Michel Lhomme, philosophe, politologue
♦ «Le refus du gouvernement britannique d’autoriser les anciens habitants des îles Chagos à retourner sur cet archipel de l’océan Indien, dont ils avaient été expulsés pour faire place à une base militaire américaine, bafoue outrageusement les droits humains», a réagi début janvier le gouvernement mauricien.
«Le déni du droit des Mauriciens en général, et de ceux d’origine chagossienne en particulier, de s’installer dans l’archipel des Chagos constitue une violation manifeste du droit international », a en effet déclaré le gouvernement mauricien dans un communiqué.
Or le gouvernement britannique vient de réitérer sa position : il exclut de manière catégorique la « réinstallation des Chagossiens sur leur territoire pour des raisons de faisabilité, d’intérêt en matière de défense et de sécurité, et de coût pour les contribuables britanniques ».
Londres avait acquis les Chagos en 1965 auprès des autorités semi-autonomes de Maurice, trois ans avant l’indépendance de son ancienne colonie. Elle vient de prolonger l’option qui lui permet de bénéficier jusqu’en 2036 du bail vieux de 50 ans octroyé aux États-Unis pour l’utilisation à des fins militaires de Diego Garcia, une des îles de l’archipel des Chagos. En renouvelant ce bail, le gouvernement mauricien a cependant réaffirmé que le gouvernement britannique a agi en violation d’un jugement rendu par la Cour d’arbitrage sur les droits de l’homme le 18 mars 2015 et ce, alors que Britanniques et Mauriciens avaient convenu d’ouvrir de nouvelles discussions censées se conclure mi-2017. Pour l »île Maurice aucune somme d’argent et aucune excuse publique par le gouvernement britannique ne pourront rendre « légal » ce qu’elle considère comme illégal et un crime. « Les autorités mauriciennes en 1965 ont subi un chantage ignoble mais ont cédé. De leur point de vue, à l’époque, ils avaient le choix entre l’indépendance ou non », a accusé récemment l’ancien Premier ministre mauricien et leader actuel de l’opposition, Paul Bérenger. Les Chagossiens et leurs descendants, aujourd’hui au nombre de 10.000, sont répartis entre Maurice, les Seychelles et le Royaume-Uni.
Une question embarrassante : les Français auraient-ils dû faire à Mayotte ce que les Anglais ont fait à Chagos ?
En fait, si l’Angleterre fait tout pour conserver Chagos, la France abandonne tout simplement l’Océan Indien sauf Mayotte, dans une improvisation totale et sans aucune programmation, l’île souffrant actuellement d’une grave pénurie d’eau plus que prévisible. Cette semaine et dans l’indifférence générale, le mercredi 18 janvier, la majorité votera -sauf rebondissement de dernière minute improbable – la cession d’une partie de notre territoire national, en cédant à l’île Maurice sa souveraineté sur la petite île de Tromelin, un îlot de 1 km2, plus connue sous le nom de l’île de Sable. L’électeur n’y verra sans doute que du feu ou des ennuis en moins sauf que ce minuscule kilomètre carré représente, à lui seul, 280.000 km2 de zone économique exclusive. La France possède le second territoire maritime du monde, après celui des États-Unis grâce précisément à ses territoires ultra-marins, ces confettis d’empire que Métamag n’a cessé de défendre depuis sa création.
Pour tenter de stopper le vote des députés, l’écrivain Irène Frain, qui avait écrit un roman sur l’aventure des esclaves de Tromelin et le député du Tarn, Philippe Folliot, défenseur par ailleurs de l’îlot de Cliperton revendiqué par le Mexique, co-auteur de France-sur-Mer: un empire oublié (éd. du Rocher, 2009) ont mis en ligne une pétition. Dans la classe politique française, seule Marine le Pen s’est exprimée en dénonçant le projet comme anticonstitutionnel : « Tromelin appartient depuis la loi du 21 février 2007 aux TAAF (Terres australes et antarctiques françaises). Seule une réforme de la Constitution peut donc en permettre la cession. Depuis 1722, la France a toujours assuré sa souveraineté sur Tromelin. »
Cette cession se fera donc à cinq mois du départ du gouvernement dans l’ignorance complète de l’importance de l’Océan Indien, clef du monde à venir. Un tel abandon préfigure celui prochain des îles Éparses alors pourtant que le canal du Mozambique regorge de ressources en hydrocarbures, en particulier autour de l’île française de Juan de Nova, ressources certes aujourd’hui coûteuses à exploiter mais qui seraient au moins aussi importantes que celles de la mer du Nord !
Enfin, l’enjeu de Tromelin est d’autant plus important qu’il fait partie d’une immensité maritime grâce à laquelle, depuis la Convention de l’ONU sur le droit de la mer qui remonte à 1973, la France peut revendiquer près d’un million de kilomètres carrés supplémentaires autour de ses possessions puisque la Convention de Montego Bay permet aux pays côtiers d’étendre leur plateau continental des 200 milles marins actuels jusqu’à 350 milles ! Offrir Tromelin à l’île Maurice est donc une erreur monumentale. C’est donc ce patrimoine qu’un traité dit «de cogestion» signé de façon très discrète le 1er juin 2010 cédera à l’Île Maurice sans contrepartie aucune.
Les députés français approuveront ainsi sans visée de long terme le démantèlement d’une puissance maritime qui est pourtant le seul avenir optimiste de notre pays à savoir posséder un destin peut-être moins continental et européen que maritime et mondial (Méditerranée, Océan Indien et Océan Pacifique).
La ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts, contrairement à Victorin Lurel qui avait su en 2013 défendre Tromelin, semble entériner par son silence cette décision gouvernementale. Quant à Manuel Valls qui avait évoqué l’année dernière à Boulogne-sur-Mer l’avenir maritime de la France, il ne souffle un mot occupé qu’il est à sa primaire . Boulogne-sur- Mer, c’était donc aussi du vent !
Angleterre et France : il y a bien deux manières de voir le monde dans l’Océan indien : une Angleterre qui se défend, une France qui abandonne
Michel Lhomme
17/01/2017
Source : Metamag.fr
Correspondance Polémia – 17/01/2017
Image : L’Océan indien et ses possessions