Jamais Staline n’aurait pu rêver de la réussite d’un conditionnement populaire aussi réussi que les célébrations du soixante-dixième anniversaire du Débarquement américano-britannique de 1944 ! Et si cela a pu se produire sous la présidence du très fade François Hollande, la preuve est faite que nous sommes en « 1984 » au calendrier de George Orwell, avec ou sans l’actuel locataire de l’Élysée.
La population française crétinisée a été ainsi contente de fêter sa vassalisation par les Américains, qui ont pris à cette occasion la place des Britanniques. La victoire de Wall Street sur la City était, là aussi, en marche. N’oublions pas que la gigantesque opération militaire et industrielle qu’a été le Débarquement allié s’appelait Overlord, c’est-à-dire suzerain.
N’oublions pas non plus que l’officialisation festive du 6 juin a été introduite dans la tradition républicaine par Mitterrand. Pas par De Gaulle !
Manque de mesure et hubris mondialiste
En interprétant la Deuxième Guerre mondiale comme la lutte du Bien contre le Mal, les Français, dûment conditionnés, se sont reniés, en répudiant leurs morts ; tout comme le gouvernement allemand qui, depuis Schroeder, participe de manière honteuse et profanatoire à ces commémorations. D’ailleurs, pourquoi n’a-t-on pas symboliquement et rituellement souffleté Mme Merkel ce 6 juin 2014 ? Elle eût certainement accepté l’offense avec une certaine fierté masochiste…
Car tout de même, quelque 1.300 marins français ont été tués à Mers-el-Kébir, le 3 juillet 1940, sous les coups de la flotte britannique, sur l’ordre de Churchill. Qui les commémore ? Et nos « Alliés » ont, avec leur aviation, tué largement autant de civils français (70.000) que les Allemands ont tué de civils britanniques… Méfions-nous de nos « amis » !
Certes, la mesure et la dignité ne sont pas les points forts de François Hollande, mais il faut tout de même lui reconnaître d’avoir été le premier président de la République à évoquer les martyrs civils normands…
De l’anglophilie à l’américanolâtrie
Depuis Napoléon III, qui désavouait son oncle présomptif sur lequel il appuyait sa légitimité impériale, les dirigeants français nous ont conduits, de façon fort peu réciproque, à une anglophilie inopportune. Ainsi Kitchener, le général britannique qui a humilié la France à Fachoda (1898), a été gratifié de ponts et voies à son nom dans notre pays (Lyon, le Havre, etc.), probablement parce qu’il a été ministre de la Guerre de Grande-Bretagne en 1914-1918. Imagine-t-on une Captain-Marchand-Street en l’honneur de l’officier français qui fit face à Kitchener à Fachoda, dans quelques villes du Royaume-Uni ?
Évidemment non ! L’Entente cordiale a toujours été peu partagée de l’autre côté de la Manche.
Né à Rouen sous les bombes « amies », peut-être ai-je quelque rancœur de tradition familiale à dominer ? Il n’empêche que, vis-à-vis de l’Amérique, je ressens les choses comme Montherlant, qui écrivait :
« Une seule nation qui parvient à faire baisser l’intelligence, la moralité, la qualité de l’homme sur presque toute la surface de la terre, cela ne s’est jamais vu depuis que le globe existe. J’accuse les Etats-Unis d’être en état constant de crime contre l’humanité. »
Quant à l’amitié américaine… Parlons-en car l’affaire de la BNP tombe à pic :
La presse nous dit que la banque française risque d’être « condamnée » par la justice américaine à une forte amende pour n’avoir pas appliqué, hors des États-Unis, des embargos américains. En fait, de quoi s’agit-il ? D’un chantage pur et simple, car la procédure de Deal (*) – sans juge – s’apparente, vue d’Europe, à du racket, avec levée du secret professionnel des avocats. N’est-ce pas là un démenti cinglant aux propos sirupeux et ancillaires du président Hollande chantant la gloire d’une Amérique libératrice ?
Éric Delcroix
07/06/2014
(*) Voyez Deal de justice, le marché américain de l’obéissance mondialisée, ouvrage de juristes, sous la direction d’Antoine Garapon et Pierre Servan-Schreiber, PUF, 2014.