Deux hommes, pas plus que deux femmes, ne sauraient rendre à un enfant, de façon aussi optimale qu’un « couple hétérosexuel », ce qu’il a perdu : un père et une mère. Chronique de Gabrielle Cluzel
Loi Taubira, suite. Le Figaro nous l’apprend : à Paris et dans les Bouches-du-Rhône, les premiers agréments en vue d’une adoption viennent d’être obtenus par de « jeunes mariés » homosexuels.
Mais selon l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), dans d’autres départements, « la procédure coince et les demandes s’enlisent ». Les adhérents auraient « signalé des réticences », certains psychologues essayant de les « coincer avec des questions insidieuses » et émettant « des réserves dans leurs avis ».
Par ailleurs, nombre de pays étrangers leur opposant une fin de non-recevoir, ces « adoptants » doivent puiser dans le vivier français des pupilles de l’État… dont l’adoption est soumise à l’approbation des « conseils de famille ». Or l’association APGL soupçonne ces conseils d’être truffés « de représentants d’associations familiales conservateurs qui sont à la manœuvre et bloquent les dossiers des candidats homosexuels ».
Évidemment, si l’APGL faisait preuve d’un peu d’honnêteté, elle conviendrait – car ce n’est un secret pour personne – que les adoptions en France ne sont pas un parcours du combattant pour les homosexuels, elles sont un parcours du combattant tout court. Alors quoi ? Il faudrait faire de la discrimination positive, donner aux adhérents d’APGL une carte Platine coupe-file afin d’éviter la procédure qui coince et les demandes qui s’enlisent ?
Évidemment, si l’AGPL faisait preuve d’un peu d’honnêteté, elle conviendrait que les conseils de famille ne font pas du militantisme idéologique mais simplement le boulot qu’on leur a assigné : qui consiste, non pas à donner un enfant à des parents, mais des parents à un enfant. En d’autres termes, à réparer (et réparer au mieux) l’injustice de la vie qui a privé un enfant de parents. Tout cela relève, comme l’explique Aude Mirkovic, porte-parole de l’association Juristes pour l’enfant, du simple bon sens : donner à un ado de 12 ans des parents de 22 ans ne serait pas « réparer au mieux », non plus que confier un nourrisson à des quinquagénaires. L’inverse, en revanche…
Et force est de constater que, quelles que soient les qualités de cœur de ceux-ci, deux hommes, pas plus que deux femmes ne sauraient rendre à un enfant, de façon aussi optimale qu’un « couple hétérosexuel », ce qu’il a perdu : un père et une mère.
Du côté de l’association Les Adoptés, dans la mouvance Manif pour tous, on s’inquiète : en 2012, l’idée aurait été évoquée, au ministère de la Famille, de revoir de fond en comble ces conseils. Vaste entreprise qui est peut-être déjà entamée, les huit membres composant chaque conseil étant nommés par les préfets… eux-mêmes nommés par le gouvernement. Y aura-t-il bientôt des « quotas » comme le redoute l’association Les Adoptés ? Et comment choisira-t-on les enfants soumis à la double peine ? (Une fois déjà, petit, la vie t’a privé d’une mère ? Eh bien, vois-tu, rebelote, elle t’en prive une deuxième fois.) Au pifomètre, à la courte-paille, à la tête du client ? Prétendre résoudre une discrimination par une autre discrimination procède d’une curieuse logique. Le 5 octobre, ce ne sera rien d’autre que cette voix du bon sens que porteront les manifestants.
Gabrielle Cluzel
Journaliste, écrivain
Source : Boulevard Voltaire
22/09/2014