En 2016, Polémia, sous la plume de Jean-Henri d’Avirac, fut le premier média à envisager une victoire de Macron (« Pourquoi Macron peut gagner ? »). Au-delà de l’analyse politique classique qui, après les épisodes Juppé et Fillon, dégageait un espace pour le jeune banquier, il fallait, selon l’auteur, relire Baudrillard et comprendre que chez nos concitoyens, consommateurs instables, la soif de nouveauté ou de pseudo-nouveauté devenait obsessionnelle face à des produits marketing lancés avec professionnalisme. L’exercice de politique-fiction auquel il se livre à présent décrit une hypothèse aussi crédible que polémique… Peut-être même une prémonition… Carte blanche, donc, à notre ovate certifié. Polémia
Comment en est-on arrivé là ?
Mars 2022, à la veille de l’élection présidentielle, les instituts de sondage et les « grands » médias de plus en plus concurrencés par la réinfosphère (malgré de multiples tentatives d’épuration légales du Web) s’inquiètent fébrilement des chiffres d’intention de vote. Marion Maréchal serait donnée gagnante au deuxième tour avec 52% des voix selon la toute dernière enquête IPSO-FACTO. Sur tous les plateaux, dans toutes les rédactions mainstream, c’est-à-dire directement dépendantes des actionnaires et des annonceurs, l’heure est au flashback : Comment en est-on arrivé là ?!
Retour sur un quinquennat amorcé en 2017 dans une ambiance des plus électriques. Au-delà de la scène politique devenue chaotique, la double révélation, au lendemain de l’élection du jeune banquier, d’un Macron Gate confirmant une collusion sans précédent du nouveau président avec une certaine oligarchie financière et dans le même espace temps du montage juridico-médiatique dénommé Pénélope Gate le plus surréaliste de la Ve République, allait plonger le pays dans un profond malaise. Un malaise que l’inconsistance de celui qui se révélait être l’incarnation de l’âge 2 du hollandisme ne faisait qu’amplifier. Patrons, bobos et financiers avaient très vite décelé chez Fillon une psychorigidité susceptible de mettre les rues en ébullition. Emmanuel Macron réussissait le tour de force d’être à la fois un pur produit de l’Establishment, l’héritier du pire exécutif de l’histoire de la République, un jeune rebelle dans le ton et la forme, machine à casser la droite, la gauche et même à faire imploser le FN… en tout cas provisoirement.
À la veille du scrutin de l’année 2017, le pouvoir socialiste, avec le cynisme qui le caractérise et la complicité de médias aux ordres de l’Élysée ou de grands groupes redevables, avait organisé en effet un véritable hold-up démocratique par une exécution en règle, savamment ciselée, du favori de la présidentielle. Indubitablement le candidat républicain avait pris quelques libertés avec l’éthique la plus basique lorsque l’on prétend briguer les plus hautes fonctions de l’État et que l’on se présente au peuple en grand chevalier blanc. Mais, au plan strictement légal, la montagne accouchait d’une toute petite souris et laissait un goût terriblement amer chez bon nombre de nos concitoyens : la France fleurait bon la République bananière et, de la droite violée à la gauche insoumise, un profond besoin de revanche infusait dans la colère.
Peste brune et Fleur bleue
À moins de 35%, Marine Le Pen offrait finalement à ses électeurs et à ses soutiens une pilule bien dure à avaler. Les législatives qui allaient suivre le scrutin présidentiel n’allaient offrir, mode de scrutin oblige, que de bien maigres consolations. Sur fond de désordre islamo-migratoire, le boulevard qui avait été offert au FN ces dernières années par l’incompétence des pouvoirs successifs se transformait en pâle copie du momentum FN Avril 2002.
« Tout ça pour ça », entendait-on dans les chaumières patriotes. Tout ça… C’est-à-dire un certain reniement perçu de l’ADN du Front, une ligne Philippot sociale-démocrate-patriote rognant, édulcorant jusqu’à l’écœurement les discours d’appartenance, recentrant sur la thématique très technique de l’euro et de l’Europe sans pour autant livrer à la candidate l’argumentaire complet étayant cette nouvelle colonne vertébrale stratégique, ce nouvel axe politique. Tout ça pour ça… En fond de sauce, que dire enfin de cet irrépressible besoin de dédiabolisation d’un parti devenu Geek-friendly, Gay-friendly, press-friendly, débarbouillé de sa marque, de son nom, affublé d’une fleur bleue que la presse aux ordres tout comme la gauche insoumise percevaient toujours (mais oui, toujours !!!) comme le masque dernier cri de la Bête immonde, de la Peste brune. Une dédiabolisation qui effritait à peine le sacro-saint Front Républicain et ne parvenait pas réellement à rallier d’autres patriotes égarés sur l’ensemble de l’échiquier politique, indécis ou en quête de sens.
De l’impasse au boulevard
L’année 2017, malgré des résultats finalement honorables en valeur absolue, avait ainsi offert au Front un scénario façon 2002, rien de plus, à part sans doute une profonde crise existentielle.
Au plan international, 2018 fut l’année de tous les dangers. L’Alliance Est/Ouest contre Daesh avait, certes, anéanti les rêves de l’État Islamique sur son califat totalitaire mais la guerre s’était plus que jamais exportée en Europe sous la forme d’un micro-terrorisme du quotidien dont les porte-drapeaux sortaient par milliers de nos propres banlieues, des banlieues devenues de vrais incubateurs islamistes sous le regard effaré du pouvoir Macronien multipliant la création de « task forces» aussi stériles que ridicules.
La nouvelle crise financière qui éclata à l’automne 2018 allait fragiliser encore bien plus au cœur l’euro et l’Union européenne par ailleurs toujours confrontés dans l’impuissance totale à une pression migratoire sans précédent. Les interrogations sur la monnaie unique étaient telles que même les économistes les plus fervents défenseurs du Système commençaient à échafauder en prime time sur les plateaux de télévision des hypothèses de sortie.
Pays star de l’année 2019, le Royaume-Uni démontrait à la face du monde bien pensant que le Brexit n’avait non seulement pas ravagé son économie mais lui avait permis de se repositionner sur la scène internationale et de conquérir de nouveaux marchés. L’accord de sortie de l’Union européenne s’était finalement révélé moins violent qu’annoncé. L’immigration débridée avait été jugulée. Trump, en considérant plus que jamais le Royaume-Uni comme le xième État des USA avait fait de la Blanche Albion son partenaire économique extérieur privilégié. Le Commonwealth s’était revigoré. Des accords bilatéraux comme ces grands accords commerciaux turco- ou russo-britanniques faisaient, si besoin était, la démonstration que les échanges pouvaient s’assujettir à une vision politique. En bref, la santé politique et le PIB du Royaume-Uni post-Brexit faisaient pâlir d’envie bon nombre de pays eurocontinentaux, y compris, contre toute attente, l’Allemagne, enferrée dans une grave crise identitaire.
Tout cela, bien entendu, apportait de façon éclatante de l’eau au moulin du Front des Patriotes plus que jamais identitaire et Pro-Frexit.
C’est évidemment la ligne Marion Maréchal qui s’imposait au gré des grands rendez-vous du mouvement : claire et en phase avec la gravité du moment : une radicalité assumée sur l’immigration et l’islam ; une pédagogie tous azimuts sur le parti lui-même en lieu et place de toute stratégie de dédiabolisation, sans tourner le dos aux convictions profondes, en expliquant simplement ce qu’il est et ce qu’il n’est pas, en dénonçant l’islamo-fascisme et le fascisme libéral mondialiste, seuls véritables résidus totalitaires dans le monde d’aujourd’hui ; en affirmant enfin sans ambiguïté que la xénophilie et la xénophobie sont les deux faces opposées d’une seule et même pièce : l’altération pathologique du rapport à l’autre.
Dès 2018, et malgré une crise interne à l’issue d’un congrès amorçant une réelle mutation, le Front avait commencé à engranger les restes les plus présentables d’une droite en décomposition. Marion, par un discours à la fois ferme sur le fond et régénéré sur la forme, voyait au fil des mois converger vers elle la droite gaulliste, de nombreux « insoumis » de gauche, quelques écologistes sensibles à son discours écolocaliste pour une écologie politique post-mondialiste. Très astucieusement, son pacte souverainiste pour l’Europe laissait entrevoir une confédération des patries européennes post-euro à l’échelle du continent dont les rouages étaient décrits, les impacts chiffrés, tournant le dos à un bashing européen systématique et à l’impréparation technique des programmes et discours, jadis marques de fabrique de la communication du Front.
La vision multipolaire désormais partagée par le Kremlin et la Maison Blanche, malgré l’inconstance déconcertante de cette dernière, confortait l’émergence d’un bloc antimondialiste à l’échelle du monde qui explosait définitivement les anciens clivages comme l’avaient anticipé nos intellectuels les plus visionnaires.
La partition patriotes/mondialistes dont nous percevions les prémices dès 2017 s’affiche aujourd’hui clairement sous nos yeux. Ce nouveau clivage dessine à l’évidence une nouvelle page de notre Histoire. Les inquisiteurs conso-dépendants, valets des oligarques, n’ont plus de prise sur les consciences. Les esprits libres ont priorisé leurs combats et chassé leurs idées préconçues imbibées de moraline. Nous sommes à la veille d’un grand changement marqué par le réveil des peuples… En cette année 2022, après l’impasse Macron s’ouvre à nous le Boulevard Marion.
Jean-Henri d’Avirac
08/05/2017
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