Par Pierre Boisguilbert, journaliste spécialiste des médias et chroniqueur de politique étrangère ♦ Les sujets de nature à déstabiliser le pouvoir se succèdent dans les médias à un rythme soutenu. Les derniers sondages donnant Thierry Mariani vainqueur en région Paca confirment que la stratégie macronienne ne fonctionne plus.
La magouille politicienne entre Les Républicains jouant la réélection de Macron et rêvant d’un poste gouvernemental a donné un triste spectacle. Il y aura des « En Marche » sur la liste Muselier mais pas d’élus, ni de membres du gouvernement – c’est l’accord sans l’accord, la compromission sans l’assimilation. Moralité, Thierry Mariani gagnant dans tous les cas de figure… enfin dans un sondage.
La Macronie est menacée dans l’élection de demain, mais aussi dès aujourd’hui au Parlement même, comme le démontre le vote négatif sur le « pass sanitaire ». Bien sûr, il a ensuite été adopté puisque, en France, on vote jusqu’au moment où est atteint l’objectif voulu par l’exécutif. Mais le MoDem a lâché LREM et c’est le signe que le président n’a plus une majorité parlementaire solide.
Une nouvelle affaire du voile
Vient s’ajouter l’affaire de l’affiche avec une femme voilée. En fait, une candidate a le droit de se présenter voilée si son parti l’accepte. Dans le cas de l’affiche de Montpellier, ce qui est révélateur, c’est le texte sur l’affiche : « Différents mais unis pour vous. » Le voile est instrumentalisé pour draguer l’électorat musulman, voire islamiste. Tout est dit, comme l’a souligné dans un tweet Jordan Bardella. Le délégué général de La République en Marche commet alors une erreur incroyable : il retweete l’avis de Bardella, ce qui donne en fait raison au vice-président du RN… et ne sera pas pardonné. La réaction de Stanislas Guerini a suscité le mécontentement de certains « Marcheurs ». Députée du Val-d’Oise, Cécile Rilhac y voit… une provocation du RN ! « L’extrême droite ne doit pas dicter notre agenda politique et encore moins les règles électorales », a-t-elle souligné sur Twitter. « Juridiquement, rien n’empêche une personne de se présenter à une élection avec un signe religieux », a rappelé mardi matin Gabriel Attal, invité de France Inter. Néanmoins, le porte-parole du gouvernement a indiqué que LREM « ne souhaite pas présenter de candidats qui s’affichent sur des documents officiels de campagne avec un signe ostensible religieux. C’est une question de choix politique », a poursuivi Gabriel Attal, « quand on présente un candidat à une élection, cela doit se faire dans un cadre de neutralité ». L’investiture a été retirée à la candidate voilée Sara Zemmahi le mardi 11 mai en fin de journée par Stanislas Guerini, position contredite au même moment par la députée Coralie Dubost (compagne du ministre de la Santé Olivier Véran) sur Radio J : « Lorsque vous avez une jeune femme ingénieure qui s’engage pour porter les valeurs progressistes, qu’elle soit voilée ou non, elle a toute sa place chez nous. » Désaccord qui s’est poursuivi sur Twitter, avec des parlementaires très remontés : « Écarter cette candidate serait une discrimination », avait notamment estimé la représentante du Val-d’Oise Naïma Moutchou, relayée par plusieurs collègues. On a bien des mouches dans un bocal politicien et un parti sans doctrine sur un sujet majeur.
À travers les militaires, Marine Le Pen visée
L’affolement est visible également autour des pétitions et manifestes de militaires en retraite ou d’active. Le pouvoir diabolise les signataires plutôt que de réfléchir sur le fond et la réalité de ce qui est dénoncé. En réalité, il entend surtout instrumentaliser cette alerte en kaki pour diaboliser Marine Le Pen. C’est Dupond-Moretti qui a la mission de renvoyer la candidate aux origines du Front national, « entre Pétain et OAS » selon lui. Il le fait, la bave aux lèvres, avec une virulence haineuse à laquelle l’opinion ne comprend rien. Assimiler Le Pen la fille au père et assimiler ce dernier au putsch raté est une erreur proche de la désinformation. La fille a renié le passé de fidélité à certains camarades d’engagement du père. Elle se moque de l’OAS comme de Pétain. Mais, en plus, le cofondateur du Front national n’a jamais approuvé ni le putsch ni l’OAS, et fut pour cela longtemps jugé par certains activistes de l’Algérie française comme un légaliste mou, et certainement pas un factieux.
Mais ils vont voir des factieux partout jusqu’à la présidentielle afin de renvoyer Marine au « fâchismassassin »… Ils ne savent faire que cela. Cela a toujours marché, ça marche certes de moins en moins, mais l’hystérie, fille de l’affolement, peut être dangereuse. Et pas seulement pour la candidature Le Pen.
Pierre Boisguilbert
14/05/2021
Source : Correspondance Polémia