Le roi est nu. À poil. Tout le monde le voit. Le monde entier ricane et la France a peur, d’autant que l’État actionnaire n’a plus un radis !
AREVA a publié ses comptes et affiché une perte record de près de 5 milliards d’euros. Un chiffre énorme pour une entreprise hors normes, sorte de concentré d’exception française, la bonne comme la mauvaise. La bonne car les ingénieurs d’AREVA sont issus de ce que la France produit de meilleur. Des têtes bien pleines capables d’inventer une filière que le monde nous envie. Au service du nucléaire, technologie de l’indépendance stratégique, source de compétitivité pour nos entreprises, d’électricité à bas coût pour les Français, mais aussi relais de puissance et de souveraineté civile et militaire dans le concert des nations.
La mauvaise car cette entreprise cumule toutes les tares des grandes entreprises publiques. Le management terrorisant de figures médiatiques surévaluées, entourées de hauts fonctionnaires qui n’ont rien pu, su ou voulu voir. Des luttes de pouvoir reléguant la gouvernance d’une entreprise exceptionnelle au rang des arrière-cuisines de partis politiques. Et enfin, la cogestion avec des syndicats de privilégiés, accrochés à des fonctionnements dépassés depuis 30 ans, ignorants des démarches de productivité ou de simple réduction des gaspillages, et servis par le degré zéro du management, où la culture technique et la lâcheté du quotidien tiennent lieu d’inspiration pour les collaborateurs.
Maintenant, le roi est nu. A poil. Tout le monde le voit. Le monde entier ricane et la France a peur, d’autant que l’État actionnaire n’a plus un radis !
Anne Lauvergeon est partie, le caquet enfin rabattu. Le pauvre Luc Oursel est mort. Le nouveau tandem inspire confiance. La présence rassurante de Philippe Varin, pas rancunier pour deux sous contre les petits marquis puceaux de Bercy et de Matignon, est un atout.
Il va falloir réinventer beaucoup de choses. La filière, les coopérations avec les principaux clients et fournisseurs, le dispositif à l’exportation, etc.
Il va falloir apprendre la culture du résultat, et aussi l’humilité.
Il va surtout falloir remettre l’entreprise au boulot. Réduire les coûts pour éviter de supprimer des postes. Reprendre le pouvoir sur le terrain. Apprendre aux managers à diriger. Expliquer aux syndicats qu’ils ne décident pas. Et là, la tâche est immense.
Que va faire la CGT de M. Martinez, Fifi les belles moustaches ? Trouver là un terrain idéal de rapport de forces pour plomber encore plus les espoirs de redressement ? Multiplier les demandes d’expertise et les menaces sur les RPS ? Accompagner les réformes de bon sens qui doivent mettre fin aux organisations supports surnuméraires, à l’absentéisme des fonctions tertiaires, aux implantations géographiques inutiles ?
La nouvelle direction d’AREVA a recruté le DRH de la SNCF pour faire le travail. Bon courage, mais la vitesse d’exécution n’est pas la même. Les réformettes SNCF avancent au rythme du tortillard ; AREVA a besoin d’une restructuration TGV.
A la tête d’EDF (autre mammouth, mais en bonne santé), Jean-Bernard Lévy a annoncé vouloir sortir des 32 h (eh oui !) pour remettre au travail l’entreprise. Aux dernières nouvelles, le projet est déjà plombé. Encore et toujours par les mêmes.
L’évolution – par ailleurs dramatique de par ses conséquences sur le régalien – de notre haute fonction publique et la fuite des talents vers le privé, surtout étranger, nettoient progressivement les entreprises publiques de l’énarchie parasite et incompétente qui en encombre les structures de décision.
Qui fera le nettoyage par le bas ? Qui libérera les collaborateurs qui veulent travailler des syndicalistes rétrogrades, incompétents, paresseux et autoprotégés ?
Combien de beaux pavillons d’entreprise faudra-t-il encore baisser pour que les choses bougent ?
Philippe Christèle
Source : Boulevard Voltaire
05/03/2015