblables et privés d’unité, Emmanuel Macron a fait un choix symbolique : celui de la globalisation culturelle.
La mise à l’écart d’un symbole de l’identité nationale
Au soir du 7 mai, c’est l’arrangement du thème musical de l’Ode à la joie de la 9e symphonie de Beethoven qui a accompagné la marche du nouveau président de la République. Cette partition, musique sans paroles, est utilisée lors des cérémonies officielles de divers organismes européens au point d’être devenue l’hymne de l’Union européenne. Pourquoi sans paroles ? Simplement en raison du multilinguisme qui a fait obstacle à l’adoption d’un texte commun aux états membres. Même sur un point aussi simple, l’Union européenne n’est jamais parvenue à un accord.
C’est donc « l’hymne » d’une entité supranationale, dépourvu de texte et désincarné qui a eu la préférence de Monsieur Macron, au détriment du symbole fort de notre identité nationale qu’est cette Marseillaise que tous les Français connaissent et dans laquelle tous les Français se reconnaissent. Ici encore, le symbole est fort. La Marseillaise, c’est un hymne à la liberté, un appel patriotique, un cri de ralliement à la République et à la Nation. La Marseillaise, c’est une part du patrimoine immatériel de la France. Sans la Marseillaise, la France n’est plus un état libre et indépendant. Sans la Marseillaise, les Français ne sont plus les Français. Sans la Marseillaise, les Français ne sont plus que les habitants interchangeables d’une partie de l’espace européen, lui-même sans limites physiques afin de permettre son agrandissement en direction de la Turquie.
L’identité nationale s’est aussi effacée dans le choix des artistes conviés par Monsieur Macron. Ce choix s’est porté sur Cris Cab, chanteur américain influencé par le reggae dont la prestation visait à donner à la soirée une atmosphère festive. Il s’est aussi porté sur Magic System, un groupe ivoirien pratiquant le Zouglou, style musical né en Côte d’Ivoire. Là encore, était-il absolument impossible de convier des artistes ou des groupes français pour célébrer l’élection du président de la République française ? Ou Monsieur Macron a-t-il délibérément souhaité mettre en exergue son choix d’une société de libre circulation des personnes et des services dans le meilleur des mondes mondialisé ?
Le triomphe de la technocratie mondialisée
La diversité des styles architecturaux, la diversité des artistes, le choix d’un hymne a-national prétendument européen sont venus confirmer des déclarations faites pendant la campagne électorale. Inspirées par la pensée unique d’un monde fondé sur la marchandisation des êtres autant que des choses, ces déclarations rattachent Monsieur Macron à la technocratie mondialisée favorable à un multiculturalisme postnational.
A Lyon début février 2017, Monsieur Macron a affirmé que : « Il n’y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse3. » Il a confirmé ce point de vue à Londres le même mois en déclarant « l’art français, je ne l’ai jamais vu. » On constate donc que le nouveau président de la République française nie le caractère particulier et spécifique de la culture française, partiellement théorisé sous le nom polysémique « d’exception culturelle française », mais aussi réalité historique incontestable.
De multiples facteurs interviennent en effet qui font l’identité culturelle. Ces facteurs conditionnent la production d’œuvres qui se distinguent par leur style de celles que l’on voit au-delà des frontières. Les mouvements artistiques et littéraires coïncident rarement. L’Italien Lully créa un opéra authentiquement français, différent de l’opéra italien. La musique de Berlioz n’est pas semblable à celle de Chopin. L’esprit d’André Chénier n’est pas celui de Goethe. La gastronomie française ne peut être confondue avec la gastronomie chinoise. Chaque peuple exprime un génie qui lui est propre. Même le savoir-vivre et les usages ne sont pas identiques. L’identité culturelle existe. C’est peut-être elle qui assure le mieux l’unité nationale.
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La soirée électorale de Monsieur Macron a permis de discerner la conception que le nouveau président de la République se fait de la France et des Français, mais aussi de son rôle à la tête de l’État. Niant l’existence d’une identité culturelle française pourtant incontestable, se plaçant délibérément dans une posture supranationale de technicien de la gestion publique, Monsieur Macron devra pourtant compter avec la volonté du Peuple français qui n’accepte ni le communautarisme, ni la disparition de son histoire, de son patrimoine ou de ses traditions, ni la perte de ses libertés fondamentales. L’identité culturelle est le ciment de la Nation.
André Murawski
9 mai 2017
Correspondance Polémia – 15/05/2017
Image : Déculturation