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« Assimilation. La fin du modèle français » de Michèle Tribalat (une deuxième analyse)

« Assimilation. La fin du modèle français » de Michèle Tribalat (une deuxième analyse)

par | 13 octobre 2013 | Médiathèque

« Assimilation. La fin du modèle français » de Michèle Tribalat (une deuxième analyse)

Il y a peu, Polémia présentait sous la signature de Claude Lorne une note de lecture consacrée au dernier livre de Michèle Tribalat, Assimilation. La fin du  modèle français.
Depuis, nous venons de recevoir  de Bruno Guillard une analyse critique de ce même ouvrage. Ce livre est d’une extrême importance : il éclaire le lecteur sur la nature des chiffres qui sont jetés en pâture au public sans grande cohérence par les grands  offices statistiques et qui, on peut le craindre, sont destinés à minimiser la présence étrangère en France ; il explique également comment, sous les pressions idéologiques, on est passé de l’assimilation à l’intégration, pour finir tout simplement par l’insertion qui n’exige aucun effort des allogènes. C’est la raison pour laquelle nous avons jugé nécessaire de publier les deux comptes rendus. Nos lecteurs trouveront donc ci-après l’analyse de Bruno Guillard qui tout naturellement vient en complément des commentaires de Claude Lorne auxquels ils peuvent se reporter. Polémia

La démographe Michèle Tribalat, qui a publié en 2010 un essai particulièrement « décapant » intitulé Les yeux grands fermés (éditions Denoël), réitère avec un ouvrage consacré au modèle assimilationniste français qui va susciter autant de critiques que le précédent de la part de la nomenklatura intellectuelle et journalistique. Cet ouvrage est intitulé Assimilation : la fin du modèle français  et il a été publié en septembre par les éditions du Toucan.

Un désordre statistique inextricable

Comme elle l’avait fait dans son précédent ouvrage, Michèle Tribalat expose les difficultés rencontrées par les chercheurs qui étudient les flux migratoires en France du fait d’un « désordre statistique inextricable » auquel « les institutions dont ce devrait être l’un des intérêts majeurs, qu’il s’agisse du département de démographie à l’INSEE ou de l’INED, n’accordent pas l’attention qu’ils devraient ». De plus, « il semble que le solde migratoire global combine un solde négatif des natifs ou des nationaux et un solde positif des immigrés ou des étrangers. C’est pourquoi il apparaît si faible en France ». Cette notion de solde migratoire global a, bien évidemment, pour but de relativiser l’importance de l’immigration étrangère.

Une immigration record

Un des poncifs les plus fréquents tend à affirmer la stabilisation voire la décrue de l’immigration dans notre pays, ce que notre démographe nie catégoriquement :

« Il y a bien eu une stabilisation, mais seulement sur la période 1975-1979. Pendant ce quart de siècle, la population immigrée a crû à peu près au même rythme que celle des natifs, soit une croissance de 11% sur l’ensemble de la période. Depuis 1999, la population immigrée a augmenté de 24% en 10 ans. Le nombre des natifs n’a progressé, lui, que de 5% sur la même période. La proportion d’immigrés est donc passée de 7,4% en 1999 à 8,5% en 2009. En termes relatifs, l’accroissement de la proportion d’immigrés est voisin de celui observé pendant les Trente Glorieuses, période que personne n’oserait qualifier de stagnation migratoire. La France est donc sortie de sa phase de faible intensité des flux migratoires qui a effectivement suivi la suspension de l’immigration de travail en 1974 et a duré un quart de siècle, pour entrer dans un nouveau cycle migratoire. Elle connaît la proportion d’immigrés la plus élevée de son histoire ».

Cette immigration record se traduit par une augmentation sans précédent de la part de la population qui est étrangère et d’origine étrangère, soit 11,7 millions en 2009 (cette estimation effectuée par l’INSEE ne comprend que deux générations : immigrés et enfants d’au moins un parent immigré) et 19% de la population totale ! Le taux d’accroissement de la population immigrée et d’origine immigrée a été voisin, entre 1999 et 2008, de 18 pour mille quand celui des natifs a été de 4 pour mille seulement. Compte tenu du fait que les dirigeants de l’Union européenne ont entériné l’idée que l’avenir démographique de l’Europe passe par l’immigration, nous allons connaître, si rien ne change au plan politique (mais rien n’est moins sûr que la pérennité de cette organisation calamiteuse), des jours pour le moins difficiles parce que, comme l’écrit Michèle Tribalat, « cette politique aura un prix dont les citoyens européens ne sont pas encore complètement conscients. Quand on délègue son destin à d’autres, on ne peut guère s’attendre à en conserver la maîtrise ».

Une forte augmentation de la présence de l’islam

Michèle Tribalat estime le nombre de musulmans résidant en France à 4,2 millions à la fin de 2008 (la population totale était alors de 62.469.000) mais l’accroissement démographique des musulmans a été de 151.000 en 2008 et celui des non-musulmans de 180.000 seulement ; nous allons donc atteindre le chiffre de 5 millions de musulmans à la fin de cette année et celui de 6 millions en 2020. « La forte croissance démographique de la population musulmane est (donc) favorisée par ses caractéristiques démographiques : grande jeunesse et fécondité élevée. L’apport annuel, par l’immigration, de personnes relativement jeunes en âge d’avoir des enfants contribue au dynamisme démographique des musulmans ». La France est le pays qui compte le plus de musulmans et dont la part relative de la population musulmane est la plus importante en Europe après celle de la Bulgarie.

L’évolution de la communauté musulmane en matière de religion est à l’opposé de celle des natifs dont la sécularisation s’amplifie régulièrement. Contrairement à tous les pronostics, les jeunes générations de musulmans sont de plus en plus pieuses et respectueuses des règles et interdits de l’islam : « On assiste (donc) à une forme de durcissement identitaire qui sépare les musulmans des autres, renforce le contrôle social et pèse sur la liberté des fidèles mais aussi sur celle des non musulmans ». Michèle Tribalat constate que le raidissement des musulmans a des conséquences sur la communauté musulmane mais aussi sur les natifs : « Ces interdits concernent tous les aspects de la vie privée et sociale et, comme il est interdit de médire de l’islam, les non-musulmans se sont trouvés eux-mêmes visés dans ce qu’ils ont de plus cher : la liberté d’expression. Après l’affaire Rushdie, l’intimidation est devenue monnaie courante. On risque à nouveau sa vie en Europe, mais aussi aux Etats-Unis, à dire, écrire, figurer ce que l’on pense. Les ajustements à l’intimidation par la censure, l’autocensure, la langue de bois et, quelquefois, le ralliement ont remis les Occidentaux dans la position d’avoir à plier ou se battre pour reconquérir ce qui leur semblait définitivement acquis. »

La fin de l’assimilation

L’assimilation devient impossible pour deux raisons : d’une part, du fait de la séparation entre populations natives et populations immigrées qui a été étudiée par Christophe Guilluy (Fractures françaises, François Bourrin éditeur, 2012) et, d’autre part, du fait de la politique d’intégration mise en œuvre par l’oligarchie européenne. Les élites comptaient sur le brassage des populations natives et immigrées au sein des classes sociales les moins favorisées pour assurer l’assimilation des nouveaux venus ; ces dernières avaient donc la charge de régler l’énorme problème posé par l’arrivée de ces masses étrangères à notre culture, tout en étant systématiquement dénigrées par des élites qui valorisent l’Autre et méprisent leur culture et leur histoire ; la réaction des natifs, totalement imprévue, a consisté à se séparer en fuyant dans les zones péri-urbaines, loin des immigrés. De ce fait, l’assimilation devient impossible et ce d’autant plus que la politique d’intégration imposée par l’Union européenne va dans le sens d’une valorisation des cultures des immigrés. Les oligarques de Bruxelles considèrent, en effet, que l’immigration et la diversité qu’elle induit sont une chance pour l’Europe, sans en avoir jamais fait la démonstration ; on peut d’ailleurs raisonnablement penser le contraire : un ensemble politique est d’autant plus stable et cohérent qu’il est homogène. En survalorisant l’Autre, les oligarques ont réveillé les sentiments nationaux assoupis qu’ils essayent de détruire ; en mettant l’accent sur la diversité et en valorisant les appartenances ethniques des minorités, ils ont fait surgir la question identitaire chez les « natifs au carré ». « Si les personnes d’origine étrangère ont une identité si précieuse qu’il faille se mobiliser pour la préserver, pourquoi n’en irait-il pas de même pour les natifs au carré ? ». La désécularisation des musulmans s’ajoute au mouvement de séparation volontaire des natifs et renforce le processus de séparation des différentes communautés.

Contrairement à ce qu’affirment ceux qui pensent, comme Emmanuel Todd, que les populations immigrées et natives vont se fondre dans un heureux melting pot, Michèle Tribalat constate une fragmentation ethnoculturelle de notre société qui est une source de tensions et d’affrontements. Un certain nombre d’indices permettent de penser que pour les « natifs au carré », désormais, la coupe est pleine. Malgré une propagande digne des régimes totalitaires, le rejet de la politique menée par l’oligarchie immigrationniste prend une ampleur qui commence à la faire paniquer ; la question identitaire est désormais au cœur de la problématique politique française et européenne. Michèle Tribalat souligne les difficultés qui rendront difficile le changement de politique en matière d’immigration et qui sont, outre les traités internationaux signés par la France, les engagements contractés au sein de l’Union européenne ; mais elle évoque la possibilité que le changement de politique dans quelques pays européens pourrait permettre un changement radical dans l’ensemble de l’Europe.

Bruno Guillard
10/10/2013

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