Par Michel Geoffroy, auteur de La Super-classe mondiale contre les peuples, La Nouvelle guerre des mondes et Bienvenue dans le meilleur des mondes ♦ Avocat et président du Cercle Droit & Liberté, Thibault Mercier récidive en rééditant Athéna à la borne – Discriminer ou disparaître à la Nouvelle Librairie dans la collection Iliade. L’ouvrage est enrichi de compléments, de mises à jour et d’une nouvelle préface. L’auteur ironise sur ces vedettes sportives pétitionnant pour déclarer que « le sport c’est le refus des discriminations »… alors même que toute compétition sportive est fondée sur la discrimination entre les sexes, entre les âges et entre les niveaux de pratique !
Un livre important dont Michel Geoffroy avait parlé dès sa parution. Vous retrouverez ci-dessous son analyse.
Polémia
L’essai de Thibault Mercier Athéna à la borne – Discriminer ou disparaître [1] vient à point nommé au moment où l’on ne cesse, partout en Occident, de réduire progressivement les libertés publiques pour installer la tyrannie des « minorités », l’individualisme tyrannique et la loi de l’argent, au prétexte de « lutter contre les discriminations ».
Car peut-on vraiment faire abstraction de ce qui nous distingue ? affirme Thibault Mercier sous forme d’interrogation. Exister, c’est bien se distinguer de l’autre, c’est délimiter un dedans et un dehors, c’est inclure et exclure c’est donc discriminer. Discriminer ou disparaître, il faut donc choisir.
L’anti-discrimination, une arme au service de la marchandisation du monde
Dans son essai synthétique, Thibault Mercier expose de façon très claire comment la notion de discrimination – qui signifie originellement « l’action de distinguer, de séparer deux ou plusieurs éléments d’après les caractères distinctifs » – a été diabolisée pour devenir l’arme par laquelle l’idéologie libérale, libertaire et mondialiste, provoque la dissolution de toutes les identités, la perte de conscience de soi-même et la destruction de la diversité des cultures humaines. Pour ne légitimer qu’une seule discrimination : celle de l’argent.
Car derrière le verbiage humanitaire célébrant le refus de toute « exclusion », de toute « phobie » ou de toute « discrimination », se cache la marchandisation du monde.
Tous les obstacles à l’expansion du marché – c’est-à-dire en réalité au pouvoir sans limite de l’oligarchie économique et financière – se trouvent délégitimés au prétexte qu’ils constitueraient des discriminations.
L’idéologie de l’anti-discrimination est donc aussi une arme au service des oligarchies mondialistes.
L’anti-discrimination au service du gouvernement des juges
Thibault Mercier montre comment le concept de discrimination n’a cessé de s’étendre depuis la funeste loi Pleven de 1972 qui diabolisait déjà la préférence nationale, c’est-à-dire en réalité qui déconstruisait la citoyenneté.
De quatre discriminations interdites à l’origine en France (ethnie, race, nation et religion) on est aujourd’hui passé à 24 ! La machine anti-discrimination est devenue folle.
La lutte contre les discriminations permet en effet au gouvernement des juges[2], interprétant à leur guise le foisonnement des textes, d’imposer son pouvoir et l’expansion du communautarisme.
Car le droit, comme la loi, correspond de moins en moins à une formulation générale et de plus en plus à un « droit inégal » comme dans les temps mérovingiens, protégeant certaines communautés – par exemple les LGBT – mais pas d’autres – par exemple les hétérosexuels.
Le gouvernement des juges s’est également emparé du délit de « provocation à la discrimination », au contenu imprécis, pour imposer un nouvel ordre moral où il devient illicite d’affirmer des préférences. Et tout cela en liaison étroite avec une myriade d’associations subventionnées qui font une juteuse chasse au dissident. Une occupation d’autant plus payante que, par un retournement du droit pénal, la charge de la preuve appartient en la matière désormais non plus à celui qui se plaint mais à celui qui est accusé !
Thibault Mercier qui est aussi avocat au barreau de Paris – et donc fin connaisseur des arcanes de la justice – montre ainsi qu’un acte qui n’est pas en soi illicite (choisir un collaborateur ou un locataire par exemple) peut le devenir par la magie de l’intention subjective, vraie ou supposée, de son auteur, interprétée souverainement par un juge.
Le droit de l’anti-discrimination ne s’intéresse plus aux faits mais aux intentions supposées des prévenus, comme dans les procès en sorcellerie !
Thibault Mercier : « Empêcher toute discrimination, c’est revenir au néant ! » [Vidéo]
Une dérive théocratique et liberticide
Thibault Mercier met ainsi en lumière le penchant théocratique – et évidemment liberticide – du droit de l’anti-discrimination.
Citant le doyen Carbonnier, éminent juriste du siècle dernier, l’auteur rappelle qu’auparavant « je pouvais bien me sentir le devoir (philanthropique, chrétien etc.) de traiter l’autre comme mon semblable, mon frère. Mais l’autre n’avait pas d’action en justice pour en exiger de moi l’accomplissement [3]». Mais avec la doxa de l’anti-discrimination, cela est désormais chose faite : l’Autre – Big Other comme l’écrivait Jean Raspail – a désormais de plus en plus de droits sur moi et donc contre moi.
La prétendue discrimination positive – importée elle aussi des États-Unis avec le communautarisme qui va avec – découle aussi de l’idéologie anti-discrimination.
Comme le relève Thibault Mercier, « désormais l’entreprise, les médias, l’administration ou le gouvernement n’ont donc plus vocation à représenter la communauté nationale et à servir le bien commun, mais doivent s’assurer de représenter le sexe, la couleur de peau ou encore les mœurs de leurs clients, administrés ou citoyens [4]».
L’apologie de la « diversité » débouche alors sur la destruction de toute idée de collectif, de communauté et de nation. Destruction qui prend aussi la forme du multiculturalisme, c’est-à-dire du chaos des identités, des cultures et des égos, chaos multi-conflictuel destructeur de toute civilisation.
Le règne de l’individualisme tyrannique
Thibault Mercier démontre comment le refus pathologique de toute distinction – assimilé à tort à une discrimination – débouche sur une société du non-choix perpétuel et sur l’individualisme tyrannique.
« Rien n’est certain, tout doit-être reconstruit par la raison pure de l’individu. C’est donc le déni de tout acquis, de toute prédétermination, de toute transmission[5] » écrit l’auteur. Cet individualisme tyrannique s’incarne aujourd’hui dans le mythe de l’engendrement de soi-même qui est au cœur de la théorie du genre et du transhumanisme.
Désormais l’illimitation devient la règle, car on convertit en « droit » toute espèce d’exigence, de désir ou d’intérêt.
C’est l’heure de la lex-shop, où les intérêts catégoriels sont convertis par l’État en droits créances contre la société et contre les majorités. Conversion dont profite en réalité le marché, car ces « droits » sont tous monnayables.
« Discriminer ou disparaître ? » : nouvel ouvrage de lutte contre la pensée conforme
Retour au réel : éloge de la limite
Alors pourquoi avoir choisi pour titre Athéna à la borne ?
Thibault Mercier montre que la borne que regarde la déesse protectrice des cités, est justement l’image de la limite, qui fonde la cité et la civilisation.
La limite n’est pas qu’un obstacle comme le prétendent les Modernes. C’est ce qui permet de se regrouper, de se situer et donc de faire société.
La limite, c’est aussi la capacité de distinguer, sur laquelle repose l’ordre politique et la sagesse : la distinction ami/ennemi, étranger/citoyen, parent/ami, proche/lointain, homme/femme, vari/faux, beau/laid, bien/mal etc…
Toutes distinctions que l’idéologie anti-discrimination veut justement abolir pour promouvoir la grande indifférenciation du monde, c’est-à-dire finalement pour détruire la richesse des cultures humaines et donc l’homme lui-même.
Pour une écologie humaine
La dernière partie de l’ouvrage, dont on regrettera sans doute le caractère trop cursif, s’efforce de jeter les bases d’un « devoir de préservation culturelle et civilisationnelle », à opposer à l’idéologie de l’indifférenciation. Donc pour promouvoir une « écologie humaine », selon l’heureuse expression d’Hervé Juvin.
Thibault Mercier s’appuie sur le précédent de la Déclaration des droits des peuples autochtones des Nations Unies adoptée en 2007 pour revendiquer un droit à l’identité de tous les peuples. Il invoque aussi le droit naturel. Ce qui implique de sortir de la religion des droits de l’homme, devenue une arme contre la préservation de la nature sociale et politique de l’homme.
Contre les droits abstraits, Thibault Mercier revendique « le droit de chaque homme à parler sa langue natale, à vivre sur ses terres selon ses modes de vie ancestraux, ses mœurs, ses lois, ses coutumes et ses croyances [6]».
C’est pourquoi aussi il faut garantir les libertés publiques et notamment la souveraineté des nations. Et rappeler que l’homme ne se réduit pas à des droits, mais qu’il a aussi des devoirs : vis-à-vis de lui-même mais aussi vis-à-vis de ses semblables, de sa cité et du bien commun.
***
L’essai très dense de Thibault Mercier ouvre, on le voit, de fructueuses perspectives pour reconstruire notre civilisation et refonder, notamment en Europe, un nouvel ordre politique et social. C’est pourquoi on recommandera sa lecture sans réserve.
Michel Geoffroy
24/11/2023 – Publication initiale : 03/05/2019
Athéna à la borne. Discriminer ou disparaître ?, par Thibault Mercier, édition Institut Iliade / Pierre-Guillaume de Roux, 2018, 199 p., 20 €
[1] Thibault Mercier « Athéna à la Borne » Pierre Guillaume de Roux , 2019, 190 pages, 16 euros
[2] Que l’on intitule « état de droit » en novlangue
[3] Thibault Mercier, op.cit. page 49
[4] Thibault Mercier, op.cit. page 60
[5] Thibault Mercier, op.cit. page 98
[6] Thibault Mercier, op.cit. page 170
Source : Correspondance Polémia
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