Un illustre inconnu va perdre sa place. C’est tout l’exécutif qui est déstabilisé. L’affaire Aquilino Morelle a un grand mérite : elle révèle où se trouve vraiment le pouvoir dans notre République. Le pouvoir est aux mains de conseillers jamais élus qui sont de toutes les luttes d’influence et complots de palais. La démocratie est une magouille permanente et « House of Cards (*) » pourrait être un feuilleton français. La République est gouvernée par des Richelieu de l’ombre et aux petits pieds.
Aquilino Morelle est l’un des plus proches collaborateurs de François Hollande, celui qui a son bureau juste à côté de celui du chef de l’État. Dans l’organigramme de l’Élysée, Aquilino Morelle est le conseiller politique et chef du pôle communication au cabinet président de la République. Ces hommes de pouvoir, qui ne sont pas sous les projecteurs, se servent de l’État à des fins privées et pensent pouvoir faire des choses interdites aux politiques. Alors certes Médiapart se fait une spécialité assez nauséabonde de la chasse à l’homme, mais si des fouineurs trouvent c’est qu’il y a à chercher. Il y a à chercher dans l’arrogance et l’indécence d’un personnel politique qui se croit toujours au-dessus des lois.
Sur le fond des choses, le plus grave dans l’enquête que consacre Médiapart à Aquilino Morelle repose bien entendu sur les conseils ou les études que ce haut fonctionnaire de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) a facturés en 2002 au laboratoire américain Lilly puis au danois Lundbeck en 2007. Lorsque l’on est haut fonctionnaire, ancien conseiller technique chargé du médicament (comme Jérôme Cahuzac), ces missions sont contestables. Décidément le médicament est corrupteur.
Le journal Le Point commente très justement :
« Morelle fut l’un des rédacteurs les plus sévères du rapport instruit contre le Mediator, médicament des laboratoires Servier. On espère que l’actuel conseiller politique de François Hollande n’a pas « chargé la mule » pour se venger de son offre d’emploi restée sans suite… Cette connivence entre les grands laboratoires pharmaceutiques, les groupes de conseil en communication, la haute fonction publique et la sphère politique reste un poison lent et de plus en plus délétère. Sur le fond donc, ces liaisons dangereuses méritent des clarifications et sans doute des sanctions. »
Mais ce qui lui sera fatal, c’est sans doute le ridicule du cireur de pompe qui vient de banlieue pour entretenir les paires nombreuses du conseiller à l’Élysée. Interrogé sur le fait qu’un cireur de chaussures vienne régulièrement à l’Élysée s’occuper des nombreux souliers de luxe du conseiller élyséen, le nouveau patron du parti socialiste a semblé catégorique : « Franchement, ça c’est quelque chose qui n’est pas acceptable », a-t-il lancé. Apparemment peu porté sur la modestie, le conseiller s’absentait très souvent pour aller aux bains du Marais se détendre dans le sauna ou le hammam. Il ne se privait également pas de faire monter des grands crus de la cave de l’Élysée pour des repas de travail.
Une chose est certaine, ces informations viennent de rivaux du conseiller qui veulent pour diverses raisons sa peau. Ce proche de Valls était auprès du président le lien privilégié entre les deux hommes et le patron de l’organisation de l’exécutif autour du président et du premier ministre. Son départ ou son discrédit ne va certes pas favoriser la cohérence exécutive….. Un croche-patte évident au tandem Hollande-Valls fragilisé… Déjà.
Raoul Fougax
Source : metamag.fr
18/04/2014
(*) House of Cards, ou Le Château des cartes au Québec est une série télévisée américaine, diffusée sur Canal+.