Pour cette Revue de presse, qui sera diffusée ce lundi soir sur Radio Courtoisie, Michel Leblay et Laurent Artur du Plessis ont étudié en profondeur cet intriguant objet géopolitique qu’est la Chine. Une analyse éclairante !
La guerre froide qui dura moins d’un demi-siècle laissait apparaître un monde géopolitique concentré en deux ensembles, chacune des deux puissances, chefs de file, ayant chacune leurs alliés, consentis pour l’Amérique, obligés pour l’URSS et dans des seconds ou des troisièmes cercles des Etats intégrés dans leur zone d’influence.
Aujourd’hui, le paysage est totalement transformé. La Russie héritière de l’URSS est réduite géographiquement et politiquement par rapport à cette dernière et la scène mondiale est devenue multipolaire et multicivilistionnelle. L’élément le plus fondamental de cette nouvelle carte est bien sûr la Chine. La Russie, amoindrie, a réussi, grâce à un homme d’Etat à être à nouveau un acteur de premier plan s’agissant notamment de l’aire particulièrement conflictuelle du Proche et du Moyen-Orient.
Cette revue de presse porte essentiellement sur la Chine mais avec un point d’attention sur la Russie à travers un article de Jacques Sapir.
Macron en Chine
Le Président de la République, Emmanuel Macron, a effectué du 4 au 6 novembre 2019, pour la deuxième fois depuis son élection, un voyage en Chine. Il faut remarquer qu’il était accompagné par la ministre allemande de l’Education et de la Recherche, Anja Karliczek et par le commissaire européen au commerce de la nouvelle Commission européenne, Phil Hogan. Cela traduit la dimension européenne et économique que le Président a souhaité donner à ce voyage tout en sachant que la France, puissance mondiale du fait de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité et de l’étendue de son territoire à travers la planète, a des intérêts géopolitiques particuliers.
Si la France, le 27 janvier 1964, n’avait pas été le premier pays occidental à établir des relations diplomatiques avec la République populaire de Chine (le Royaume-Uni avait reconnu celle-ci le 15 décembre 1949, se limitant à l’échange de chargés d’affaires, les Pays-Bas le firent le 27 mars 1950, la Suisse, les pays nordiques aussi sauf l’Islande), ces relations placées au niveau d’ambassadeurs ouvraient la voie à la reconnaissance par l’Occident d’une réalité géopolitique incontournable, celle d’un Etat, à l’histoire multimillénaire, le plus peuplé du monde, qui ne pouvait que peser sur l’avenir de celui-ci quelle que soit par ailleurs la nature de son régime politique.
La Chine, quelques repères d’histoire économique
S’il apparaît à l’observation de la croissance du PIB pour différents pays, tel qu’il a pu être reconstitué, que la Chine est la première à connaître une phase de développement aux environs de 1700, celle-ci n’est pas due à un basculement dans une nouvelle ère économique, ce que fut la Révolution industrielle, mais à des circonstances particulières propres à l’Empire du milieu (fort accroissement de la production agricole, développement des activités de tissage et de coton). Au moment, où les pays européens et les Etats-Unis, décollèrent économiquement du fait de la Révolution industrielle, à un rythme plus ou moins rapide, aux environs de 1820-1830, la Chine débutait au contraire une période de stagnation.
Dans un article publié par Le Monde diplomatique, dans sa livraison de novembre 2019, intitulé Pourquoi le capitalisme n’est pas né en Chine, l’auteur, Alain Bihr, explique la raison pour laquelle, ce pays de très haute civilisation, n’a pas accédé à l’époque impériale à l’économie moderne. Il montre comment les pesanteurs du régime impérial et les restrictions qu’il imposait à la société ont entravé toute possibilité d’une accumulation de capital et de développement d’une bourgeoisie entreprenante : C’est du côté des rapports de production et de leurs spécificités au sein de la Chine impériale qu’il faut regarder pour déterminer les obstacles qu’a pu y rencontrer le (proto)capitalisme. Ainsi en va-t-il, en premier lieu, du régime de la propriété foncière… Une deuxième série d’obstacles est à chercher du côté des entraves à l’accumulation du capital marchand, ainsi qu’à la formation de la bourgeoisie marchande en classe sociale… De plus, contrairement, là encore, à ce qui va se passer dans l’Europe des Temps modernes, le capital marchand et la bourgeoisie n’ont bénéficié d’aucun soutien du pouvoir impérial, bien au contraire. Pour conclure, évoquant l’arrêt des expéditions maritimes de l’amiral Zheng He en 1433, Alain Bihr formule ce constat : On peut finalement avancer l’hypothèse globale suivante : en se fermant au commerce extérieur maritime dans la première moitié du XVè siècle, la Chine impériale a laissé passer sa chance historique de voir se parachever en elle les rapports capitalistes de production qui avaient commencé à s’y former.
Après la soumission que lui imposèrent les puissances occidentales au XIXè siècle, puis l’occupation d’une partie de son territoire par le Japon au XXè siècle, la Chine ayant recouvré son indépendance, sous le joug communiste, aliénée d’abord par le maoïsme, connait, sous l’impulsion initiale de Deng Xiaoping, une fulgurante ascension économique depuis les deux dernières décennies du XXè siècle. Elle se pose peut-être moins en rival des Etats-Unis que ceux-ci ne la perçoivent comme tel.
La Chine et les ambitions de puissance
Le dernier numéro de la revue Diplomatie (n°101 Novembre Décembre 2019) comprend un dossier sur la Chine : La Chine au XXIè siècle Quelles ambitions ? Quelle puissance ? Barthélémy Courmont, dans un article ayant pour titre Quand la Chine se pense en grande puissance, écrit : Pour comprendre les ambitions de puissance de Pékin, il est nécessaire de se plonger dans l’histoire et la culture chinoises afin d’apporter des éléments de réponse, loin des clichés et des idées reçues. Il convient ainsi de s’interroger sur le devant de la scène du système de Tianxia (commenté lors de la revue de presse du 19 février 2018), ainsi que sur l’évocation des nouvelles routes de la soie pour désigner la stratégie d’investissement dans le monde de la Chine. « Tianxia » (littéralement « Tout ce qui est sous le ciel ») est une conception du monde, universaliste, qui vise à l’établissement d’une « société harmonieuse » à l’échelle mondiale. Dans la pratique, la Chine développe un pouvoir d’influence, apparemment respectueux des souverainetés nationales, ce que l’auteur appelle le consensus de Pékin, l’aide à des projets d’infrastructures de pays en développement sans ingérence dans leurs affaires intérieures, à l’encontre du consensus de Washington, exigeant sur le libre-échange, la lutte contre la corruption, les droits civiques et la démocratisation.
Si la Chine est vue par nombre d’analystes comme la rivale des Etats-Unis, voire l’adversaire possible (Vers la guerre L’Amérique et la Chine dans le Piège de Thucydide ? de Graham Allison), Barthélémy Courmont, en référence à ce qui serait l’interprétation présente du Tianxia par le parti communiste Chinois, qu’il dénomme Tianxia 2.0, caractérise la politique étrangère chinoise par sa défense de la multipolarité. Partant du constat pragmatique que la Chine est une puissance retrouvant peu à peu sa place sur la scène internationale, à condition à ne pas chercher à faire de vagues, les dirigeants de Pékin ont construit un discours qui mêle habilement multilatéralisme et multipolarité, qui refuse le statut de superpuissance mais propose dans le même temps un regard nouveau sur la gestion des grands enjeux géopolitiques. Alors, selon le sinologue américain David Shambaugh, la Chine serait une « puissance partielle », incapable, pour le moment du moins, de rivaliser avec les Etats-Unis. La multipolarité permettrait à la Chine d’occuper une place importante sur la scène internationale, refusant par la promotion du multilatéralisme toute forme d’hégémonie d’une puissance sur la scène internationale. Remarquons, qu’il pourrait s’agir d’une posture habile, masquant de réelles ambitions, face à une politique étrangère américaine trop souvent brutale et maladroite. Il n’empêche que l’ancien Empire du milieu qui dispose par le volume de ses exportations de ressources financières conséquentes met en place son projet de Nouvelles routes de la soie, destiné à irriguer l’Asie, l’Afrique et l’Europe, qui pourrait assurer à terme sa domination économique, rejetant l’Amérique aux marges. L’auteur de l’article remarque : Il est notoire que le développement des investissements chinois dans le monde traduit une volonté de puissance de la Chine, qui cherche non seulement à pérenniser sa croissance économique en renforçant des relations commerciales lui permettant de se projeter dans diverses régions du globe, mais également à proposer, sur la base d’un rapport présenté comme « gagnant-gagnant », une relation inédite avec le reste du monde. Cependant, cette approche empreinte de subtilité, offrant la promesse de prospérité, masque aussi, si les acteurs concernés n’y prennent pas garde, la perspective d’une domination politique.
Un exemple particulier, la Pologne, les Nouvelles routes de la soie et des ambiguïtés géopolitiques en perspective
Au regard de ces Nouvelles routes de la soie et de leur aboutissement en Europe (Diplomatie présente une carte détaillée de ces routes et de leurs types à travers les trois continents Asie, Afrique, Europe, assortie d’une analyse de Jean-Joseph Boillot : Les routes de la soie et le 36è stratagème), il faut noter dans le même numéro de Diplomatie, l’article de Jean-Sylvestre Mongrenier sur la Pologne : La Pologne sur la scène européenne et internationale : pivot géopolitique ou acteur géostratégique ? La Pologne fait figure d’alliée privilégiée des Etats-Unis au sein de l’Union européenne, toujours inquiète de la puissance russe à sa proximité. D’un point de vue économique, elle est le point d’entrée pour l’importation en Europe du gaz naturel liquéfié américain, concurrent sur le continent du gaz naturel russe, exporté notamment au moyen du gazoduc Nord Stream et du futur Nord Stream 2. Or Jean-Sylvestre Mongrenier souligne que la Pologne a tenu un rôle majeur dans l’élaboration du partenariat entre la République populaire de Chine (RPC) et seize pays d’Europe centrale, orientale et balkanique (le partenariat « 16+1 »). Signé à Varsovie, en avril 2012, ce partenariat a pour objectif de favoriser les investissements et les échanges commerciaux entre la RPC et ces PECO (pays d’Europe centrale et orientale) ainsi que les Etats balkaniques en quête de capitaux venant s’investir dans les infrastructures. Il s’agit là d’un exemple emblématique de la stratégie de la Chine fondée sur l’intérêt économique et des divisions qu’elle suscite dans les ensembles qui lui font face. Tout en entretenant des liens particulièrement étroits avec l’Amérique pour des raisons géopolitiques, la Pologne, attirée par le gain économique d’une relation avec la Chine, n’hésite pas à nouer un partenariat commercial avec celle-ci. Par rapport à l’Union européenne, la Chine aussi développe des liens directs avec ses membres affaiblissant d’autant la structure supranationale dans les négociations qu’elle pourrait conduire au nom de l’ensemble des Etats qui la composent.
L’ascension chinoise et les inquiétudes qu’elle suscite
Barthélémy Courmont n’occulte pas les inquiétudes que suscite l’ascension de la Chine et la manière dont elle diffuse sa puissance économique, instrument d’une puissance géopolitique : … en attendant que la Chine ne pratique une ingérence, justifiée par la défense de son intérêt national et impose de fait ses propres normes. Dès lors, quelle sera la stratégie de Pékin ? Quelles réactions les autres grandes puissances vont-elles lui opposer ? Et quelles seront les résistances dans les sociétés les plus vulnérables ? L’auteur ajoute : En s’imposant comme un acteur de premier rang, la Chine bouleverse évidemment la perception des rapports entre grandes puissances, mais elle bouscule a priori sur la nature de cet engagement. Ainsi, à courte échéance, pour la première fois dans l’histoire contemporaine ne sera ni occidentale ni démocratique.
Quelques sujets d’attention sur la Chine
Si la Chine apparaît en position particulièrement favorable sur la scène internationale, sa situation interne soulève cependant quelques questions dont les principales sont passées en revue par Guillaume Berlat dans un article paru le 11 novembre sur le site PROCHE&MOYEN-ORIENT.CH L’europe « En même temps » l’Empire du milieu !, à l’occasion de la visite du Président de la République. L’ilot de stabilité, pour ne pas dire de grande stabilité, que constituait la Chine tenue par une main de fer par la « dream team » de Xi Jinping, semble en partie appartenir au passé même si la situation n’a rien de comparable avec celle que connaît la France… Trois sujets méritent une attention particulière : Le pouvoir de Xi Jinping sur le Parti communiste chinois ; La dégradation de la situation à Hongkong ; Les interrogations sur la stabilité économique.
Aujourd’hui, le régime chinois s’avère être une dictature implacable tournée vers la pérennité du pouvoir d’une caste dirigeante est confrontée à des faiblesses ou à des menaces internes. Outre, depuis quelques mois donc la révolte de la population de Hong Kong, il faut signaler aussi la crainte qu’inspire les Ouïghours du Xinjiang (ils représentent environ la moitié des 24 millions d’habitants de la province) et la propagation d’un islamisme au sein de celle-ci.
La question Ouïghour et les manifestations à Hong Kong
Au sujet des Ouïghours, le New York Times a publié, le 16 novembre 2019, le compte-rendu d’un document de 403 pages, interne au Parti communiste chinois, sur la répression menée par le régime à leur encontre (« Ne montrer absolument aucune pitié » : des documents secrets chinois éclairent la répression contre les Ouïgours – Le Monde 18 novembre 2019). Selon un titre du même journal dans son édition du 31 août 2018 : La Chine détiendrait un million de Ouïgours dans « des camps d’internement ». Inquiet de la poussée de l’islamisme radical, le gouvernement chinois présente ces camps comme des centres de formation professionnelle. L’ONU a été saisie de cette répression et de son importance. Mais loin d’être condamnée, la Chine a réussi a tourné la situation à son avantage ce qui montre son pouvoir d’influence. Comme l’indique Le Monde dans un article du 31 octobre 2019 Répression des Ouïgours : à l’ONU, la Chine s’offre un soutien diplomatique massif, le 29 octobre dernier, dans le cadre de la troisième commission de l’ONU des affaires sociales, humanitaires et culturelles… A l’initiative de la Biélorussie, quelque 54 Etats ont martelé éloges et compliments à propos de la politique menée par Pékin dans sa région autonome du Xinjiang, alors que le rapporteur de la commission venait de nouveau de recommander à la Chine d’accorder un accès total à la province à la haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, qui le sollicite depuis des mois. Face à eux, un autre groupe de 23 pays, menés par le Royaume-Uni et les Etats-Unis, a dénoncé le manque de liberté culturelle et religieuse, ainsi que la répression dont sont victimes les Ouïgours, la population autochtone du Xinjiang, turcophone et musulmane. Parmi les Etats qui ont voté en faveur de la motion biélorusse figuraient plusieurs Etats musulmans dont le Pakistan et l’Egypte. Il faut rappeler que le port de Gwadar au Pakistan sur les rives de l’océan Indien est l’un des débouchés de l’une des principales routes de la soie. Le Monde est pratiquement le seul média à avoir diffusé l’information. Elle revêt cependant une importance essentielle car elle montre comment une politique d’influence et de pression menée par une grande puissance permet de s’affranchir des principes affichés et défendus par l’organisation internationale.
Le 31 mars 2019, à Hong Kong, a eu lieu une première manifestation contre un projet de loi présenté par le chef de l’exécutif de Hong Kong, Carrie Lam, qui visait à faciliter les extraditions vers la Chine continentale.
Il faut noter que dans la dernière livraison du Figaro Histoire, figure un excellent article de Jean-Pierre Cabestan titré Dans les Griffes du Dragon, qui retrace l’histoire du territoire depuis l’implantation britannique en 1842. Hong Kong a été rattaché à la République populaire de Chine en 1997 avec un statut spécial qui garantissait une relative démocratie comparativement au régime chinois (Un pays deux systèmes). Si le pouvoir chinois, surtout avec Xi Jinping n’a cessé de vouloir accroître sa mainmise politique sur le territoire, il n’empêche que la position économique et financière de celui-ci, encore indispensable pour le gouvernement central, constitue une limite aux prétentions de ce dernier.
Les manifestations se sont amplifiées avec le temps. La manifestation du 16 juin a réuni deux millions de personnes ; le 1er juillet les manifestants envahissaient le Conseil législatif du territoire. Si le 4 septembre, Carrie Lam annonçait le retrait du texte contesté, les manifestants n’ont pas pour autant renoncé à leurs démonstrations. Le 18 novembre, la police a tenté de prendre d’assaut l’université polytechnique de Hong Kong, occupée par les étudiants. Si elle a dû renoncer à une évacuation, il apparaît que de nombreux manifestants ont abandonné les lieux depuis lors.
Par rapport à cette situation, le gouvernement chinois se trouve dans une position difficile. D’une part, Hong Kong du fait de son statut spécial ne peut être assimilé au reste de la Chine et, compte-tenu de la place occupée par la Chine sur la scène internationale et de l’image qu’elle veut donner (situation très différente de celle de juin 1989 lors de la répression des manifestations de la place Tian’anmen), toute intervention militaire directe aurait des effets désastreux. D’autre part, les revendications exprimées qui portent sur l’exercice de la démocratie présentent un risque éventuel de diffusion d’abord dans les régions économiquement les plus avancées.
Interrogé par Figarovox, le 19 novembre 2019, Hongkong : « La Chine ne peut se permettre l’image d’un nouveau Tian’anmen », Barthélémy Courmont observe : Le scénario idéal pour Pékin serait un épuisement progressif du mouvement, comme ce qui s’est produit avec celui des parapluies en 2014, et une opinion publique acquise à la cause d’un retour à l’ordre… Un embrasement est en revanche problématique pour la Chine, qui ne peut se permettre d’offrir au monde et à sa propre population l’image d’un nouveau Tian’ Anmen. S’agissant d’une issue pacifique au conflit, il précise : Sur les bases actuelles, il n’y en a pas. Les revendications des manifestations dépassent largement les mesures impopulaires adoptées par l’exécutif hongkongais, elles témoignent d’une crise profonde et d’une contestation de la légitimité de la Chine. Les pro-démocratie à Hong Kong se sentent trahis par Pékin, qui ne respecte pas la souveraineté politique de l’ancienne colonie britannique, en dépit des accords de rétrocession qui placent à 2047 une intégration définitive. De leur côté les dirigeants chinois estiment que cette période de cinquante ans, dont nous approchons de la moitié, doit se caractériser par une intégration progressive, y compris du système politique.
Cette situation insurrectionnelle n’est pas sans conséquences économiques pour le territoire, profitant à d’autres, Singapour, en l’occurrence, qui, en revanche, par effet de propagation pourrait être atteint dans son équilibre politique interne. Jean-Marc Sylvestre (Atlantico, 21 novembre 2019, Hong-Kong s’enflamme, sa jumelle historique, Singapour, récupère les flux de capitaux et redoute la contagion…) remarque : Selon une note de Goldman Sachs, 3 à 4 milliards de dollars en dépôts auraient quitté Hong-Kong pour se réfugier dans les établissements de Singapour depuis le mois d’août. Parallèlement, les investisseurs étrangers refusent désormais d’aller à Hong-Kong et se tournent vers d’autres lieux plus sécurisés, dont Singapour. Mais, dans le contexte, Singapour ne se réjouit pas de récupérer le business de Hong-Kong. Alors Singapour a décidé de s’occuper de son peuple parce qu’à Singapour plus qu’ailleurs, la richesse a engendré beaucoup d’inégalités.
Une réflexion sur la situation internationale de la Russie depuis la disparition de l’URSS
Nul n’imaginait lorsque les géopoliticiens anglo-saxons se penchaient, dans la première moitié du XXè siècle sur la question russe, la place que prendrait la Chine dans le siècle suivant. La Russie, devenue URSS après la révolution d’octobre 2017, paraissait la maîtresse de l’espace eurasiatique. Aujourd’hui, la nouvelle Russie, née en 1991, est flanquée à l’est d’une puissance chinoise qui la domine économiquement et qui dispose par la même d’atouts politiques prépondérants. Jacques Sapir qui tient une chronique régulière sur le site Les Crises.fr, [RussEurope-en-Exil], a publié dans ce cadre un article, le 19 novembre 2019 : D’Alexeï Pouchkov à Bastien Lachaud, deux points de vue sur la question de la Russie.
Dans cet article, Jacques Sapir présente une synthèse assortie de commentaires du livre d’AlexeÏ Pouchkov, Le Jeu Russe sur l’échiquier global, préfacé par Jean-Pierre Chevènement. AlexeÏ Pouchkov parcourt en douze chapitres ce qu’ont été la position internationale de la Russie et la politique étrangère conduite par celle-ci depuis les dernières années de l’URSS jusqu’à la période présente. L’auteur, selon la synthèse de Jacques Sapir, montre comment sous Mikhail Gorbatchev, du fait d’une politique incompétente, l’URSS s’est placée en position de soumission vis-à-vis des Etats-Unis, espérant être considéré par ceux-ci comme un partenaire égal. C’est avec la nomination par Boris Eltsine d’Ievgueni Primakov, en janvier 1996, comme ministre des Affaires étrangères, que la Russie a perçu la mauvaise volonté américaine voire son double jeu. Si après son accession au pouvoir Vladimir Poutine a cherché à améliorer les relations Russo-Américaine, au vu de la situation, il a exprimé lors de la conférence sur la sécurité à Munich de février 2007 ce qu’il considérait comme les intérêts vitaux de la Russie. Cet évènement constitue le tournant dans les relations entre cette dernière et l’Amérique. Vladimir Poutine a pris des mesures de sauvegarde. Les relations avec les pays Occidentaux et les Etats-Unis se sont, progressivement, radicalement dégradées. Il souligne Le fait que les Etats-Unis connaissaient à cette époque une crise globale de leur hégémonie explique aussi largement leur politique agressive et la détérioration des relations Russo-Américaines.
Tout en reconnaissant que l’analyse d’AlexeÏ Pouchkov est globalement juste, Jacques Sapir émet certaines réserves, évoquant notamment son expérience personnelle s’agissant des vifs débats dont il a été le témoin lors de séminaires organisés par des administrations américaines mais aussi des entretiens menés avec des représentants du FMI. Il souligne aussi que dans l’analyse de l’auteur il est attribué aux dimensions personnelles de ces acteurs trop de choses et pas assez aux contraintes politiques et économiques de l’époque.
Michel Leblay et Laurent Artur du Plessis
25/11/2019
Source : Correspondance Polémia
Crédit photo : Domaine public