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À gauche, les grandes manœuvres ont déjà commencé. Mais la vieille droite regarde passer les trains

À gauche, les grandes manœuvres ont déjà commencé. Mais la vieille droite regarde passer les trains

par | 3 novembre 2014 | Politique

À gauche, les grandes manœuvres ont déjà commencé. Mais la vieille droite regarde passer les trains

« Seule une droite moderne pourrait contrer la gauche moderne en gestation. »

La prochaine élection présidentielle est toujours programmée pour 2017. Mais François Hollande ressemble de plus en plus à un personnage de bande dessinée de Morris et Goscinny. Car dans les aventures du célèbre cow-boy, Lucky Luke, il y a toujours un employé des pompes funèbres qui prend les mesures de la future victime, afin de préparer son cercueil à tout hasard.
Avec Manuel Valls, qui déjà prépare le cercueil de François Hollande, la gauche a trouvé manifestement un croquemort à sa mesure. Mais la droite Rantanplan ne voit rien venir.

No futur

L’impopularité abyssale de l’actuel président de la République, l’absence de résultats, la dégradation continue de la situation de la France, le trouble dans la « majorité », rendent peu probable sa réélection en 2017, quelle que soit la configuration. Car Hollande n’est pas Mitterrand.

Comme l’a montré la présidence de Nicolas Sarkozy en outre, il est très difficile d’inverser sur 5 ans la courbe de l’impopularité ; or François Hollande se situe à un niveau d’opinions défavorables sans précédent sous la Ve République et il ne lui reste plus que trois ans au mieux.

Avec Manuel Valls la gauche se trouve donc devant une alternative simple : soit lier son sort à celui de François Hollande en espérant une hypothétique « divine surprise » d’ici 2017. Soit précipiter les événements.

Règlement de comptes à OK Corral

La première branche de l’alternative présente le risque de l’usure et de l’impopularité croissantes non seulement du président, mais surtout du premier ministre et de sa majorité. Elle présente aussi le risque de voir la vieille droite –actuellement en pleine guerre des chefs – accoucher peut-être d’ici-là d’une candidature crédible, sinon de rassemblement. Le temps risque donc de jouer contre la gauche et accessoirement contre les ambitions politiques de Manuel Valls.

La seconde branche de l’alternative est plus tentante.

Elle consiste en une rupture entre le président de la République et son premier ministre à l’initiative de ce dernier. C’est ce qu’a fait Chirac en 1976 et cela lui a réussi à moyen terme, même si ce fut funeste pour la France.

La nouvelle gauche Macron

Les prises de position répétées de Manuel Valls sur la nécessité de dépasser la « gauche archaïque », son rapprochement spectaculaire avec le MEDEF, les petites phrases d’Emmanuel Macron, son ministre de l’Économie, ou l’éventualité d’un changement de dénomination du PS donnent à penser que les jalons d’une « nouvelle gauche moderne » sont déjà plantés.

Les critiques que lui adresse l’aile gauche du PS servent aussi sa stratégie : celle d’incarner une gauche moderne, ouverte à la mondialisation, qui abandonne le peuple et les vieilles lunes socialistes sans aucun complexe et qui est prête à ratisser au centre : une gauche Macron, qui « réforme » et donc rassure la finance et nos partenaires européens, d’autant qu’elle sera évidemment atlantiste.

La rupture ou la chute

La rupture n’a de sens que si elle se produit avant l’échéance de 2017, afin de capitaliser au maximum sur les divisions de la droite.

Évidemment la rupture est risquée car elle peut quand même déboucher sur un échec électoral. Mais cet échec profiterait quand même à la gauche « moderne » puisqu’il appartiendrait alors à la droite de gérer l’héritage catastrophique de la présidence Hollande – et donc à ladite gauche moderne de prendre rang pour l’avenir.

Bien sûr, ce scénario suppose que les élus socialistes acceptent de retourner devant les électeurs avant 2017. Compte tenu du climat actuel de débandade politique on peut en douter. Mais il se peut aussi que les événements décident à leur place, en particulier si la majorité parlementaire, de plus en plus étroite, venait à faire défaut sur un sujet ou sur un autre.

L’autre inconnue reste évidemment François Hollande lui-même. Homme d’appareil, il a plus d’un tour dans son sac, même s’il n’a pas la carrure historique de François Mitterrand. Cependant il incarne de plus en plus aussi l’échec de son propre camp, puisqu’il se trouve désormais à la fois critiqué sur sa gauche et aussi de plus en plus du côté de la gauche moderne. Cela réduit chaque jour sa légitimité à continuer comme si de rien n’était.

La vieille droite n’a aucune stratégie de rechange

Il s’agit, bien sûr, de politique fiction et le pire n’est jamais sûr.

Mais dans un tel scénario on voit que la vieille droite, une fois de plus, brille par son absence.

Une gauche moderne tirerait toutes les conséquences de son ralliement au néo-capitalisme cosmopolite, avec juste un zeste de « réformes sociétales » pour continuer d’incarner les lumières du progrès et de séduire de nouvelles niches électorales bobos.

La vieille droite n’aura jamais cette souplesse manœuvrière, car elle reste tétanisée à l’idée de « pactiser » avec les idées du diable populiste, même si elles deviennent majoritaires dans l’opinion – alors que la gauche est très douée pour se réclamer en permanence de la justice sociale ou de ses « valeurs immortelles », tout en menant une politique totalement contraire.

Les vautours déplumés

C’est pourquoi seule une droite moderne pourrait contrer la gauche moderne en gestation. Cette droite se fera un jour, avec ou sans la vieille droite.

Mais pour le moment, sauf miracle improbable, la droite restera désunie lors des prochaines échéances législatives et présidentielles, a fortiori si celles-ci devaient se rapprocher. La gauche, elle, même dans l’hypothèse d’une recomposition politique interne, a toujours su s’unir pour « faire barrage ». Il n’y a pas de raison de douter qu’il en sera autrement demain.

Enfin la gauche sait toujours renouveler son personnel politique.

La vieille droite, qui ne sait pas que l’histoire ne repasse pas les plats, nous donne, elle, à choisir entre Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon. Un beau trio en vérité : un ancien président sanctionné par les électeurs de droite en 2012, un premier ministre qui n’a réussi aucune réforme quand il était à Matignon et un autre premier ministre qui promet de faire preuve demain de l’autorité dont il a toujours manqué.

Comme dans les bandes dessinées de Lucky Luke, il y a toujours à la fin de l’histoire trois vieux vautours déplumés qui se querellent en regardant les trains passer.

 Michel Geoffroy
31/10/2014

Michel Geoffroy

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